L'IoT, barrière aux catastrophes naturelles

L'IoT, barrière aux catastrophes naturelles Encore peu déployée pour la prévention et la gestion des catastrophes naturelles, la technologie IoT représente une opportunité pour le secteur du bâtiment.

Entre la tempête Larisa qui a frappé le sud de la France mi-mars et le tremblement de terre ressenti dans le Doubs le 22 mars dernier, les catastrophes naturelles continuent de faire l'actualité en France. Face à ces aléas climatiques, à propos desquels les scientifiques alertent sur leur aggravation tant en fréquence qu'en intensité, l'IoT a une carte à jouer. La technologie est en effet parfaitement adaptée grâce à ses caractéristiques. "Les réseaux LPWAN sont déployés dans le monde entier, ils fonctionnent dans des conditions extrêmes et permettent par les différents capteurs de détecter les signes précurseurs aux catastrophes naturelles", souligne Dale Seed, ingénieur chez InterDigital et président du groupe de travail sur la conception et la sécurité de l'organisation de normalisation oneM2M.

"L'IoT alerte les populations en cas de risques, ce qui leur permet de bénéficier de précieuses minutes pour se mettre à l'abri."

Un avis partagé par Henri Delattre, fondateur et président de Global Smart Rescue, start-up IoT française spécialisée dans la gestion des catastrophes : "Quand une catastrophe naturelle survient, il y a une rupture des infrastructures de communication. L'IoT, par ses réseaux longues portées peu énergivores, et ses réseaux satellitaires, permet d'envoyer des alertes et de redonner de la visibilité aux secours." L'entreprise Vasco Electronics, qui fournit des outils de traduction sur les lieux de catastrophes, comme dernièrement en Turquie, met justement en avant les capacités réseau de l'IoT comme une piste pour le futur de ses produits.

A l'étranger, les solutions ont déjà prouvé leur efficacité. "L'IoT alerte les populations en cas de risques, ce qui leur permet de bénéficier de précieuses minutes pour se mettre à l'abri. Les usages déployés fonctionnent très bien", affirme Xavier Dupont, CEO du fournisseur Webdyn, qui a travaillé dans le passé sur des balises connectées mesurant les courants marins pour prévenir du risque de tsunami, mais aussi sur des capteurs de sol afin de suivre les risques de coulées de boue et de glissement de terrain en Thaïlande.

Les feux de forêt et les inondations

En France, deux principaux usages se démarquent, d'après l'analyse d'Elsa Sab, consultante IoT chez le cabinet de conseil Magellan Consulting. Le premier d'entre eux, qui émerge depuis l'été 2022, est la détection des feux de forêt. Un sujet au cœur de l'activité de la start-up française Sylviacare. De son côté, l'éditeur français de logiciel de gestion de flotte Ubiwan a également pu constater l'apport de l'IoT pour cet usage : "Nous accompagnons depuis 2011 le GIP ATGeRi à Bordeaux dans ses missions de gestion de crise et de protection d'évènement, raconte David Babin, son CEO et cofondateur. Les équipes nous ont informé avoir utilisé nos dispositifs pour organiser les saignées dans les forêts afin de ralentir le feu. Grâce aux données transmises en temps réel et de manière qualitative, nos balises portées par les personnes réquisitionnées leur ont permis de s'assurer de la sécurité de chacun en fonction de l'avancée du feu et de les évacuer à temps. Mais aussi que les travaux étaient effectués au bon endroit. Et de visualiser la progression du feu par leur contour par hélicoptère quand les fumées empêchaient toute visibilité."

Le deuxième usage phare en France porte sur la prévention des inondations. A titre d'exemple, l'Agglomération Cannes Lérins, dans les Alpes-Maritimes, a remporté le 22 mars le label de bronze "Territoire innovant" lors du Forum des Interconnectés à Toulouse pour l'utilisation de nouvelles technologies dans sa lutte contre les inondations, dont les capteurs de la start-up française HD Rain pour mesurer les niveaux de pluviométrie. "L'IoT offre de vrais potentiels pour prévenir du risque d'inondation et en limiter les dégâts", assure Manuel Correia, directeur de Ailau Protect, qui a conçu une barrière anti-inondation connectée. Le fabricant Atim propose pour sa part un capteur évaluant la hauteur d'eau dans une retenue.

Les obstacles à sa généralisation

Tous les acteurs interrogés l'affirment, les solutions IoT pour détecter les catastrophes naturelles sont nombreuses, entre les offres dédiées, qui sont renforcées par des composants durcis, ou les capteurs pouvant s'adapter selon les besoins. Alors pourquoi les déploiements à grande échelle semblent-ils inexistants ? Ailau Protect, par exemple, n'a commercialisé que deux barrières anti-inondations. Le plus souvent, les obstacles sont d'ordre politique et économique. Les déploiements IoT, pour être efficaces, doivent être menés à grande échelle, ce qui représente un coût important sur le court-terme.

"Les assurances accordées en cas de catastrophes naturelles ne poussent pas les collectivités à s'intéresser aux mesures de prévention"

"Les assurances accordées en cas de catastrophes naturelles ne poussent pas les collectivités à s'intéresser aux mesures de prévention", regrette Manuel Correia. Un constat confirmé par Raphaël Autale, PDG de la société d'ingénierie française Tekin : "Ces capteurs n'apportent aucun ROI immédiat, cela s'inscrit dans une vision à très long terme." La diversité des acteurs sur le marché représente par ailleurs un autre écueil face auquel l'organisme public l'Avicca appelle à davantage de mutualisation.

Du bâtiment à la ville

La gestion des catastrophes naturelles représente aussi une opportunité pour le smart building. "La solution serait que cela soit porté par des acteurs différents, notamment dans le développement de partenariats public-privé", estime Raphaël Autale, qui évoque les responsables RSE. Enedis et TotalEnergies font partie des entreprises qui ont intégré la gestion des catastrophes naturelles à leur politique RSE. Ailau Protect, qui s'est déjà orientée vers le smart building, milite aussi pour de la co-construction. Une voie sur laquelle s'engage notamment le syndicat mixte ouvert Essonne Numérique, qui organise ces 1er et 2 avril un hackathon sur le thème de "l'eau et du numérique" pour concevoir, avec des acteurs locaux, des chercheurs et des universitaires, des solutions IoT de lutte contre la sécheresse et les inondations par exemple.

Des usages liés aux bâtiments se développent en effet en résonnance avec ce sujet. A l'image des capteurs de fissure de la start-up française Feelbat, dédiés au smart building et qui permettent de suivre les mouvements de terrain. De même, la deep-tech française d'analyse vision par intelligence artificielle XXII développe ses algorithmes pour que les caméras connectées des bâtiments de ses clients puissent détecter les feux de forêt, les montées des eaux et les noyades. "Créer le jumeau numérique de bâtiments permet d'anticiper le comportement face aux aléas climatiques", souligne William Eldin, son CEO et fondateur. Dernier exemple, la start-up française Olythe collabore avec des industriels pour que son capteur de gaz, censé détecter de petites fuites dans des bâtiments, agisse en préventif à d'éventuels incidents industriels. Avec les catastrophes naturelles, l'IoT donne un nouveau rôle aux bâtiments.