LCEN : les hébergeurs se désolidarisent des sites Web 2.0

Les hébergeurs de données ne veulent plus être amalgamés aux sites communautaires. Ils réclament une évolution de la LCEN, tendant vers la création d'un statut propre pour les acteurs du Web 2.0.

Alors que les procédures judiciaires se multiplient à l'encontre des sites participatifs, les hébergeurs techniques commencent également à s'émouvoir du statut juridique que leur accorde la loi sur l'Economie numérique (LCEN) de 2004. Ce texte accorde actuellement le même statut juridique à ces deux types de sociétés, qu'elles soient des plates-formes communautaires ou qu'elles se contentent de stocker des données sur des serveurs : celui d'hébergeur, non responsable des contenus publiés.

Or affirment les hébergeurs techniques, le métier d'un hébergeur de données et celui d'un hébergeur de contenus est loin d'être le même. "Ce statut est devenu un vrai fourre-tout dans lequel on mélange les hébergeurs de données et les hébergeurs d'opinion", estime Eric Sansonny, directeur marketing et commercial de la société Amen. "Nous ne sommes que des réceptacles de données, il ne nous appartient pas de contrôler ce que stockent nos clients."

Le rapport d'évaluation de la LCEN adopté en janvier dernier par la commission des Affaires économiques de l'Assemblée nationale devrait justement conforter la position des hébergeurs de données. Son auteur, Jean Dionis du Séjour (Nouveau Centre, Lot-et-Garonne) préconise de "légiférer pour adapter la loi à la diversification de l'activité d'hébergeur, en tenant compte, par exemple des spécificités de l'activité d'hébergeur de sites collaboratifs".

Autrement dit, le député prône la création d'un troisième statut pour les sites collaboratifs, aux côtés de ceux d'hébergeur et d'éditeur. Le député suggère en fait de renforcer les responsabilités des services communautaires, bénéficiant jusqu'à présent du statut d'hébergeur. "Le statut d'irresponsabilité ne leur convient plus", estime-t-il. Les hébergeurs de données continueraient quant à eux de bénéficier du statut actuel d'hébergeur, prévu par la LCEN. Une proposition saluée par ces derniers.

Et pourtant, la création de ce nouveau statut pour les sites participatifs ne protègera pas pour autant les hébergeurs techniques d'éventuelles poursuites. Car la plupart des décisions juridiques rendues depuis la mise en application de la LCEN tendent à reconnaître une certaine responsabilité aux sites ayant le statut d'hébergeur, dès lors qu'ils ont connaissance de faits pouvant entraîner des litiges.

Ainsi, Amen a par exemple été condamnée en mars dernier par le tribunal de grande instance de Toulouse, pour n'avoir pas retiré assez rapidement un contenu illicite stocké sur ses serveurs par l'un de ses clients. Depuis, Amen a fait appel de cette décision. "Les hébergeurs techniques ne se satisferont pas de ce statu quo, dans lequel ils conservent une part de responsabilité", prédit Benoît Tabaka, directeur juridique et règlementaire de PriceMinister, un des membres de l'Association des services Internet communautaires (Asic).

Le dernier mot devrait cependant revenir au tout nouveau secrétaire d'Etat à l'Economie numérique, Eric Besson. Ce dernier a déjà indiqué ne pas vouloir réviser la LCEN, indiquant qu'il n'avait pas l'intention de "castrer" Internet. Mercredi 23 avril, il a d'ailleurs rencontré les représentants de l'Asic, réaffirmant son souhait de conserver le cadre juridique actuel.