Quelle place pour les femmes parmi les acteurs de l'économie numérique ?
Si notre pays peut s'enorgueillir de quelques succès dans l'économie numérique, le bilan est plus modeste quant à la place laissée aux femmes dans ce secteur des nouvelles technologies. Et pourtant, il n'y pas de fatalité. Juste une indispensable prise de conscience collective.
Le numérique français a suscité quelques belles réussites économique. On peut citer Jacques-Antoine Granjon, PDG de
Vente-Privee.com qui vient de signer une « joint venture » avec
American Express pour mettre un pied sur le marché américain, Marc
Simoncini, PDG de Meetic, racheté récemment par Match.com. Parlons aussi des
frères Guillemot et de leurs sociétés spécialisées dans les jeux vidéo.
Contrairement à ce que certains
prétendent, la France n’a pas raté son virage numérique mais dispose bien de
patrons d’envergure internationale dans ce secteur.
Depuis l’invention du Minitel (quelque part ancêtre de l’e-commerce), notre pays a été pionnier dans
l'industrie du numérique et continue de jouer un rôle prédominant dans les
ruptures technologiques récentes : le lancement du « triple play »
par Free, le développement d’un écosystème logiciel voir de quelques
« briques logicielles » sur lesquelles Apple a construit l'iPhone et
l'iPad, etc.
Mais qu’en est-il de la place des femmes?
Au-delà de l’âge de 35 ans, la déperdition des talents féminins est
catastrophique et trop peu de femmes accèdent à un poste de dirigeante aujourd’hui.
La première raison est le manque
criant de femmes qui suivent des cursus scientifiques ou ingénieurs. Cette
présence limitée est sans nul doute liée à l’éducation des jeunes filles. Trop souvent, les garçons accèdent à
l’univers des sciences dès leur plus jeune âge, les filles y sont moins
incitées. Les parents doivent permettent aux jeunes filles d’accéder à des passe-temps
originellement qualifiés de « masculin », afin qu’elles puissent les
démystifier : utiliser une loupe pour observer, un microscope pour les
intéresser à l’infiniment petit, etc.
Ensuite, à l’école, les sciences doivent faire partie intégrante
de leur formation académique. Il faut parvenir à susciter chez elles beaucoup plus
d’intérêt pour ces matières.
Arrivées en collège ou lycée, les
jeunes filles peuvent être mal orientées. Elles n’arrivent pas à mesurer les
opportunités de carrière qu’offrent les nouveaux métiers du numérique. Il est
indispensable de les en informer afin qu’elles aient la possibilité de suivre
un cursus dans des écoles d'ingénieurs ou des filières scientifiques. Il faut également
leur expliquer l’utilité de maitriser plusieurs langues comme l’anglais et
encore mieux l’arabe, l’espagnol ou le chinois. Les candidates issues de ces
cultures auront à l’avenir un avantage considérable.
Une fois leur baccalauréat en poche,
les jeunes femmes suivent souvent une formation d’excellence au sein des
établissements français qui bénéficient d’une renommée internationale. Les
élèves des meilleures écoles d'ingénieurs françaises sont courtisés presqu'un
an avant leur sortie de l'école par Microsoft, Cisco, Apple, Google ou Amazon. La
langue française est d’ailleurs pratiquée dans la Silicon Valley, à Seattle ou
Redmond où siègent les plus grandes entreprises du secteur.
Cependant, le passage à une carrière en entreprise reste délicat.
Les jeunes femmes ambitieuses
et talentueuses doivent prendre conscience qu'une carrière au féminin n'est pas
linéaire ni ascensionnelle en continu. Elles doivent pouvoir s’autoriser le
droit de lever le pied temporairement, le temps d'avoir leurs enfants et de les
voir grandir un peu, avant de reprendre un rythme plus trépidant.
Après 35 ans, le
« système » en entreprise tend à les décourager, elles sont parfois stigmatisées
ou confrontées à des difficultés liées à leur statut de mère : plus d’évolution
de carrière au retour d’un congé maternité, organisation de réunions après 19h
alors que le système des gardes d'enfants reste chaotique et coûteux, notamment
dans les grandes villes, réflexions sexistes de certains collaborateurs,
clients ou patrons, etc. Elles s’exposent à «la double
peine» : stress au travail et challenge permanent d’élever leurs
enfants. Les talents féminins sont alors trop nombreux à jeter l’éponge et à
quitter le marché du travail, trop peu y reviennent quelques années plus tard
pour viser un poste haut placé.
Les entreprises doivent donc adapter
leur mode de fonctionnement afin de permettre aux femmes dirigeantes ou à
potentiel d'assumer leurs responsabilités tout en ayant une certaine
flexibilité sur les horaires, indispensable pour s'épanouir dans leurs rôles de
femme et de mère. Cisco l’a fait et ça marche.
Ce qui nous fait également grandement défaut, c'est une ou deux femmes à minima dans chaque comité de direction et dans chaque conseil d'administration des grandes entreprises, y compris dans ce secteur. Les femmes disposent de qualités indéniables et reconnues dans le milieu professionnel : elle apportent du pragmatisme et de l'efficacité, elles appréhendent les rapports de force et les situations autrement, elles prennent en général moins de plaisir dans la destruction et le non sens et elles peuvent aider à remettre les choses en perspective.
Chacun à un rôle à jouer sur ce sujet, vouloir la parité sincèrement et la valoriser.