La justice confirme le statut d'hébergeur de Daylimotion et de Fuzz

La cour de cassation a confirmé le statut d'hébergeur de Fuzz et Dailymotion leur garantissant un régime d'irresponsabilité de principe. Cette jurisprudence relance le débat sur l'équilibre à trouver entre le monde de la création et le monde de l'Internet

Par un arrêt très attendu de la Cour de cassation en date du 17 février 2011, la justice a confirmé le statut d'intermédiaire technique de Dailymotion et de Fuzz. Si cette décision semble logique pour bon nombre d'internautes, elle scelle un imbroglio juridique de plusieurs années et garantit enfin une certaine sécurité juridique pour les acteurs du Web 2.0.

 

La loi du 21 juin 2004 a instauré un régime d'irresponsabilité de principe pour toutes « les personnes physiques ou morales qui assurent (...) le stockage de signaux, d'écrits, d'images, de sons ou de messages de toute nature fournis par des destinataires de ces services». Les travaux parlementaires de l'époque puis nombre de professionnels ont appelé ces intermédiaires techniques « hébergeurs » (puisque ce principe avait été, à l'origine, pensé pour les hébergeurs de données, comme OVH par exemple).

 

Cette définition a permis à la jurisprudence d'aller bien au-delà des hébergeurs de données et de reconnaitre le statut d'intermédiaires à :

-                 Facebook (TGI Paris, 13 avril 2010) ;

-                 Wikipédia (TGI Paris, 29 octobre 2007) ;

-                 Over-blog (TGI Paris 22 juillet 2010) ;

-                 Bloobox (CA Paris 21 novembre)

 

Certains sites comme Fuzz (agrégateurs de contenus) ou Dailymotion (site de vidéo) pouvaient répondre à la définition de la loi, mais les ayant-droits des créations ont tenté d'obtenir de ces sites leur part des recettes générées principalement par la publicité.

 

Par exemple, les adversaires de Dailymotion avaient soulevé que le fait que le site de vidéos encaisse de substantielles recettes de publicité grâce au trafic généré par la présence de vidéos effectivement contrefaisantes suffit à faire perdre à Dailymotion son statut d'intermédiaire technique par principe irresponsable. Cet argument, justement basé sur une certaine éthique, a été repoussé à plusieurs reprises par la justice (et définitivement puisque la CJUE a confirmé cette position dans son arrêt de principe du 23 mars 2010, Google France / LVMH).

 

D'autres ont tenté d'expliquer que le régime d'irresponsabilité voulu par le législateur au début du siècle ne bénéficiait qu'aux prestataires ne modifiant pas le contenu et n'imposant aucun cadre. Or, que ce soit Dailymotion, Youtube, Myspace ou encore certains sites de blogs, un minimum de modification du format ou du texte est nécessaire pour des raisons techniques. A nouveau, les tribunaux ont écarté ces arguments et fait bénéficier les sites Web 2.0 du régime d'irresponsabilité.

 

La Cour de cassation a définitivement fermé tous ces débats en reconnaissant à Fuzz et Dailymotion le caractère d'intermédiaire technique bénéficiant d'un régime d'irresponsabilité de principe.

 

Les principaux sites de vidéos, de blogs ou collaboratifs sont donc aujourd'hui rassurés : ils ne sont, a priori, pas responsables des contenus uploadés par les utilisateurs.

 

En revanche, il est possible que la clôture de ce débat juridique ouvre un autre débat, plus économico-politique. En effet, aujourd'hui, il est beaucoup plus rentable d'éditer un site en Web 2.0 où ce sont les utilisateurs qui fournissent le contenu (très souvent en totale illégalité, mais en application de cette jurisprudence, le site ne risque rien) ce qui génère un trafic considérable et donc, d'importants revenus publicitaires (et éventuellement de revente de données personnelles qualifiées des mêmes utilisateurs). La création de contenus (que ce soit des articles de journaliste, de la musique, du cinéma, etc...) est désormais beaucoup moins rémunératrice que l'exploitation de sites Web 2.0 « hébergeant » ces mêmes articles, musiques et/ou vidéos, alors qu'il est plus difficile de devenir Herbie Hancock que de monter un site Internet...

 

Si le droit est rarement moral, il n'en reste pas moins que de nombreux débats comme la loi DADVSI ou la loi HADOPI plus récemment montrent qu'un certain équilibre devra être trouvé entre le monde de la création et le monde des réseaux. Le débat juridique a déjà débuté aux Etats-Unis, est lancé depuis plusieurs années en Allemagne et la Commission européenne se dit « prête » à étudier d'éventuels correctifs à ce titre.