Pourquoi il est urgent d’ouvrir le marché des jeux et paris en ligne

Certaines voix s'inquiètent d'un retard de la promulgation de la loi sur les jeux et paris en ligne. Mais la date butoir doit être la prochaine Coupe du monde de football.

En l'état de la procédure, la prochaine lecture a lieu au Sénat et il semblerait que le texte soit mis en débat pour le mois de janvier voire février. Il est donc probable que le projet de loi soit voté par le Sénat en février. Il sera alors communiqué à l'Assemblée Nationale pour le vote définitif. Les élections régionales vont induire la suspension du calendrier législatif pour une durée estimée aujourd'hui à 3 semaines et ce, à partir de début mars.

Dans le meilleur des cas, le texte sera donc étudié début avril et le projet de loi voté quelques jours après. Enfin, l'opposition procédera probablement à un recours devant le Conseil constitutionnel qui met une ou plusieurs semaines pour donner son avis définitif, toute promulgation étant impossible sans la décision du Conseil.

Alexandre Diehl, Avocat, Lawint
Julien de Préaumont, Fondateur de Betklub

 

En conséquence, ce chemin de croix semble donner raison à M. le Député Jean-François Lamour lorsqu'il dévoile ses craintes de voir la loi finalisée et promulguée avant la Coupe du monde. Toutefois, il semble qu'il existe certaines raisons juridiques et économiques que le pouvoir exécutif doit prendre en compte pour ainsi décider d'accélérer le processus.

 

- Le principe de sécurité juridique. Actuellement, toutes les procédures pénales en cours aboutissent actuellement à des questions préjudicielles auprès de la CJCE de telle sorte qu'il existe aujourd'hui une incertitude totale quant à l'application de la loi de 1836 (loi posant le principe d'interdiction). Les opérateurs sont actuellement dans le flou et cette situation constitue un risque non négligeable pour les milliers de parieurs qui pourraient placer leurs mises sur des sites illégaux pendant la Coupe du monde. Le principe supérieur de sécurité juridique, auquel les citoyens ont le droit, impose au pouvoir notamment de clarifier rapidement de telles situations.

 

- Le respect de nos engagements auprès de Bruxelles. Il convient de rappeler que la France est actuellement visée par une procédure d'avis motivé de la part de la Commission européenne qui n'est pas suspendue en l'état. Malgré la désignation de Monsieur Barnier comme nouveau Commissaire en charge du Marché Intérieur et le récent arrêt Santa Casa au Portugal, l'avis motivé reste une réalité. La Commission européenne verrait d'un très mauvais oeil que la libéralisation n'ait pas lieu avant la Coupe du monde, évènement majeur pour ce marché.

 

- Ne pas faire le jeu des sites illégaux. Si la plupart des opérateurs se porteront candidats à une licence dès l'ouverture du marché, de nombreux leaders européens bafouent la loi française en ciblant très clairement les utilisateurs Français, pendant que d'opérateurs de taille moyenne et de nouveaux entrants s'évertuent à entrer en conformité avec loi française en attendant la régularisation. Les "mauvais élèves" profitent donc largement de cette situation pour creuser l'écart commercialement.

Ainsi, une coupe du monde sans règles du jeu serait une chance pour eux de confirmer leur avance sur le marché. Pire, les opérateurs qui ont fait confiance au législateur et au calendrier annoncé pourraient même être poussés à revenir ou à entrer dans l'illégalité tant l'engouement pour la Coupe du monde va représenter une opportunité commerciale importante. Cette injustice est aussi pénalisante pour les monopoles d'état qui, eux aussi, se voient distancer sur certaines activités.

 

- Le maintien (voire l'augmentation) des recettes de l'Etat. L'activité sur les sites illégaux ne profite pas à l'Etat. Ceci sera d'autant plus vrai pendant la Coupe du Monde. Lorsque l'Etat a décidé d'engager ce processus de régularisation, il semble qu'il avait pour objectif de tirer profit de ce marché en croissance au moins à hauteur des revenus apportés par les monopoles. On peut imaginer que la Coupe du Monde pourrait permettre de remplir voire même de dépasser ce noble objectif. Dans une récente dépêche AFP, il a été rapporté que près de 300 M€ de paris seront joués pendant la prochaine Coupe du monde.

 

 

Ces raisons semblent ainsi de nature à convaincre le législateur de respecter le calendrier qu'il s'est lui même fixé. D'autant que, techniquement, rien n'est impossible. Si le pouvoir exécutif choisit d'assumer ses responsabilités, il existe des solutions.

 

- D'une part, le Gouvernement peut déclarer l'urgence afin qu'une seule lecture soit effectuée et éviter toute navette entre le Sénat et l'Assemblée Nationale.

 

- D'autre part, il est possible de recourir au vote bloqué qui permet au Gouvernement de demander à l'une ou l'autre assemblée de se prononcer par un seul vote sur tout ou partie du texte en discussion, en ne retenant que les amendements proposés ou acceptés par lui.

 

- Enfin, le Gouvernement peut engager sa responsabilité sur le vote du projet de loi. L'engagement de responsabilité a pour effet de suspendre immédiatement la discussion du texte sur lequel il porte. Si aucune motion de censure n'est déposée dans le délai de 24 heures ou si la motion n'est pas adoptée, le texte sur lequel le Gouvernement a engagé sa responsabilité est considéré comme adopté.

 

M. le Député Myard a également proposé de créer l'ARJEL par décret préalablement à la loi afin que l'ARJEL puisse travailler dans un cadre juridique sans attendre la loi. Cette solution est juridiquement possible et extrêmement positive et permettrait à l'ARJEL de commencer le travail avant la promulgation de la loi et ainsi d'entamer le processus de sélection avec plusieurs mois d'avance.

 

Même si cette loi doit être votée dans les arrêts de jeu, l'objectif de la Coupe du monde peut être atteint.