Jeux en ligne : la Commission européenne demande le réexamen du projet de loi français

Bruxelles exige la modification de plusieurs points importants du projet de lois frnaçais sur les jeux d'argent ne ligne. Le chemin menant au vote du mécanisme total sera encore surveillé de près par la Commission, à la plus grande joie des futurs opérateurs.

Devant les pressions persistantes de la Commission européenne, la France s'était engagée à libéraliser le secteur des paris et jeux en ligne. En effet, la Commission avait émis en 2007 un avis motivé estimant que les restrictions françaises en matière de paris sportifs et hippiques n'étaient pas justifiées au regard du droit communautaire.

 

Afin de se conformer à la règle communautaire, le Gouvernement a présenté au printemps un projet de loi ayant vocation à ouvrir le marché des paris et jeux en ligne. Conformément à la directive de 1998 "Information Society services", la Commission devait donner son avis sur le projet de loi et octroyé son feu vert pour la discussion parlementaire. La Commission a demandé le 8 juin dernier à la France de revoir sa copie sur plusieurs points.

 

Les points soulevés par la Commission

L'avis motivé envers la France, à l'instar de la plupart des avis motivés envoyés aux pays européens, visait expressément la liberté d'établissement et la libre circulation des services. A l'heure de la transposition de la directive Bolkenstein (dont les jeux et paris sont exclus), la défense de ces deux piliers est de rigueur pour la Commission.

 

-          La Commission souligne dans son opinion, que le système prévu par le projet de loi en matière d'autorisation des opérateurs est incompatible avec le droit communautaire. En effet, la Commission exige que la France tienne compte des autorisations (et des critères d'autorisation) obtenues dans d'autres Etats de  l'Union, pour se prononcer sur une demande d'autorisation en France. Toutefois, en reconnaissant implicitement le pouvoir régalien des Etats sur la question du jeu, la Commission rappelle qu'elle n'exige nullement la reconnaissance automatique des licences d'autres Etats (principalement Malte, pour ne pas la citer) par la France.

 

-          La Commission rejette le système imposant aux opérateurs d'obtenir des licences (d'utilisation des droits de propriété intellectuelle, notamment les marques) de la part des fédérations sportives. Il était en effet prévu de s'acquitter de redevances pour utilisation de ces signes distinctifs. Si du point de vue du Code de la Propriété Intellectuelle, ce dispositif paraissait acceptable, la Commission a souligné qu'il était contraire au droit communautaire. Cette demande était très forte de la part des opérateurs des paris sportifs qui voyaient une double barrière d'entrée et la réponse de la Commission constitue une réelle victoire pour eux.

 

-          Le taux de retour aux joueurs visé par le projet de loi est également dénoncé par la Commission. En effet, il était prévu de limiter le taux de retour à un taux maximum qui ne permettrait pas à "l'opérateur de couvrir ses coûts de production et de commercialisation et d'acquitter les prélèvements publics dus par lui à raison de l'activité d'offre de jeu en cause". En d'autres termes, la "vente à pert" était interdite. Cette mesure était justifiée par la protection contre le blanchiment et la lutte contre la dépendance. Soulignant le caractère restrictif de la mesure et l'absence de preuves de ce qu'avançait le Gouvernement français, la Commission demande à la France de revoir sa copie à ce titre.

 

-          Dans sa tradition fiscale, le Gouvernement avait inséré une obligation d'avoir un représentant fiscal en France. Cette disposition, étant évidemment contraire aux principes communautaires, a été jugée "disproportionnée" par Bruxelles et devra très probablement être abandonnée.

 

 

D'autres sujets auraient pu être abordés

 

Plusieurs points auraient pu être relevés par la Commission :

 

Par exemple, la Commission n'a rien trouvé à redire que sur les paris hippiques à cote fixe, que la France souhaite continuer d'interdire au profit des paris mutuels. Pourtant, plusieurs voix se sont élevées sur ce point. De même, les jeux de cercle, à commencer par les jeux de hasard pur (roulettes, etc...) n'ont pas été abordés alors que plusieurs Etats (dont l'Allemagne) se sont vus reprocher l'interdiction totale de ces jeux.

 

Plus technique : le projet de loi se limite à Internet... alors que le terme "Internet" n'existe pas en droit communautaire (ni en droit français d'ailleurs), seuls les termes "communications électroniques" ayant un sens juridique. Or, le mot "communication électroniques" englobe par exemple l'utilisation des téléphones portables, alors que le projet de loi interdisait l'utilisation des appareils téléphoniques pour les jeux en ligne.

 

Cette décision semble donc plus politique que juridique.

 

Le 8 juin au soir, le Ministre de tutelle, M.Eric Woerth précisait qu'il "accueillait avec satisfaction l'avis de la Commission" et acceptait de fournir les informations nécessaires à la Commission.

 

 

La France devra s'exécuter avant le 8 juillet, si elle veut éviter d'être poursuivie par la Commission devant la Cour de justice des Communautés européennes. La Commission pourra alors encore répondre au nouveau projet de loi... en attendant de se prononcer sur le projet de décret et le cahier des charges de l'ARJEL.