Ce qui s'est dit lors de la première journée de l'eG8
Eric Schmidt, John Donahoe, Sheryl Sandberg, Jimmy Wales, Andrew Mason... Qu'ont-ils dit lors des conférences de cette première journée de l'e-G8 ?
"L'impact d'Internet sur la croissance économique ne fait qu'augmenter". Consensuelle, cette constatation de Christine Lagarde, ministre française des Finances, qui ouvrait le premier débat de l'eG8, a rapidement conduit les participants de la première conférence plénière à évoquer la question du financement des infrastructures. Selon Jean-Bernard Lévy, président de Vivendi, il est important de soutenir les opérateurs qui sont les premiers à consacrer de lourds investissements dans le développement d'Internet.
Sans lui répondre directement, Eric Schmidt de Google a néanmoins mis en garde les gouvernements, leur recommandant de ne pas se montrer trop gourmants auprès des opérateurs, car cela aurait des répercussions sur les prix facturés aux clients finaux. Sans évoquer la neutralité du net en tant que telle, le patron de Google a affirmé que le principal défi de l'industrie numérique résidait dans la demande de bande-passante, qui a des répercussions en matière de recheche et de vidéo comme d'accès Internet. Mais pour lui, dans la plupart des cas, il existe des solutions technologiques aux problématiques que rencontre l'industrie numérique : "Le LTE par exemple est quatre fois plus efficace que les standards actuels, tout le monde va y gagner".
Quant à savoir s'il est préoccupant que la création de valeur, dans le secteur numérique, intervienne surtout en Californie, les intervenants Américains n'ont pas cherché à faire de vagues. "Même si beaucoup lancent leur affaire en Californie, il y a des entrepreneurs partout dans le monde", estime John Donahoe, le PDG d'eBay. Pour Eric Schmidt, "on doit essayer de comprendre pourquoi les entrepreneurs ne se lancent pas davantage dans leur propre pays. Mais par exemple, Google se développe très vite en Europe, donc il n'y a pas de raisons qu'ils n'y arrivent pas". Hiroshi Mikitani affirme que cette tendance est d'ailleurs en train d'évoluer, à l'image de son groupe, le japonais Rakuten (maison mère de Priceminister), qui travaille à devenir mondial. Sunil Bharti Mittal (Bharti Airtel) a tout de même mis le doigt sur un phénomène qu'il juge particulièrement problématique sur le Web : "Qu'il s'agisse de Google, de Facebook ou d'autres, le leader emporte tout le marché". Selon lui, le G8 doit en débattre.
Le printemps arabe l'a à nouveau rappelé : le Web n'est pas qu'un outil de croissance économique. Sa relation à la société faisait donc l'objet de la deuxième plénière de l'eG8. Sheryl Sandberg, directice générale de Facebook, a d'abord expliqué qu'Internet, jusqu'ici informationnel, était en train de devenir social, permettant la formation de communautés sur des thèmes parfaitement superflus ou beaucoup plus profonds, à l'image des révolutions démocratiques. Jimmy Wales (Wikipedia) a, lui, rappelé combien le Web avait modifié le rapport des gens à la connaissance : "Jamais avant Wikipedia il n'y avait eu d'encyclopédie en swahili !" Pour Andrew Mason (Groupon), Internet doit encore prendre une dimension plus locale. "80% du pouvoir d'achat est dépensé dans un périmètre de 10 miles autour de chez soi", souligne-t-il. Il espère ainsi générer un "réflexe Groupon" au même titre qu'existent déjà les réflexes Wikipedia ou Facebook chez les internautes qui recherchent une connaissance encyclopédique ou une information sur une personne de leur entourage.
Stéphane Richard (Orange) a pour sa part insisté sur le fait que les défis d'Internet sont aussi financiers. "Chaque semaine, le trafic mobile à Paris augmente de 5%". Pour le patron de l'opérateur, la question critique est celle du réseau. "Sans réseau, il n'y a ni Google, ni Facebook, ni Wikipedia, ni Groupon. Le sujet principal est que nous devrions tous avoir peur que le réseau s'effondre." S'il assure que le débat de la neutralité du net n'est pas limité du réseau, il affirme néanmoins que "le spectre de fréquences est une ressource rare. Tous les acteurs doivent réfléchir ensemble à son utilisation la plus intelligente, sous peine de voir le réseau s'effondrer". Selon lui, il est urgent de créer les conditions nécessaires à des investissements conséquents dans le numérique, en particulier dans les infrastructures.
Au cours de la troisième table ronde de la journée, les intervenants étaient invités à partager ce qu'ils considéraient chacun comme la prochaine grande évolution du numérique. C'est ainsi que Paul Jacobs (Qualcomm) a évoqué et montré plusieurs appareils de santé s'adressant par exemple aux diabétiques ou aux cardiaques et qui, selon lui, contribueront bientôt à rendre la médecine plus efficace et moins chère. Une nécessité étant donné le vieillissement de la population... et des médecins. Pour Peter Chou (HTC), c'est le mobile qui guide actuellement le changement, aussi bien dans l'activité économique que dans la vie quotidienne ou dans l'exercice de la démocracie. Danny Hillis (Applied Minds) estime pour sa part que l'eG8 a, à tort, surtout évoqué l'utilisation humaine d'Internet. Alors que pour lui, c'est bien le machine to machine qui va prendre un essor considérable au cours des 5 à 10 prochaines années. Paul Hermelin (CapGemini) prévoit quant à lui que le plus important changement à venir est celui de la personnalisation, qui à l'avenir concernera certes la santé, mais jusqu'au secteur de l'éducation. "Un changement colossal de paradigme" vers une économie entièrement personnalisée, dans laquelle le concept de vie privée est révolu.
Cette première journée de l'eG8 a vu des échanges entre intervenants de haut niveau, qui ont cependant laissé à l'auditoire un goût d'inachevé, sans doute à la mesure de son attente. Les ateliers qui se tiendront le 25 mai permettront peut-être d'aborder plus en profondeur les problématiques survolées par ces grands acteurs. En outre, si beaucoup de participants louent l'organisation d'un événement de cette ampleur en deux mois et demi seulement, d'autres regrettent qu'il ait pris la forme d'une tribune donnée aux leaders mondiaux venus vanter leur modèle, sans réels contradicteurs ou débat de fond. Toutefois, au vu de l'enthousiasme des conversations en marge des plénières et de l'effervescence qui régnait sous la grande tente des Tuileries, les participants repartent manifestement satisfaits d'une journée qui leur a, a minima, offert des opportunités de networking.