Valérie Gombart (Seventure Partners) "Nous n'investissons que dans des e-marchands subissant peu de retours produits"

Détenu à 74 % par Natixis, Seventure Partners dispose de 500 millions d'euros sous gestion et a récemment intensifié ses opérations dans l'e-commerce.

JDN. Vous avez soutenu l'extension des activités du spécialiste de parapharmacie Santessima.com alors que l'e-commerce ne semble pas être votre cœur de métier. Pourquoi ?

V. Gombart. Il était en effet assez rare de nous voir investir dans l'e-commerce mais cette société qui a été lancée par l'équipe fondatrice du site de vente de lentilles en ligne Candelens avait l'avantage d'avoir une entrée dans un réseau de distribution spécialisée. Ils ont des accords avec des pharmaciens implantés en région parisienne, ce qui leur permet de sourcer les produits et supprime donc une barrière à l'entrée. C'est un univers où les marges brutes sont fortes et qui n'a pas encore trouvé sa concurrence en ligne. De ce fait, le coût d'acquisition client est bas, puisque le référencement naturel est une priorité. Début octobre, ce réseau s'est agrandi : Santessima.com a racheté Monpharmacien.fr, Paraboutik.com et Pharma-rocade-beaute.com.

Vous qui êtes actionnaire de Candelens, que vous inspirent les investissements de Jaïna Capital et Alven Capital dans les lunettes en ligne ?

Nous avons vu passer les dossiers de lunettes en ligne et nous nous sommes rendu compte qu'il y a un monopole des opticiens en France, phénomène lié aux remboursements des frais médicaux. En Allemagne le marché est différent, les produits y sont deux fois moins chers. Ma conviction est que le marché français va se restructurer, mais pas forcément facilement. Il est par exemple encore difficile de calculer avec précision l'écart entre les pupilles, nécessaire à la vente en ligne de lunettes correctrices. Mais je n'ai aucun doute sur le fait que les caisses de sécurité sociale vont pousser l'e-commerce de lunettes de vue : des prix plus bas sont dans leur intérêt.

Ceci étant dit, chez Seventure, nous avons pour principe de ne pas investir dans des business à marge contributive négative, ce à quoi contribuent pour beaucoup les retours produits. Nous avons donc investi dans Candelens, qui ne vend que des lentilles de vues, au contraire de Happyview (dans lequel a investi Alven Capital, ndlr) et Sensee (Jaïna, ndlr), qui vendent des lunettes correctrices, bien plus sujettes aux retours produits.

Qu'entendez-vous par marge contributive positive ?

Il s'agit du chiffre d'affaires auquel on soustrait les coûts variables qui comprennent le coût des produits, les coûts de marketing online mais également le chiffre d'affaires des produits retournés. Si le résultat reste positif, on peut dire qu'il s'agit d'un business model à marge contributive positive. Il y a beaucoup d'e-commerçants qui fonctionnent à marges contributives négatives comme Sarenza ou Spartoo. Le plus souvent les fonds investissent dans ces sociétés alors qu'elles ne sont pas rentables et qu'elles doivent avoir une certaine taille avant de l'être. De notre côté, nous avons par exemple investi dans SoFactory, qui est l'unique société de vente de meubles en ligne à opérer à marge contributive positive, puisqu'elle achète des produits standards qui s'écoulent facilement au lieu de vouloir vendre du meuble personnalisé.

Fin juillet, vous avez réalisé une sortie avec le rachat de l'Allemand Tradoria par Rakuten. La période actuelle reste-elle malgré tout bénéfique aux sorties ?

Il ne faut pas se fier à la météo. En 2007 je n'avais pas le sentiment qu'on était en haut de cycle du capital risque alors que c'était le cas. Aujourd'hui il n'y a plus de sortie à la Skype, mais il faut que les sociétés soient belles, qu'elles aient une taille importante et une valeur stratégique. En l'occurrence, Tradoria était positionné en seconde position derrière eBay sur le créneau des marketplaces en zone germanophone, en particulier grâce à une offre à 30 euros par mois pour les petits e-commerçants, comprenant un outil d'e-mailing, des expéditions pré-négociées chez DHL ou encore un outil de CRM.

Je suis convaincu que notre métier est d'amener les start-up à une certaine taille jusqu'à ce qu'elles soient rentables. Le venture capital, c'est un moment où on s'autorise à être en perte pour faire grossir une société. Cela a forcément une fin. Une fois que le business model est rentable, il faut resserrer les boulons et envisager la sortie.

Valérie Gombart, diplômée d'Audencia et d'un troisième cycle universitaire de droit de l'ingénierie financière, démarre sa carrière comme analyste au sein de Banque Populaire Création, fonds d'amorçage du Groupe Banques Populaires. En 1997, elle participe au lancement du premier FCPI en France. Depuis, elle a investi plus de 50 millions d'euros dans des start-up. Valérie Gombart est aujourd'hui membre du directoire de Seventure Partners et directeur du département ICT. Elle a participé au financement et siégé au conseil d'administration des sociétés Maximiles (Alternext), Memscap (Eurolist C), VistaPrint (Nasdaq) et Parrot (Eurolist B), depuis leurs débuts jusqu'à leur cotation.