Affaire Google : sur l'arrêt de la CJUE du 13 mai 2014, les données à caractère personnel et le droit à l'oubli sur Internet

L’arrêt rendu par la Cour de Justice de l’Union Européenne le 13 mai 2014 se prononce de façon claire pour l’application à la société Google Inc. de la directive D 95/46/CE relative à la protection des personnes physiques à l’égard du traitement des données à caractère personnel et à la libre circulation de ces données.

La Cour énonce à ce titre que les droits d’accès, de rectification, de suppression et d’opposition prévus par la directive pourront être mis en œuvre à l’encontre du moteur de recherche quand bien même les contenus litigieux n’auraient pas été supprimés par leur auteur.
Les juges européens se prononcent ainsi par cette décision pour un véritable droit à l’oubli, en vertu duquel toute personne souhaitant s’opposer au traitement de ses données personnelles pourra demander au moteur de recherche à supprimer de son index les liens vers les contenus litigieux.
Plus précisément, la Cour précise que parmi les conditions d’application des droits octroyés par la directive, « il convient d’examiner si la personne concernée a un droit à ce que l’information en question relative à sa personne ne soit plus, au stade actuel, liée à son nom par une liste de résultats affichée à la suite d’une recherche effectuée à partir de son nom ».
En conséquence Google a mis en ligne le 29 mai 2014 un formulaire permettant aux citoyens européens de demander la suppression de résultats de recherche comportant leurs données personnelles et qu’ils ne souhaitent pas voir apparaître.
A ce jour, environ 91 000 demandes, dont 17 000 pour la France, ont été adressées à Google par le biais de ce formulaire, pour environ 328 000 liens.

Google a rejeté 32 % des demandes, tandis que 15 % d’entre elles sont encore en cours d’analyse.
Le moteur de recherche a donc donné suite à plus de 50 % des demandes effectuées.
Pourtant, derrière la célérité avec laquelle Google a mis en place ces mesures, la société américaine entend démontrer l’absurdité de la décision rendue par la Cour européenne.
Google fustige en effet la difficile application des critères précisés par la Cour, qui nécessite une mise en balance entre des intérêts privés et l’intérêt supérieur du public d’accès à l’information. La société américaine déplore ainsi le fait d’être seul juge de cette appréciation, d’autant plus au regard du nombre de demandes sans cesse grandissant.
Par ailleurs, les dirigeants de Google ont rappelé que la décision ne concerne pas les autres moteurs de recherche disponibles sur internet. Il est vrai que Google est de loin le plus utilisé de tous les moteurs de recherche non seulement en France, mais également dans le reste de l’Europe.
Cependant la société américaine ne manque pas de rappeler par ailleurs que les versions non européennes de Google ne sont pas non plus concernées par la décision, et que par conséquent il est toujours possible d’utiliser ces versions pour retrouver les liens litigieux référencés.
De plus, même en utilisant la version européenne, il est toujours possible de taper la requête différemment pour faire réapparaître la page indexée.
Enfin, il découle de la décision européenne que Google n’a aucune obligation de faire part du déréférencement des liens aux sites concernés, pas plus qu’il n’est obligé de communiquer l’identité de la personne qui en a fait le demande. Cette attitude entre en effet dans la logique du droit à l’oubli tel que consacré et voulu par la Cour européenne.
Outre celle de Google, de nombreuses voix s’élèvent déjà pour relever les conséquences néfastes de cette mise en œuvre du droit à l’oubli, notamment le site internet Wikipedia, qui craint que certaines de ses pages ne soient plus référencées sans même en avoir été informé par Google.
Le droit à l’oubli se révèle alors, moins de trois mois après sa consécration par la Cour, comme un droit difficile à mettre en œuvre et même contesté par les principaux acteurs d’internet concernés par cette décision.