Timothée de Laitre (Shopwiz.me) "Les faux avis des agences d'e-réputation sont presque indétectables"

Timothée de Laitre a lancé Shopwiz.me pour garantir aux internautes l'origine des avis qu'ils lisent sur son service. Son avis sur le fléau des faux avis de consommateurs.

Comment est né Shopwiz.me ?

Shopwiz.me est issu du projet Wiz.me qui était au départ un blog que je tenais portant sur la montée en flèche des faux avis sur la toile. J'ai commencé à bloguer sur le sujet fin 2009, bien avant que le sujet n'intéresse le monde politique. Je me suis rendu compte que 70% des internautes font confiance aux avis laissés en ligne alors que sur 98% des sites, rien ne garantit que les avis sont bien rédigés par de vrais acheteurs. Je me suis ainsi aperçu que cet état de fait, qui était rendu possible par l'anonymat sur la toile, représentait un vrai problème pour les consommateurs et donc une opportunité de business.

Quel en est le concept ?

ShopWiz.me est un site de recommandations entre amis qui permet de recueillir des avis de confiance car la source est ici clairement identifiée. Ces avis proviennent soit de vos amis, grâce à l'intégration de Facebook, soit d'experts de la communauté. Plus vous apportez de réponses pertinentes, plus vous devenez experts. Nous avons un partenariat d'affiliation avec des sites comme Cdiscount, la Fnac ou encore Pixmania qui nous permet d'avoir un accès à leur catalogue produit et ainsi de nous rémunérer si une vente est réalisée. Nous sommes en version beta publique depuis juin dernier. Nous devrions sortir une nouvelle version dans les jours qui viennent.

D'où viennent les faux avis sur la toile ?

Il y a deux types de prestataires. On trouve des entreprises offshores, souvent basées en Inde ou à Madagascar et qui facturent à bas cout des faux avis permettant à une entreprise d'augmenter ses ventes ou bien de redorer son image auprès du consommateur. Les autres sont des agences d'e-réputation, des spécialistes en marketing qui font ce travail de manière très intelligente, rendant les faux avis rédigés presque indétectables.

Quels sites sont touchés par ces faux avis ?

Les petits comme les gros. Prenons l'exemple d'Allociné. On observe très souvent une différence de notation entre les notes presse et les notes spectateurs. J'ai toujours supposé que c'était parce que la presse avait des goûts différents de ceux du public. Mais ne serait-ce pas en fait le résultat de la publication de faux avis positifs publiés par des sociétés de production ? On m'a en effet rapporté que certaines productions avaient recours à ce genre de pratiques.

Frédéric Lefebvre a avoué ne pas pouvoir quantifier le nombre de faux avis sur le web. Comment repère-t-on un faux avis ?

C'est très compliqué. Il faut faire preuve de bon sens. Lorsque l'on a un doute, il faut chercher si l'auteur a laissé d'autres avis sur le site. Pour cela, il est intéressant de visiter le profil de son compte et jeter un coup d'œil aux autres avis qu'il aurait laissé. Il est également important de regarder si l'accès à la rédaction d'avis est ouvert à tous et surtout quelles sont les conditions pour pouvoir en déposer un. Enfin, vérifier si l'utilisateur qui a laissé plusieurs avis est déjà revenu sur le site afin de répondre à un autre utilisateur, une démarche qui peut être louche.

Facebook a réussi à réduire l'anonymat des commentaires grâce à son module "Facebook comments", ne craignez-vous pas la sortie d'un nouveau module pour les avis ?

Je n'y crois pas car Facebook cherche à se construire aujourd'hui comme une plateforme et laisse à d'autres le développement de ce genre d'outils. On observe d'ailleurs que "Facebook questions" n'a pas bien marché. Mais, ceci dit, le module "Facebook Comments" est très utile au web et il reste toujours difficile de prévoir ce que fera Facebook dans trois ans.

Comment pensez-vous que l'Etat pourrait lutter plus efficacement contre les faux avis d'internautes ?

C'est une bonne chose que l'Etat français intervienne face à un problème qui est aujourd'hui mondial. Néanmoins, je pense que cela pourrait être une erreur de faire uniquement de la répression car ce ne serait pas efficace. Par contre, inciter les entreprises à se tourner vers de véritables experts permettrait de professionnaliser le secteur. Il y a actuellement des discussions entre Frédéric Lefebvre, l'Afnor et plusieurs acteurs du Web au sujet de la constitution d'une norme et je pense que c'est la bonne solution. Il faut donner des repères aux consommateurs. Par exemple, en attribuant une sorte de label aux sites qui mettraient en place un vrai système de vérification d'identité et qui ne permettraient qu'aux seuls acheteurs avérés de publier un avis.