Brevet unitaire : quel sera le prix à payer pour les entreprises ?
Dès 2014, des brevets unitaires pourront être accordés. Seront en premières lignes, les entreprises du Net, et celles qui utilisent leur site Web pour la promotion de leurs produits. Et ces lignes s’étendront sur les territoires de 25 États.
Avec à l’intérieur de chaque Etat, un risque de contrefaire les brevets unitaires des tiers à apprécier au regard de 25 législations. La création du brevet unitaire s’accompagne de celle de la Juridiction Unifiée. A l’horizon 2020, cette juridiction aura la charge de la protection de l’essentiel de l’innovation européenne.
Le brevet unitaire ne se limite pas à un simple calcul arithmétique entre deux montants de taxes, celui de sa délivrance et celui des taxes à acquitter actuellement pour la délivrance de 25 brevets nationaux.
L’enjeu, dès 2014, est d’une toute autre importance.
Trois facteurs sont à prendre en compte pour déterminer le coût pour les entreprises de l’arrivée du brevet unitaire.
- Une délivrance des premiers brevets unitaires très rapidement dès 2014.
- Un risque de contrefaire à apprécier au regard de 25 législations et non plus d’une seule.
- Des procédures à mener dans un premier temps à Londres, ou à Munich ou à Paris.
1) Dès 2014, le choix du brevet unitaire se fera devant l’OEB au moment de la désignation des Etats sur lesquels le déposant demandera la délivrance d’un brevet.
La délivrance très rapidement des brevets unitaires est probable.
Le brevet unitaire s’inscrit dans la mouvance du brevet européen. Devant l’Office Européen des Brevets qui instruit déjà les demandes de brevet européen, le déposant pourra demander comme précédemment la délivrance de brevets nationaux[1] pour les Etats qu’il désigne, ou alors la délivrance d’un brevet unitaire pour tous les Etats ayant ratifié l’accord sur la coopération renforcée.
L’entrée en vigueur du brevet unitaire est espérée pour le 1er janvier 2014 sous réserve de la ratification de cet accord par 13 Etats dont la France, l’Allemagne et la Grande-Bretagne. Les premiers brevets unitaires pourraient être délivrés début avril 2014, c'est-à-dire demain au regard de la durée d’un brevet.
En pratique, à cette date les entreprises devront choisir :
- soit le brevet national, par la voie nationale ou par la voie européenne,
- soit le brevet unitaire.
Ce choix, l’entreprise ne pourra pas revenir en arrière
puisque la protection accordée par le brevet unitaire ne pourra pas se cumuler
avec une protection nationale. Actuellement, il ne semble pas prévu que le
titulaire du brevet européen puisse ultérieurement demander la transformation
de ce titre en brevets nationaux.
Point essentiel :
il est probable que le choix du brevet unitaire ne débutera pas uniquement pour
les demandes de brevets déposées après le 1er janvier 2014 mais que
cette voie pourra s’appliquer à des demandes déposées plusieurs années avant le
1er janvier 2014 tant que celles-ci n’auront pas été délivrées et
peut-être même à des demandes qui auraient déjà été délivrées à condition que
leur déposant les aient maintenues en des termes identiques dans les 25 Etats.
Conséquence immédiate pour les entreprises : le risque encouru pour la contrefaçon des brevets des tiers risque de changer brutalement l’année prochaine.
2°) Des brevets unitaires selon 25 législations différentes
Bien que les dispositions adoptées en décembre 2012 reconnaissent au brevet unitaire « une protection unitaire en lui attribuant un effet unitaire après délivrance » sur l'ensemble des territoires des Etats membres de l’Accord, le régime juridique de la propriété du brevet unitaire et donc de ses atteintes, est celui d’une loi nationale.
- Qu’elle est cette loi nationale ?
C’est la loi nationale applicable au brevet national auquel le brevet unitaire est assimilé.
- Comment déterminer le régime du brevet national auquel le brevet unitaire sera assimilé ?
Cette détermination se fera pas la loi du domicile du déposant.
Comme le brevet unitaire est destiné à couvrir 25 Etats, il
y aura donc au moins 25 régimes juridiques applicables à la propriété et à l’atteinte
des brevets unitaires. Chaque brevet unitaire sera donc soumis à la loi
nationale du pays du siège du déposant mais avec un effet pour les 24 autres
Etats !
Comprenons-nous bien ce que cela signifie ? L’atteinte à
un brevet unitaire dont le déposant est domicilié en France, sera examinée
selon la loi française même si les actes de contrefaçon sont réalisés en
Allemagne, en République Tchèque ou encore en Grande-Bretagne.
Revers de la médaille, l’industriel ou le prestataire de service quand il examinera les risques associés au lancement d’un nouveau produit ou service en France et qu’il relèvera l’existence de brevets unitaires antérieurs en appréciera le risque au regard de chacune des lois nationales de ces différents brevets unitaires et non plus seulement en application de la seule loi française.
Autre conséquence : pour les déposants qui n’ont aucun
siège social ni aucun établissement en Europe. Leurs
brevets nationaux seront
soumis à la loi allemande. En France, le risque de contrefaire des
brevets d'entreprises américaines, chinoises ou sud-coréennes qui n'ont
aucun établissement en Europe sera donc à apprécier au regard de la loi
allemande.
3°) La Juridiction qui aura à connaitre de la validité et de la contrefaçon des brevets sera éclatée au moins dans un premier temps, entre Londres, Paris et Munich. Quels coûts pour les entreprises ?
Revenons à son principale avantage, le titulaire du brevet
européen n'aura donc plus à engager autant d'actions que de pays où les actes
de contrefaçon de son brevet sont réalisés par le même contrefacteur. Cet
avantage est néanmoins à mettre au conditionnel puisque la Juridiction Unifiée
prépare actuellement son règlement de procédure et que de celui-ci dépendra la
réalisation ou non de cet avantage.
Son règlement de procédure sera-t-il une synthèse
des 25 lois nationales ou bien expliquera-t-il comment apprécier la contrefaçon
de brevet selon 25 lois différentes ?
La tâche sera plus grande encore, car la Juridiction unifiée sera éclatée en différents lieux.
- Même le Tribunal de première instance voit sa division centrale organisée entre Paris, Londres et Munich. Des divisions locales et régionales sont aussi prévues,
- Une Cour d’appel au Luxembourg.
Siège géographique de la division centrale en fonction des 8 principales sections de la classification de l'OEB, où sera débattue la validité du brevet unitaire.
Classification OEB |
Lieu géographique |
Nécessités courantes de la vie |
Londres |
Techniques industrielles diverses; transports |
Paris |
Chimie; métallurgie |
Londres |
Textiles; papier |
Paris |
Constructions fixes |
Paris |
Mécanique; éclairage; chauffage; armement; sautage |
Munich |
Physique |
Paris |
Electricité |
Paris |
Quel coût ? La juridiction Unifiée n’étant intégrée ni à la Juridiction communautaire ni aux juridictions nationales, son fonctionnement devra être financé par d’autres ressources. Parmi celles-ci les taxes perçus par l’OEB. Là aussi, il faut encore attendre pour savoir comment seront calculés les frais mis à la charge de la partie qui aura perdu, et si pour ceux-ci devront être pris en compte les montants indemnitaires demandés par les parties, montants forcément élevés car la masse contrefaisante sera celle réalisée sur les territoires des 25 Etats.
A l’horizon 2020, c’est l’ensemble des brevets européens qui
seront de la compétence exclusive de la Juridiction Unifiée. C’est dire l’ampleur du changement qui n’est
donc pas limité au seul brevet unitaire.
Des incertitudes certes, mais les acteurs économiques le
savent bien un brevet est toujours un
pari sur l’avenir.
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[1]
Actuellement, un brevet valable en France a été examiné et délivré soit par
l’INPI soit par l’OEB.