Détruire un NFT pour s'offrir un Banksy : l'intrigante proposition d'un collectif parisien

Détruire un NFT pour s'offrir un Banksy : l'intrigante proposition d'un collectif parisien L'initiative du studio parisien LCD Lab vise à bâtir un pont entre le Web3 et l'art physique : derrière les promesses, la communication du collectif suscite aussi des interrogations.

La communauté NFT de la blockchain Solana vibre depuis cette annonce du collectif parisien LCD Lab datée du 23 août, qui promet "à une nouvelle génération de collectionneurs d'accéder au travail de Banksy (…) grâce à la technologie NFT sur Magic Eden". Dans les faits, LCD Lab proposera le 17 septembre 1 000 NFT de sa réalisation à la vente, des jetons dont la particularité est d'être individuellement associés par le studio à une édition d'un Banksy Walled Off Box Set, une série d'œuvres d'ordinaire réservée aux clients du Walled Off Hotel, l'établissement créé par l'artiste à Bethléem. Celles-ci ont été acquises au fil du temps par le galeriste et membre de LCD Lab, Baptiste Ozenne. Après la vente, le détenteur du NFT sera confronté à un choix : garder le jeton virtuel ou le détruire pour récupérer l'œuvre promise.

Aperçu des NFT de la collection "Banksy Radar Rats" © LCD Lab

Pour les initiateurs de ce projet intitulé "Banksy Radar Rats by LCD Lab", il s'agit surtout d'une expérimentation : "LCD Lab est avant tout un laboratoire", assure le cofondateur du studio. "Compte tenu du bear market et de la difficulté de faire des sold-out sur les collections, on s'est accordé sur l'intérêt de lier la sortie d'un NFT avec une œuvre physique d'un artiste comme Banksy, qui parle vraiment à tout le monde et qui a une certaine valeur sur le marché."

Aucune association officielle

Malgré son pseudonymat, difficile en effet de faire plus connu que Banksy, célèbre pour ses pochoirs, son militantisme et… le prix de certaines de ses œuvres, la plus onéreuse s'étant adjugée à 11,1 millions d'euros en 2019. Compte tenu du prix de mint du NFT de LCD Lab (1 000 euros, à payer en cryptomonnaie SOL), la proposition a de quoi faire saliver. Sans doute un peu trop… "L'artiste Banksy vient de s'associer avec la société LCD Lab", a-t-on pu lire chez Le Journal du Geek, ou encore "Banksy s'associe en ce mois d'aout 2022 à Magic Eden et au LCD Lab pour vendre sa première collection artistique en NFT" chez Arts in the City… Mais, dans une communication transmise au JDN, Pest Control (organisme garant de l'authentification des œuvres de l'artiste) est clair : "L'artiste Banksy n'a créé aucun NFT. Aucune enchère de NFT au nom de Banksy n'est affiliée à l'artiste sous aucune forme." D'où vient donc cette confusion ? LCD Lab reconnaît une "communication parfois mal comprise et interprétée comme si Banksy était derrière le projet". "Il n'a rien à voir avec le projet et nous voulons être transparent à ce sujet", poursuit Baptiste Ozenne.

Collectionneur, curateur et expert NFT, Brian Beccafico ne veut pas jeter l'opprobre sur le studio : "C'est difficile d'incomber la responsabilité à LCD Lab au sujet de leur communication : les gens entendent ce qu'ils veulent, d'autant plus dans le secteur des NFT. Je ne dis donc pas qu'ils sont malhonnêtes mais c'est sûr que le nom de Banksy est utilisé comme levier alors que cette marque n'est finalement pas la leur." Si le projet peut rappeler celui de l'artiste plasticien Damien Hirst, qui brûlera à partir du 9 septembre plusieurs milliers d'œuvres physiques préalablement achetées en version NFT par des collectionneurs, "la différence fondamentale est que Hirst est partie prenante du projet du début à la fin. Là, lorsque Banksy a créé ces éditions, il n'a jamais pensé que cela allait être utilisé dans ce cadre", souligne Beccafico.

"Lorsque Banksy a créé ces éditions, il n'a jamais pensé que cela allait être utilisé dans ce cadre"

Pour autant, si l'initiative soulève des questions légitimes sur l'appropriation d'une œuvre et la propriété intellectuelle, les œuvres physiques promises sont réelles et achetées légalement par le studio. D'ailleurs, pour rassurer les éventuels acquéreurs, LCD Lab garantit avec le Box Set la remise d'un certificat d'authenticité de l'hôtel et s'est adjugé les services de Jean-Marc Scialom, expert en art urbain pour la maison d'enchères Blanchet & Associés. Selon ce dernier, également détenteur de NFT à titre personnel, "les gens qui se sont lancés dans cette aventure sont des passionnés d'art et des collectionneurs de l'oeuvre de Banksy ; quelque part, ils se font plaisir. Les réalisations graphiques des NFT qu'ils vont émettre sont également réussies." Baptiste Ozenne réfute aussi l'opportunisme : "Nous voulons que les détenteurs de ce jeton puissent bénéficier de nombreuses exclusivités. Le NFT incarne aussi un pass pour notre plateforme et nos prochains drops mais aussi pour nos autres entreprises numériques, tel que Urban NFT, la plateforme du festival annuel Urban Art Fair au Carreau du Temple à Paris. Cela donnera donc accès à des drops dans ce cadre."

Une recette d'un million d'euros

Banksy Walled Off Hotel Box Set, accompagné de leur certificat © LCD Lab

En cas de vente fructueuse, et donc intégrale, le studio récoltera un million d'euros, une somme de laquelle il faut soustraire l'achat des Box Set, selon Baptiste Ozenne. " De plus, la plateforme Magic Eden (où se déroulera le mint, ndlr) prend 6% sur l'intégralité du drop et il faut rémunérer tous les gens qui nous ont accompagné, notamment à la communication." Enfin, LCD Lab promet aussi de partager "10 % des profits de la vente avec le Walled Off Hotel pour l'organisation du festival d'art urbain "Face The Wall" à Bethléem" (contacté, l'hôtel n'a pas répondu à la sollicitation du JDN).  Ironie de l'histoire au regard de l'état actuel du marché des NFT, c'est l'attente des collectionneurs traditionnels qui pourrait suffire à garantir le succès de la vente. "Je n'ai pas attendu cet évènement-là pour vendre des Walled Off Box, j'en vends pas mal chaque année dans différentes Art Fair, à Miami, Londres ou Paris, et c'est toujours la même excitation", conclut Baptiste Ozenne.