Souhaitons-nous vraiment travailler dans le métaverse ?

Les applications professionnelles du métaverse questionnent fortement sur les problématiques liées aux données personnelles et, plus globalement, le respect de la vie privée.

Interpol a récemment annoncé la création d’une police internationale dans le métaverse, alors même que cette technologie promet d’être la prochaine révolution numérique. Pour les internautes, la promesse est la suivante : beaucoup plus de libertés dans un environnement web décentralisé, avec les grandes entreprises de la Tech qui perdront leur monopole. De ce constat naît un besoin important d’encadrement. Cela intervient aussi dans une période où l’avènement du modèle de travail hybride gagne du terrain. Les entreprises se demandent donc si le monde virtuel va s’imposer comme une nouvelle norme à adopter. Aujourd’hui, des entreprises du monde entier envisagent de mettre en place leurs activités dans le métaverse, mais est-ce une si bonne nouvelle pour les salariés ?

Le métaverse sera-t-il le coup de grâce du concept de vie privée ?

Les logiciels surveillant l’activité des employés sont devenus des outils de mesure sur la productivité de plus en plus populaire chez les employeurs. Mais dans un monde où le futur Web 3.0 promet plus de libertés et de décentralisation, il y a une contradiction avec l'arrivée des métaverses qui pourrait, au contraire, exacerber la tendance à la surveillance. En effet, avec la possibilité pour les employeurs d'enregistrer les réunions virtuelles, et de suivre le temps passé avec plus de précision, c’est surtout une plus grande méfiance qui risque de s’installer de part et d’autre. Si un employé est considéré comme inactif dans le métaverse, comment peut-il prouver qu'il travaille réellement ? Qu'en est-il des tâches autour de la réflexion, la stratégie ou simplement des moments de déconnexions qui font aussi partie du temps de travail ? Les technologies de surveillance du temps passé au travail ne sont pas nouvelles, mais les employeurs doivent être très attentifs à la manière dont cet aspect dans les espaces de travail virtuels pourrait avoir un impact sur l'adoption du métaverse. Il est important de prendre en considération le moral des employés, comment les fidéliser et envisager le recrutement de nouveaux talents dans cet environnement. Compte tenu de la réticence de nombreux salariés à accepter une surveillance accrue sur leur lieu de travail, les employeurs doivent redoubler d’attention s’ils souhaitent intensifier ces pratiques, et qui plus est de façon virtuelle. La véritable question à se poser, est de savoir si la course effrénée vers la nouveauté prime face à la confiance et la satisfaction des salariés. Le droit du travail en France est très dense et tend à fortement protéger d’abus potentiels. Comment est-ce que le métaverse pourrait s’adapter face à ces lois ?
Il est donc compréhensible que les individus portent un regard assez critique sur le métaverse, compte tenu de la manière dont certaines entreprises abusent parfois de certaines nouvelles technologies.

D’ailleurs, que se passe-t-il lorsque l’on devient ses propres données ?

De manière objective, si chacun se crée une identité dans le Métavers, agit, crée et vit dans cet univers, il devient alors une source de données inépuisable. Si chaque action est stockée et potentiellement exploitable, comment pouvons-nous nous protéger, nous-même et des millions de citoyens à travers le monde ?

Sur l’échiquier générationnel, la génération Z est celle qui est la moins méfiante face à cette évolution. Est-ce simplement une question de génération, ou tout simplement d'insouciance ? Nous savons que l’utilisation des réseaux sociaux, par exemple, est tellement répandue parmi ce groupe d’âge, que certaines pratiques vont à l’encontre des règles de base de la sécurité en ligne. On peut citer par exemple le fait d’accepter de donner des informations personnelles (75 %) ou d’acheter de faux followers (près d’une personne sur cinq issue de la Génération Z en France) pour jouir d’une plus grande popularité en ligne.

Alors oui, le métaverse n’en est qu’à ses débuts. Il fait parfois sourire, on le critique, mais qui sait à quoi il ressemblera dans 10, 20 ou 30 ans ? Facebook a vu le jour il y a 18 ans et ne ressemble plus à l’entreprise que nous connaissons aujourd’hui. Il est donc possible d’imaginer que dans le même laps de temps, le métaverse connaîtra, également, une véritable révolution. Même si aujourd’hui, les perspectives ne sont pas très bonnes pour Meta, on ne peut en rien prédire ce que l’avenir nous réserve. Une chose est sûre : il y a de fortes chances que les technologies du monde virtuel ainsi que ses applications apporteront des changements sociétaux majeurs. A l’heure où les données sont devenues le nouvel or noir du 21e siècle, nous devons nous demander si nous ne devrions pas agir maintenant, même sans connaître les tenants et aboutissants de ce nouvel espace virtuel. Il est tout de même important de prévenir les abus, tel un garde-fou, pour imaginer un endroit sûr où des millions de personnes pourront vivre, travailler et communiquer en toute sécurité. La surveillance en ligne reste un risque accru, et malheureusement s’accentue. Le risque est que cela ne devienne incontrôlable si certains poussent à travailler dans le métaverse trop tôt, avant toute législation. Au lieu de fermer les yeux aujourd’hui sur la question, gardons les grands ouverts afin d’éviter, d’ici quelques années, d’être totalement dépassés par la situation.