Jérôme Delaveau (PDG Human to Human) "Surveiller son e-réputation est nécessaire pour converser avec son public"

Pourquoi et comment surveiller son e-reputation ? Le PDG du spécialiste de la veille d'opinion en ligne Human to Human répond à ces questions.

JDN. Quels sont les objectifs d'une veille ?

Jérôme Delaveau. Les entreprises ont souvent deux approches. La première vient des services de relations presse. Ils recherchent un décryptage de médiatisation de leur société en ligne. C'est un service qui vient en complément de leur pige presse classique. Dans ce cas de figure, nous proposons un suivi des partie-prenantes de leurs secteurs que sont les médias, les plate-formes de partage de contenu, Twitter, les blogs, etc. Une autre approche est de suivre les conversations sur les marques ou les produits. Celle-ci vient surtout des services de communication qui veulent connaître les attentes ou les avis des consommateurs. Il s'agit alors de regarder en particulier les forums de discussions.

Les forums sont-ils toujours les principaux lieux de discussions à suivre malgré l'émergence des réseaux sociaux et principalement Facebook ?

Oui, car Facebook est avant tout un média de "badge", sur lequel on dit que l'on aime une marque, un produit, mais on n'en discute pas. Facebook n'est pas un média de conversation, alors que c'est la nature même des forums. Par contre, Facebook est influent car il peut orienter une décision d'achat par le principe de recommandation à son réseau.

Comment choisir les espaces de discussion à suivre ?

L'approche de la plupart des entreprises est de surveiller tout ce qui se dit sur elles. L'exhaustivité est un élément de réassurance pour elles, mais l'on est vite noyé par la masse de données qui remontent. Mieux vaut avoir une approche communautaire. L'enjeu de la veille n'est ni l'exhaustivité ni la représentativité car on ne peut les garantir, elles n'existent pas. Il vaut mieux identifier des espaces d'influence qui peuvent impacter la marque, qu'il s'agisse d'un blog ou d'une chaîne sur Dailymotion. Si je veux par exemple observer les conversations sur l'offre triple play de Bouygues Telecom, je vais établir un premier cercle directement en relation avec le sujet : le site de consommateurs Bbox-news.com. Ensuite, un second plus large, comme un site média spécialisé sur les télécoms, et enfin un troisième plus large ciblant des publics qui sont dans l'environnement de l'opérateur. Pourquoi pas un forum de mamans qui s'inquiètent des problèmes d'ondes Wi-Fi ou mobile, un forum de consommateurs...

Quelles sont les principales communautés du Web français ?

Le principal forum que nous suivons est celui de Doctissimo. Il y a par exemple une forte communauté de jeunes mamans qui y discutent de nombreux sujets : consommation, nutrition, cosmétique, mobilité urbaine... Autant de sujets qui peuvent intéresser de nombreux annonceurs de nature très différente. Une autre grosse communauté sur Internet est Jeuxvideo.com. Ce n'est pas le fait qu'ils soient joueurs qui est intéressant, mais leur profil : des jeunes de 13 à 18 ans qui discutent de bien d'autres choses que des jeux. Il existe aussi d'autres communautés importantes, comme dans la high-tech ou l'automobile, un secteur où les discussions précèdent souvent les décisions d'achat.

A quoi va servir concrètement cette veille ?

Le premier intérêt est d'alerter sur une crise ou une menace de crise. Une veille permet aussi observer sa médiatisation en ligne et d'évaluer le retour sur investissement d'une opération marketing en calculant sa part de voix sur Internet et en la comparant avec celle de ses concurrents sur un thème donné. Tout cela permet ensuite d'adapter sa communication en comprenant mieux son public. Cela peut se traduire tout simplement par le choix du vocabulaire le plus pertinent pour toucher une cible. Mais surtout, la veille est la première étape avant de converser avec son public. L'enjeu final est en effet d'agir sur sa e-réputation en dialoguant avec son public.

Par quel biais ?

Avant, on écoutait un forum et on communiquait avec son public en publiant un communiqué de presse sur son site. Avec l'arrivée des médias sociaux, nous sommes rentrés dans une véritable logique d'échange. Soit l'on ouvre un espace d'échange en invitant les internautes à venir s'exprimer, soit l'on va à leur rencontre. Ce deuxième cas de figure peut toutefois être mal perçu par les internautes qui n'aiment pas voir les marques dans leurs espaces de discussion. Il faut alors privilégier une approche client plutôt que commerciale. Mais dans tous les cas, la surveillance de son e-réputation doit être intégrée dans une approche globale. Certaines entreprises ouvrent des pages Facebook comme elles ouvraient des blogs de marques il y a 3 ans. Il faut avant tout savoir pourquoi on le fait et dans quel objectif.

Comment faire ressortir les commentaires pertinents de cette somme de contenus ?

L'évolution du Web fait que l'on se noie sous les contenus et les grandes entreprises sont elles aussi noyées par les études clients. Il faut identifier les discours qui ont de la valeur. La valeur ajoutée d'une opinion est double. Il y a celle qui est partagée par tous. Pour la faire ressortir il faut évaluer l'influence de l'acteur qui relaie cette information, et la résonnance médiatique de cette information.