Firefox bientôt financé par la publicité ?

Firefox bientôt financé par la publicité ? Le manque de clarté du discours de ses dirigeants conjugué à une dépendance dangereuse à Google font surgir le spectre d'un financement par la pub.

A quand Firefox financé par de la publicité ? Posée il y a près d'un an, cette question aurait prêté à sourire tant il paraissait alors farfelu de voir l'initiative open source "se compromettre" avec la publicité. Pourtant depuis la publication par le vice-président de la fondation, Darren Herman, d'une note de blog évoquant le lancement d'un programme visant à diversifier ses sources de revenus, "Directory Tiles", la donne a changé. L'année dernière, alors qu'il évoquait l'apparition de "contenus sponsorisés de partenaires pour aider la fondation Mozilla à poursuivre sa mission", la communauté s'est émue de cette intrusion possible de vignettes sponsorisées dans l'onglet ouvert au lancement du navigateur Web. 

Trois mois plus tard, c'est Johnathan Nightingale, un autre vice-président du navigateur open source, qui tente de dissiper ces craintes de voir Firefox "transformé en un bazar de logos vendus au plus offrant, sans contrôle et bénéfice pour l'internaute", comme il l'explique sur le blog de la fondation. Il évoque plutôt une campagne de tests pour améliorer "l'expérience utilisateur" mais précise toutefois que "la mise en place de partenariats pourrait bien être la prochaine étape, une fois que nous aurons l'assurance que nous pouvons apporter une valeur ajoutée à l'utilisateur". 

Des précisions trois mois plus tard qui n'éclaircissent pas grand chose

Pas vraiment d'éclaircissement donc. Sans doute faut-il plutôt voir dans ces propos une tentative un peu maladroite de botter en touche. "Un faux débat", conteste Tristan Nitot, président de l'association Mozilla Europe, qui estime que cette prise de parole s'inscrit dans la droite ligne de l'ADN de Mozilla : "apprendre en essayant". Car, à ce jour, on ne sait pas si l'initiative concernera l'ensemble de la communauté ou seulement les nouveaux utilisateurs. Pas plus que l'on ne sait si elle sera sujette à un opt-in ou un opt-out. "Johnathan Nightingale explique que l'on va expérimenter des choses et voir quelle est la perception de nos utilisateurs vis-à-vis de ces modifications", explique Tristan Nitot.

 

En novembre, le contrat passé avec Google sera renégocié 

Pourquoi tant d'emballement alors ? Il faut dire que l'enjeu est de taille pour Firefox, alors que le contrat trisannuel qui le lie à Google arrive à son terme en novembre. Google, qui représente aujourd'hui près de 90% de son chiffre d'affaires, pourrait être réticent à faire des cadeaux à l'un des principaux rivaux de Chrome. D'où l'obligation pour le navigateur open source de limiter sa dépendance au géant du Net en trouvant de nouvelles sources de revenus. Ici encore, Tristan Nitot tempère. "Le contrat passé avec Google bénéficie aux deux parties et je ne vois pas en quoi le rapport de force a changé depuis la dernière négociation, il y a trois ans". 

Google a ainsi versé 274,1 millions de dollars en 2012 à Mozilla, soit une hausse de presque 100% par rapport à l'année précédente. Certains y voient les symptômes d'une dépendance croissante de Mozilla vis-à-vis de son partenaire, d'autres la preuve que Mozilla est de plus en plus important pour Google.

Le sujet du blocage des cookies tiers au point mort

Les rapports entretenus entre Mozilla et Google illustrent bien les relations parfois ambiguës que la fondation peut entretenir avec l'univers de la publicité. En témoigne le revirement opéré l'année dernière concernant le blocage des cookies tiers. Mozilla avait en effet annoncé en février 2013 que sa prochaine mise à jour n'accepterait plus les cookies tiers. Une initiative testée en beta qui n'avait pas manqué de faire débat, l'IAB allant jusqu'à parler d'"attaque nucléaire" contre l'industrie de la publicité. Mais une initiative abandonnée près de trois mois plus tard, Mozilla arguant alors de complexités techniques inattendues. 

Aujourd'hui, Tristan Nitot confesse "ne pas connaître l'état d'avancement du projet". Il admet toutefois que comme toute société, Mozilla est confrontée à la nécessité de diversité ses revenus, "que ce soit via de la publicité ou non, l'essentiel étant que les solutions privilégiées n'altèrent pas l'expérience utilisateur".