Souveraineté des données : une réflexion nécessaire et nationale

La semaine dernière, le Ministre de l’économie Bruno Le Maire a déclaré vouloir faire de la France « la première terre d’accueil des centres de données en Europe ». Pourquoi cette déclaration est-elle un message fort envoyé à l’ensemble de la filière ? Pourquoi l’affirmation de cette ambition était-elle tant attendue ?

Depuis plus de trente ans, notre économie ne cesse de se transformer. Nous sommes désormais entrés dans une nouvelle ère industrielle : celle du numérique. Basé sur l’économie de la donnée, le numérique infuse aujourd’hui toutes les couches de l’économie et de la société, à travers nos usages quotidiens, et ce, tant dans la sphère privée que publique et professionnelle.

Le numérique est donc devenu l’industrie majeure du 21ème siècle. Principal vecteur de progrès et d’innovation, il accompagne la modernisation des entreprises et des administrations et redéfinit les rapports de force dans un grand nombre de secteurs tels que la santé, l’éducation, la sécurité ou encore la communication.

Entre 2015 et 2020, le trafic mondial des données aura été multiplié par 5, atteignant 40 Zeta bytes. Les données ont littéralement explosé et leur vitalité repose sur la performance d’infrastructures numériques solides. Les datacenters représentent aujourd’hui la première brique de cet édifice numérique, et certains pays ont compris l’importance de miser sur ces fondations pour soutenir les besoins colossaux en stockage, en traitement, ainsi qu’en restitution de la donnée.
Les startups, l’Internet des objets, la smart city, la transformation numérique des entreprises et des administrations, sont autant de phénomènes vitaux pour notre économie ; et ceux-ci dépendent de la performance des entreprises du datacenter. La France doit donc prendre des décisions de taille pour renforcer sa filière, son influence et son attractivité.

La France dispose de sérieux atouts économiques, géographiques et techniques – notamment ses infrastructures électriques et télécoms de grande qualité – pour devenir un acteur majeur de l’infrastructure numérique à l’échelle globale. Nos entreprises sont puissantes, et certains des grands leaders mondiaux du numérique sont français. Les plus petites entreprises disposent quant à elles d’une forte capacité d’innovation et attirent de plus en plus de jeunes talents. L’écosystème de la French Tech et des startups permet également le développement d’initiatives qui favorisent la croissance du secteur numérique de manière exponentielle.

De plus, le pays jouit d’un emplacement géographique stratégique. En plein coeur de l’Europe, le territoire français dispose de ressources climatiques adéquates au bon fonctionnement des datacenters. Notre climat est tempéré et nous sommes faiblement exposés aux risques naturels.

Ceci représente un avantage considérable pour le développement et la vitalité de nos infrastructures numériques. De plus, la production d’énergie française est abondante, peu chère et de qualité. Le plan « Transformer notre industrie par le numérique" présenté le 20 septembre dernier par le Premier Ministre prévoit également une baisse de la fiscalité énergétique, un atout indéniable vis-à-vis de nos pays voisins. Enfin, la France est également un pays de pointe dans son utilisation des énergies renouvelables ; ses infrastructures s’appuieront de plus en plus sur une énergie verte avec une faible teneur en carbone.

La France possède par ailleurs des savoir-faire techniques de haut niveau ; c’est la raison pour laquelle nous recommandons aux pouvoirs publics et représentants de l’Etat d’encourager, d’entretenir et de valoriser tous nos atouts. La France a besoin d’un accompagnement institutionnel pour devenir un acteur incontournable des infrastructures numériques dans le monde et ainsi attirer les capitaux étrangers. Nous devons posséder sur notre territoire nos propres infrastructures numériques et celles-ci doivent être robustes pour pouvoir faire face à la forte concurrence internationale.

C’est pourquoi, il est primordial d’initier une réflexion nationale sur les enjeux liés à la souveraineté des données. Plus la filière se sentira appuyée dans ses ambitions, plus il lui sera aisé d’être à la hauteur de ses responsabilités : garantir une continuité de service, être à l’écoute de l’innovation, contribuer à la vitalité économique des territoires ou encore optimiser sa consommation énergétique et accroître sa maîtrise des impacts environnementaux.

La mission de la filière datacenter est de créer cette impulsion et de permettre une prise de conscience générale autour de cette industrie. Les acteurs publics, les médias et le grand public doivent aussi reconnaître le rôle que joue la filière dans l’économie actuelle. 2019 doit donc être l’année de la cohérence vis-à-vis des infrastructures numériques. Si nous ne favorisons pas au sein de notre territoire le développement de grands hubs numériques, qui s’appuient sur des infrastructures de datacenter de qualité, d’autres le feront à notre place.