ePub et coronavirus : les médias gratuits à la recherche du second souffle

ePub et coronavirus : les médias gratuits à la recherche du second souffle Les mesures de confinement ont mis à l'arrêt une bonne partie du marché pub. Webedia, Reworld Media, Planet Media et 20 Minutes expliquent comment ils font face.

Si certains Français ont encore du mal à respecter les mesures annoncées le 16 mars par Emmanuel Macron, on ne peut pas en dire autant des annonceurs qui ont, pour la plupart, soumis leurs budgets pubs au plus strict confinement. L'adtech français Adomik fait ainsi état d'une chute de 43,5 % des revenus programmatiques en France sur la période du 17 au 19 mars, par rapport au mois précédent. La plupart des voyants sont au rouge, qu'il s'agisse du nombre d'impressions achetées (-21%) ou du niveau des CPM obtenus (-28,5%). Banque, automobile, voyages… Les plus gros annonceurs du marché ont coupé leurs campagnes alors que la crise sanitaire s'est à la faveur du confinement transformée en une crise économique sans précédent. Un repli forcément problématique pour les médias qui tirent de la publicité l'essentiel de leurs revenus digitaux.

"Le mois de mars ne sera pas trop mauvais car le trou d'air porte sur une petite période et on profite encore des quelques deals ID"

 "Les budgets issus des campagnes en gré à gré ont été les premiers à sauter, rapidement suivis par les deals ID programmatiques vers le 13 mars. C'est désormais au tour de l'open-auction d'être touché", relate Thierry Philippet, directeur du programmatique de Planet Media. Depuis l'annonce d'Emmanuel Macron, l'éditeur des sites planet.fr, medisite.fr et e-sante.fr est confronté à une baisse des CPM programmatiques comprise entre 15 et 30%, selon les jours. "On compense pour l'instant cette baisse grâce aux records d'audience que l'on réalise", relativise Thierry Philippet. L'heure n'est pas à l'affolement, non plus, du côté de Bruno Latapie, directeur de la monétisation de 20 Minutes. Certes les CPM ont chuté de 25% au cours de ces derniers jours mais les audiences ont plus que triplé. "Nous avons généré entre 17 et 20 millions de visites par jour la semaine du 16 mars contre 7 millions d'habitude à cette période de l'année", chiffre Bruno Latapie. Pas sûr pour autant que cela soit suffisant sur le long terme. D'une part parce que, comme le patron de la plateforme d'aide à la monétisation, Pubstack, Loïc Sfiligoi, le rappelle "rien ne garantit que ces gros volumes vont tenir dans le temps." Mais aussi parce que ces nouveaux inventaires, pour la plupart associés au coronavirus, restent difficiles à monétiser… Les annonceurs rechignent en effet désormais d'apparaître aux côtés d'actualités anxiogènes.   

Du côté de Reworld Media, on explique naviguer à vue et monitorer, heure par heure, l'évolution des revenus. "C'est compliqué pour nos sites sportifs et automobiles", reconnait Jérémy Parola. Le patron du digital de Reworld Media se refuse toutefois à parler de krach programmatique. "On est au niveau de périodes creuses comme février ou août", révèle-t-il. Il est de toute façon trop tôt pour faire le bilan, à en croire un éditeur qui préfère rester anonyme. "Le mois de mars ne sera pas trop mauvais car le trou d'air porte sur une petite période et parce qu'on profite encore des quelques deals ID qui ne sont pas arrêtés." Ce patron, dont les taux de remplissage sont passés de 70 à 15% sur la période du 17 au 19 mars, explique en revanche être "beaucoup plus réservé sur l'avenir." Il n'est pas le seul. "Avril sera sans doute très calme", redoute Caroline Duret, directrice générale adjointe en charge des développements chez Webedia. "Mars ne devrait pas être trop impacté car on a fait un bon début de mois. Ce sera sans doute plus compliqué en avril", confirme Bruno Latapie.

"Attendre deux semaines pour baisser ses floors, c'est prendre le risque de perdre plusieurs centaines de milliers d'euros"

Pas question pour autant pour les médias concernés de rester les bras ballants. A situation exceptionnelle, mesures exceptionnelles. Chez Webedia comme chez 20 Minutes, on propose à ceux qui ne peuvent pas faire autrement de repousser la diffusion de leurs campagnes. "Nous avons créé un fichier partagé intitulé 'coronavirus gate' dans lequel chacun reporte les décalages de campagnes", précise Caroline Duret. Certaines régies médias ont, elles, dû s'empresser d'enlever de leurs blacklists une typologie d'annonceurs pas très premium mais qui achète en ce moment beaucoup : les éditeurs de gaming. "Ces annonceurs sont, avec les spécialistes de la livraison de repas, deux des principaux moteurs du marché", estime Jérémy Parola. D'autres ont, à l'instar de Planet Media, pris la décision de supprimer leurs floors, ces prix planchers qui sont, en temps normal, censés protéger la valeur d'un inventaire en programmatique. "On sacrifie un peu les CPM mais ça permet de maintenir les taux de remplissage et les revenus totaux", explique Thierry Philippet. Une décision pas toujours évidente à prendre à en croire Loïc Sfiligoi. "Certains médias restent bloqués sur leurs grilles de tarifications internes. C'est une erreur car attendre deux semaines pour baisser ses floors, c'est prendre le risque de perdre plusieurs centaines de milliers d'euros." Notre expert recommande également de ne pas hésiter à rajouter un nouvel emplacement publicitaire sur les inventaires qui marchent bien. "Il faut maximiser ce qui peut l'être." Chez Webedia, on profite de la place qui se libère pour faire de l'auto-promo. En l'occurrence, pour communiquer sur le lancement récent d'Allociné Kids, service de recommandation de films pour les enfants, et sur l'offre de Pourdebon, site de livraison de nourriture à domicile. Deux services forts à propos en cette période de confinement.  

Performance et affiliation

Du côté de Reworld Media, on se tourne un peu plus vers la performance. "Tout ce qui touche à la collecte de leads intentionnistes, via des livres blancs, des jeux concours ou des quizzes, reste dynamique", observe Jérémy Parola. Le groupe média avait également lancé début mars une offre baptisée "Drive to Shop" à destination des e-commerçants. L'offre, qui permet aux annonceurs de mettre sur pied des dispositifs de types OPS avec garanti de trafic sur leur site, explose en ce moment. "On veut l'adapter aux annonceurs plus classiques, qui n'auront pas d'autre choix que de se tourner vers l'e-commerce", ajoute Jérémy Parola. Chez Planet Media, on pense miser sur l'affiliation, avec la mise en avant de produits au sein des pages articles et un paiement au lead généré. "Ce n'est pas vraiment rentable dans une situation de forte tension publicitaire mais vu la situation, ça le devient", reconnait Thierry Philippet. Le dirigeant de Planet Media donne l'exemple d'articles expliquant au lectorat, plutôt senior, comment s'organiser en télétravail. "On peut y intégrer des liens vers des imprimantes ou des écrans d'ordinateurs."

Dernier objectif : préparer l'après, même si aucun ne sait vraiment quand il aura lieu. "Il faut se servir de cette période un peu plus calme comme d'une rampe de lancement pour la reprise en mai", estime de son côté Caroline Duret. La dirigeante de Webedia explique être sollicitée par des annonceurs à la recherche de prises de paroles tactiques dans ce contexte compliqué. "Notre connaissance des audiences et de leur comportement doit nous aider à les faire se démarquer." Loïc Sfiligoi se dit, lui, que le digital pourrait à terme profiter de l'effondrement du print et du out of home. "La migration de ces budgets vers le digital peut permettre aux sites médias de compenser le recul actuel." C'est déjà l'objectif chez 20 Minutes où Bruno Latapie essaie de convertir au digital les annonceurs du print, la version papier ne paraissant plus depuis le 16 mars…