Comment Google veut récupérer la data des éditeurs... gratuitement

Comment Google veut récupérer la data des éditeurs... gratuitement Pour servir de la publicité ciblée, Google impose aux médias de pouvoir aspirer leurs données sous prétexte de créer des segments personnalisés.

Non content de torpiller les revenus publicitaires des éditeurs, en refusant les impressions pour lesquelles ils n'ont pas obtenu de consentement, Google veut-il également récupérer leurs données ? C'est le sentiment que peut donner la consultation de la note de blog de Google relative à l'implémentation de la V2 du framework de transmission du consentement, le TCF. Google y explique en effet que, pour servir de la publicité ciblée, soit la publicité la plus rémunératrice pour les éditeurs, ces derniers doivent lui transmettre le consentement pour la finalité numéro 3 : la création d'un profil personnalisé de publicité. En clair, lui permettre d'utiliser leurs données pour construire ses propres segments d'audience. Une demande qui interpelle un concurrent de Google, Adrien Thil, directeur du développement de Smart. "Un acheteur n'a - techniquement parlant - pas besoin d'effectuer ce traitement pour faire du ciblage publicitaire", estime-t-il. Deux des plus grosses plateformes du marché, qui incluent elles aussi SSP et DSP, ne le font d'ailleurs pas : Smart et Xandr.

"C'est une demande qui dépasse largement le cadre des contrats signés entre Google et les éditeurs"

"C'est une demande qui dépasse largement le cadre des contrats signés entre Google et les éditeurs, estime de son côté Benoit Oberlé, fondateur de la plateforme data marketing Sirdata et trésorier de l'IAB France. Je ne vois pas pourquoi ces derniers seraient obligés d'autoriser Google à améliorer gratuitement ses outils." Et de rappeler que la V2 du TCF a séparé le sujet de la pub ciblée en deux finalités (utilisation et collecte), précisément pour éviter ce data leakage. "Pas mal d'éditeurs ont prévu de bloquer cette finalité dans leur CMP, pour empêcher les vendeurs de créer des segments sur leur dos", confirme Adrien Thil. D'autres préfèrent réserver cette possibilité à un partenaire spécifique, comme c'est le cas des éditeurs membres de l'alliance Gravity. Ce dernier leur reverse, pour avoir pioché dans leurs données, un pourcentage des CPM versés par les acheteurs.

Un patron de régie, dont le site figure parmi les plus gros sites d'actualité en France, reste fataliste. "Google n'a pas besoin de nous pour être très performant en matière de ciblage vu qu'il récole déjà énormément de données via le navigateur. Je ne sais pas si ça changera grand-chose." Google n'a pas souhaité s'exprimer publiquement sur le sujet. Mais il trouve, sur ce point, un bon avocat en la personne Romain Gauthier, fondateur de la solution de CMP Didomi. "La publicité personnalisée, c'est aussi du profiling dès lors que l'on se base sur l'historique de navigation pour constituer des segments d'audience, ce que fait Google. Demander le consentement à cette finalité est une manière de présenter les choses de façon claire et sans ambiguïté".

Le problème, récurrent avec Google, c'est que sa mainmise sur le marché publicitaire ne laisse pas vraiment de choix aux éditeurs. Ces derniers ont, en effet, deux options : le laisser aspirer leurs données d'audience, et perdre ce qui fait leur richesse, ou refuser le deal proposé, et perdre de l'argent. Un dilemme rapidement balayé quand on connait la part de marché de Google. Son DSP pèse pour plus de la moitié des investissements médias en France. "On est, comme souvent avec Google, pas loin de l'abus de position dominante", résume un éditeur. On n'est pas loin, non plus, de la distorsion de concurrence vu que les éditeurs seront sans doute moins conciliants avec les concurrents de Google sur le sujet…