Le lent déconfinement du marché display programmatique

Le lent déconfinement du marché display programmatique Les acheteurs ont rouvert les deals coupés abruptement au moment de la crise mais le marché peine à retrouver ses revenus et ses CPM d'alors.

S'il va falloir encore quelques semaines aux régies médias pour réamorcer la pompe des ventes directes, leur activité programmatique est déjà repartie à la faveur du déconfinement enclenché le 11 mai dernier. "On observe une croissance de 14% des revenus générés par le marché display programmatique français entre avril et mai, chiffre Jean-François Bernard, CPO de la plateforme Adomik. Le Français, qui édite chaque semaine un état des lieux du marché programmatique, observe un rebond qui s'est opéré en deux temps. "On a une forte hausse la semaine du 11 mai, +14% de revenus par rapport à la semaine précédente, une légère baisse la semaine suivante, et une nouvelle poussée de 8,8% la semaine du 24 mai."

"L'annonce du déconfinement a changé l'état d'esprit de beaucoup d'annonceurs, qui se sont mis à discuter d'une stratégie de reprise", constate Sandrine Reinert,  VP client management au sein de la plateforme d'achat programmatique Tradelab. Ses clients retailers spécialisés, comme Yves Rocher ou Décathlon, ont repris leurs campagnes sitôt leurs magasins ouverts. "Les annonceurs du secteur automobile ont fait un retour assez remarqué, tout comme les grandes surfaces spécialisées. Tous veulent faire revenir les gens dans leurs points de ventes physiques", abonde Jean-François Bernard.

Les deals programmatiques les premiers à repartir. Leurs revenus augmentent de 48% entre avril et mai" 

Les deals programmatiques, qui voient un acheteur et un vendeur s'entendre au préalable sur des conditions de ventes, ont été les premiers budgets coupés durant la crise. Ils sont cette fois les premiers à repartir. Leurs revenus augmentent de 48% entre avril et mai selon Adomik. Ce ne sont pas tant les niveaux de CPM associés, en hausse de 10% sur la période, que les volumes de deals noués, en hausse de 35%, qui expliquent cette relance. "Les acheteurs ont surtout réactivé des deals négociés avant la crise et coupés brutalement", observe le patron de la place de marché programmatique Mediasquare, Erwan Le Page.

Timide open auction

Le marché de l'open auction, les enchères ouvertes, repart, lui, plus timidement. Les investissements qui transitent par ce mode d'achat sont en hausse de 12% entre avril et mai, selon Adomik. En open auction, les acheteurs ont, sous l'effet conjugué d'une concurrence accrue (hausse de 40% du nombre de bid par enchères entre avril et mai) et d'une volonté de prendre des parts de voix, fait légèrement remonter les CPM de leurs enchères. Ceux-ci augmentent de 6% entre avril et mai. "Cela a mécaniquement augmenté le nombre d'impressions vendues, une partie des enchères étant repassées au-dessus des prix planchers exigés par les éditeurs", constate Jean-François Bernard.

"Le niveau de densité d'enchères ne permet pas de faire remonter les CPM au niveau d'avant la crise"

Les éditeurs, pour protéger la valeur de leur inventaire, ont historiquement recours à des prix planchers. Des tarifs, calculés en CPM, en dessous desquels certains emplacements ne peuvent être cédés. Même s'ils ont, crise oblige, un peu revu leurs exigences à la baisse, la chute des CPM a eu pour conséquence une baisse de leur taux de remplissage. Ce dernier remonte donc en même temps que les offres des acheteurs. On reste toutefois encore loin des niveaux d'avant la crise, les CPM ayant chuté de 34% entre mars et avril. "Le niveau de densité d'enchères ne permet pas de faire remonter les CPM au niveau d'avant la crise", déplore Erwan Le Page. Un petit motif d'espoir toutefois : chez Tradelab, Sandrine Reinert observe que "les CPM sont revenus à des niveaux équivalents à avant le confinement sur certains formats IAB depuis la semaine du 24 mai".

Côté formats, les annonceurs privilégient pour l'instant la simplicité. "Je pense qu'il va falloir attendre un petit peu pour revoir des opérations spéciales ambitieuses", confie Erwan Le Page. "Les annonceurs se sont réfugiés durant le confinement sur des formats classiques, type bannière display", constate de son côté Sandrine Reinert. Un choix qui s'explique par la simplicité de développement et les faibles coûts de production associés à ce type de format. "Mais on voit que les annonceurs reviennent à des formats plus inspirationnels et plus élaborés, comme la vidéo, pour leurs campagnes de juin", nuance Sandrine Reinert. La période d'avril-mai a consacré les campagnes ROIstes, celle de juin devrait donc permettre au branding de revenir sur le devant de la scène. "Même les annonceurs dont l'activité fonctionne au ralenti veulent communiquer, le branding est donc tout indiqué", analyse Sandrine Reinert.

Difficile, toutefois, de savoir quand les choses reviendront à la normale. "Le marché avait chuté de 35% entre mars et avril, on n'est donc qu'à la moitié du chemin, rappelle Jean-François Bernard. "On est encore très loin de ce qu'on faisait l'année dernière à la même époque", confirme Erwan Le Page. Le patron de Mediasquare, dont l'activité croît de 5% de semaine en semaine depuis le déconfinement, espère pouvoir retrouver son niveau d'activité historique au cours du mois de juin.

Le problème c'est que l'un des principaux moteurs du marché à cette période de l'année, le secteur du voyage et du tourisme, est toujours aux abonnés absents. Certains sont revenus, pour communiquer sur des offres franco-françaises mais les acteurs mondiaux restent encore silencieux. "Si ces acteurs du tourisme ne reviennent pas massivement avant Noël prochain, ça va être compliqué pour le marché programmatique", craint Erwan Le Page. Dans un marché qui tire sa valeur de la tension entre l'offre et la demande, l'absence de toute un pan de l'industrie est forcément mal venue. Sandrine Reinert prend l'exemple des french days, cette grande opération commerciale lancée par certains e-commerçants français, fin mai. "Les pages des éditeurs étaient submergées de pubs l'année dernière, c'était beaucoup plus calme cette année", observe-t-elle.