Ce qu'il faudrait faire pour doubler le chiffre d'affaires publicitaire des médias online français.

Les éditeurs se sont particulièrement compliqué l'existence ces dernières années pour un résultat pas très résilient. L'exemple de l'Europe du Nord démontrent pourtant qu'une vraie maîtrise de la chaîne de valeur numérique peut avoir bien des bienfaits.

Je converse depuis plus de 20 ans avec mes amis et ex-collègues scandinaves lorsque je me pose des questions sur l’évolution des marchés numériques en Europe. Les acteurs de ces pays, de culture technophile et très habiles en anglais (j’ai appris l’anglais avec eux) et en algorithmie notamment publicitaire, ont un vrai pouvoir d’analyse et d’identification des signaux faibles et des axes où il faut creuser. Alors je leur ai posé la question de ce qui manquait à leurs yeux pour que les médias français renouent avec la croissance du chiffre d’affaires publicitaire online, surtout quand on sait que leur audience online est en croissance.

Leur analyse est simple et charismatique, et provient directement de leur vision des modèles éprouvés des acteurs extra-européens :

1. Il faut simplifier la chaine programmatique : Vous souvenez vous de cette étude qu’avait fait le Guardian ? Ce média avait acheté son propre espace publicitaire en programmatique pour découvrir qu’il récupérait à peine 40% de la somme investie en net éditeur. Tous les coûts partaient vers les multiples intermédiaires de la chaine techno. Il faut simplifier cette chaîne, notamment avec des outils qui sont à la fois des DSP et des SSP (ça parlera aux connaisseurs).

2. Il faut développer l’espace publicitaire à la performance,  sur des modèles au Coût Par Clic (CPC) ou Coût Par Lead (CPL), voir Coût Par Action (CPA - ce qu’on appelait avant l’affiliation) avec des outils d’optimisation des AdOps qui permettent de générer des Coût Pour Mille effectifs (eCPM) supérieurs aux moyennes programmatiques du marché. Plusieurs médias français à très forte audience ont déjà embarqué cette logique dans leurs modèles économiques avec des espaces/formats spécifiques et par mes activités passées j’ai été témoin actif du fait qu’on pouvait générer 200m€ de CA en France sur ce modèle (hors des plateformes internationales). Facebook et Google font leur business sur du CPC, Criteo et les réseaux native également, ils ne sont définitivement pas les seuls à pouvoir y prétendre.

3. Il faut développer l’achat de campagnes en self-service : 90% du CA de Google et Facebook est réalisé via leurs interfaces de gestion de campagnes ouvertes où les annonceurs paient leurs campagnes avec leur carte de crédit, pour certaines de quelques dizaines d’euros ! Criteo vient d'ailleurs d'annoncer l'ouverture de sa plateforme self-serve aux US. Il manquerait donc 90% de CA potentiel pour tous les médias qui n’ont pas d’interface en self-service ? C’est le moment d’y penser car Google et Facebook ont formé l’ensemble de ces PME et petits annonceurs depuis des années, il leur faut de préférence un modèle au CPC avec une possibilité forte de geotargeting.

4. Et surtout, à une époque où l’autonomie stratégique est clé, et comme le disent les américains, « own your client ». Il est possible de commercialiser des campagnes à des milliers d’annonceurs sans déployer des centaines de commerciaux, l’important c’est d’être le titulaire du contrat avec l’annonceur. Sans ça, pas d’actif, pas de résilience.

Il est temps, au sortir de cette crise, de revoir les fondamentaux des business models de chacun, de décortiquer cette chaine programmatique qui à mon sens n’a fait que distraire les esprits sans apporter de valeur autre que celle de signer des OI en ligne, et d’arrêter de se focaliser sur 10% du marché publicitaire disponible. C’est d’autant plus important quand on se prépare à une autre ère, celle du post-cookie et d’une obligation d’interaction OneToOne avec ses visiteurs uniques dans le contexte du RGPD.