Adtech : dix experts dévoilent leurs tendances pour 2022

Adtech : dix experts dévoilent leurs tendances pour 2022 Au programme, des incontournables comme la fin des cookies tiers et l'explosion du retail média. Mais aussi quelques surprises comme la fin du tout data et la consolidation dans l'adtech.

Ils viennent du monde des agences, des régies ou de l'adtech. Ils sont sur ce marché depuis suffisamment d'années pour humer les tendances à venir. Le JDN a décidé d'interroger dix experts reconnus du marché de la publicité digitale pour qu'ils partagent, en ce début d'année, les grandes tendances de 2022. Il faut dire qu'avec la disparition annoncée des cookies tiers de Chrome, l'entrée en vigueur de eprivacy et les changements structurels qui vont affecter la chaîne de valeur programmatique, l'année sera chargée.

Luc Vignon (366) : la compréhension de la chaîne de valeur

"Nous sommes dans une phase de raréfaction de l'offre d'inventaires. Notamment parce que la complexité globale augmente, du fait des décisions d'Apple, des contingences légales et de la sélectivité de la pression publicitaire dont doivent faire preuve les éditeurs producteurs de contenus à forte valeur ajoutée. Dans ce contexte, il est important d'avoir une meilleure compréhension de ses partenaires dans la chaîne de valeur programmatique. Pour avoir les moyens de faire les bons choix et gérer plus finement le yield. La tendance 2022 est donc un renforcement de la gestion du yield de nos inventaires premium."

Dominique Latourelle (iProspect) : navigateurs, cloud et e-retail

"2022 sera sans nul doute une année charnière pour tous les sujets data et leurs applications métiers : collecte, mesure, analyse et activation. Les restrictions induites par les différentes versions des plus gros navigateurs web et le niveau de privacy attendu par le législateur nous amènent à accompagner pleinement le phénomène de migration d'un stack adtech orienté client vers une version server-side. En parallèle, la montée en puissance des cleans rooms nous conforte dans cette vision où le stockage de données sensibles et son exécution se ferait désormais dans une instance distante, à la forte capacité de calcul, tout en garantissant un niveau de sécurité entreprise.

2022 sera également l'année de la maturité pour les écosystèmes e-commerce, où la place des inventaires médias est en croissance continue et où les mouvements de création de valeurs et les fusions/acquisitions prendront de l'ampleur. Sources de données transactionnelles vérifiées, capacité à affiner la diffusion sur des populations où la lifetime value est connue et travaillée en amont, le retail média aura une place de choix l'année prochaine, probablement actionnée par les deux points évoqués précédemment. Il faut toutefois que les parties prenantes réussissent à se mettre d'accord sur les méthodes d'attribution et de mesure dans un but d'homogénéisation et d'harmonisation de la lecture de la performance, ce qui est aujourd'hui encore un challenge."

Laurent Nicolas (Implict) : la fin du tout data

"C'est une opportunité pour le marché publicitaire digital : les publicités seront plus respectueuses de la vie privée, grâce aux approches statistiques permises par les panels et le marché va revenir aux fondamentaux du marketing (les individus, la répétition réelle…) après des années de concepts technologiques (ID de plateformes, capping…). On voit d'ailleurs que la convergence entre TV et digital va permettre un mix de data et de panels, en gardant le meilleur des deux mondes."

Julien Gardès (Triplelift) : la grande consolidation

"L'année 2021 a atteint des niveaux encore jamais vus en termes de consolidation et de M&As. Cette phase de consolidation s'est accompagnée également d'efforts majeurs de rationalisation entrepris par de nombreux acteurs de la chaine programmatique. Les DSPs sont de plus en plus regardants quant aux volumes et à la qualité des inventaires qui leur sont adressés et sont moteurs d'initiatives telles que Supply Chain Object ou GPID (Global Placement ID). De leur côté, les éditeurs adoptent un mode de fonctionnement Fewer is Better identique, en ne retenant que les partenaires susceptibles de leur amener une valeur ajoutée incrémentale forte et idéalement unique.

En 2022, je suis certain que ces tendances ne feront que s'accentuer avec un nombre record d'opérations de consolidations (rachats, fusions ou IPOs) et que de la même manière, les sujets de SPO et de DPO resteront au cœur des débats, tout ceci permettant une vision plus claire et plus lisible du programmatique, condition sine qua non pour permettre une augmentation des investissements sur l'Open Web."

Karine Rielland-Mardirossian (Figaro) : transparence et confiance

"La confiance et la transparence seront au cœur de la réussite. Confiance des lecteurs et des clients envers les marques media : des contenus fiables, de qualité, un environnement maitrisé pour offrir les meilleurs contextes pour une communication efficace. Mais aussi confiance et transparence avec les partenaires technologiques pour travailler conjointement sur les alternatives aux cookies, construire, mesurer et partager ensemble."

Fabien Magalon (Ogury) : l'innovation sur les formats publicitaires

"Les éditeurs s'interrogent : comment améliorer la monétisation de leurs inventaires tout en préservant l'expérience utilisateur ? Comment compenser la perte de revenus liée à la disparition des cookies tiers ? Une des solutions repose sur l'intégration de formats publicitaires innovants. A l'heure où les mobinautes passent de plus en plus de temps sur leur écran, les éditeurs se doivent de proposer des formats respectueux de leur navigation, non-intrusifs. Ces formats se doivent également d'être visibles, impactants et de délivrer les performances que les annonceurs attendent, pour motiver des CPMs élevés. Cette subtile adéquation sera clé pour les éditeurs en 2022."

Paul Mettetal (Moneytizer) : la diversification des technologies cookieless

"L'année 2021 nous a montré que de nombreux acteurs sont apparus ou se sont renforcés pour proposer aux éditeurs différents types de technologies cookieless : solutions d'ID (ID5, Index exchange, Prebid...), sémantiques (Smart, Weborama..) et même solution de suivi grâce à l'IP (Sirdata par exemple). Pendant ce temps, l'ensemble des SSPs s'attèlent à décortiquer les APIs proposés par Google dans le but d'effectuer les premiers tests début 2022. L'idée derrière tout ça, c'est que les différents acteurs réalisent petit à petit qu'il n'y aura pas UNE solution pour remplacer l'utilisation des cookies tiers mais c'est bien une multiplication de technologies qui permettront aux éditeurs de sauver leurs revenus et aux annonceurs/agences de continuer à cibler de manière efficace."

Arnaud Créput (Smart) : la curation au service de la qualité et de la transparence

"Ces dernières années, la qualité des inventaires et la transparence de la chaîne de valeur sont devenus les principaux sujets de préoccupation des acheteurs programmatiques. Avec la curation les acheteurs peuvent désormais constituer leur place de marché privée leur permettant d'activer leur data propriétaire tout en accédant directement (c'est à dire via leur partenaire technologique SSP) aux inventaires les plus premiums et constituer leur stratégie de ciblage (Deal ID multi-éditeurs) avec les bénéfices de la transparence, d'un meilleur reporting et de l'efficacité coût. La curation sera en outre le moyen de rapprocher la donnée de ciblage (audience, contexte) avec la donnée des éditeurs et permettra de continuer à bénéficier de la puissance du programmatique dans un monde sans cookies tiers. La curation est définitivement appelée à se substituer aux enchères ouvertes pour mieux combattre la fraude, l'opacité et la déperdition de valeur.

Guillaume Balloy (Agence 79) : data driven marketing by design 

"En 2022, nous passerons d'une phase où les marques ont entrepris de nombreux chantiers pour automatiser les dispositifs data & digitaux existants, à une phase de création de stratégie marketing data driven by design. C'est-à-dire des stratégies digitales pensées d'emblée pour être automatisées et connectées à des flux de données business, données 1st, CRM etc… Ce qui change tout sur la faisabilité de ces stratégies data marketing. Dans ce contexte, moins de données vont être exploitées, mais elles le seront de manière plus rigoureuse, avec un impact business réel beaucoup plus fort. Evidemment ce travail de la donnée va devoir être réalisé sous couvert de totale transparence et confiance avec une population de consommateurs ayant le pouvoir dorénavant sur le partage de leurs données."

Julien Verdier (Adyoulike) : fin des cookies tiers et des silos, début du Web3

"J'identifie non pas une mais trois tendances. D'abord, la fin des cookies tiers. Le changement de paradigme majeur qui se profile avec la disparition des cookies tiers va accélérer l'essor des stratégies 1st party data, avec en fer de lance l'explosion du retail media, et celui des stratégies contextuelles avec entre autres une nouvelle Content Taxonomy 3.0 de IAB et OpenRTB 2.6 (et bientôt 3.0). Ma deuxième tendance, c'est la fin des silos. Toutes les catégories convergent désormais : display, video, native, CTV, audio… Tous les formats peuvent être passés en même temps dans la même bid request , les stratégies en silos disparaissent, tout devient omniformat / omnichannel. Enfin, difficile de ne pas évoquer l'arrivée du web3. NFT, cryptos, metaverse représentent un opportunité immense pour le marché de la publicité même si pour l'instant il est impossible d'en définir l'ampleur ou les modalités réelles. Tout ça devrait prendre plus de sens en 2022."