Adtech/martech : et si on s'équipait français ?

Derrière les GAFAM, point de salut ? Le dynamisme des adtech/martech françaises est sans précédent. C'est maintenant qu'il faut participer à cet élan.

Alors que l’écosystème adtech/martech français connaît une croissance sans précèdent de 72% depuis 3 ans, force est de constater que ces solutions restent encore malheureusement largement absentes chez les grands groupes tricolores. Le gâteau est pourtant énorme : 100 milliards de dollars d’après l’étude Martech Landscape 2022. De là à penser que nous manquons un peu de patriotisme économique ?

I. Cocorico

Si aujourd’hui, la France n’a pas à rougir sur sa capacité à faire naître des licornes, nous classant 6e derrière l’Allemagne et l’Angleterre, l’arbre ne doit pas cacher la forêt des milliers de solutions françaises qui ne bénéficient pas forcément d’un soutien (très) appuyé de leur écosystème domestique. Un peu comme si l’échec de Wanadoo restait notre Waterloo digital.

Pourtant côté adtech, les solutions françaises foisonnent avec des niveaux de performance qui n’ont pas à rougir face à leurs homologues outre-Atlantiques. Quelques exemples non exhaustifs : Piano Analytics (webanalyse) ; Mirakl (e-commerce) ; AB Tasty/Kameleoon (AB Test) ; CommandersAct (TMS) ; Contentsquare (Digital Expérience Analytics) ; Criteo (retargeting) .…

Trois avantages à s'équiper local :

  1. Le support : Au-delà de bien comprendre les problématiques de l'Hexagone et d’avoir des bureaux en France, ces solutions présentent bien souvent des niveaux de support et d’accompagnement bien meilleures. Côté éditeurs américains, les interlocuteurs sont souvent des profils commerciaux et non des spécialistes techniques de la solution.
  2. La roadmap : Bien souvent la roadmap produit est partagée chez les acteurs français et vous avez la capacité à remonter des feedbacks afin qu’elles puissent évoluer. Une influence quasi-inexistente chez les poids lourds américains.
  3. La compliance : Avec généralement des serveurs hébergés en France, les solutions françaises passent les filtres des directions juridiques qui restent vigilantes sur l’application du RGPD.

II. Le tropisme américain

Malgré un écosystème martech/adtech français très dynamique, force est de constater que chez pas mal de grands annonceurs, la stack marketing utilisée reste majoritairement constituée de solutions américaines. Les raisons sont multiples :

  1. Le vivier de compétence : Derrière des éditeurs comme Salesforce/ Google/Microsoft, il y a aussi tout un écosystème de compétence qui s’est formé d'intégrateurs et agences spécialisées. La garantie pour les annonceurs finalement d’avoir accès à des ressources expertes, souvent certifiées, et qui pourront déployer ou maintenir les solutions choisies. Il n’y a rien de pire que d’avoir une solution niche maitrisée par quelques consultants, au risque sinon de créer une énorme dépendance.
  2. La prime aux gros : Un CMO, s’il veut jouer la carte de la sécurité aura tendance à choisir un éditeur réputé sur le marché, quitte à ce que fonctionnellement la solution ne réponde pas à l’ensemble de ses cas d’usage. Personne n’irait lui reprocher d’avoir choisi le leader US de telle ou telle brique technologique, surtout si les concurrents possèdent aussi cette solution.
  3. Le plan de carrière : Dans notre écosystème marketing, il existe des mots-clés magiques qui augmentent l’attractivité des profils. Ne soyons pas dupes : afficher des expériences avec des solutions leaders américaines est souvent gage d’une meilleure recrutabilité. Ceci peut ainsi expliquer certaines réticences qu’il peut y avoir en interne lorsque une organisation désire basculer sur un outil français ou européen, peut-être mieux dimensionné
  4. Winner takes all : Les outils martech/adtech sont soumis aux effets de réseaux. Kesako : l’utilisation d’un service par de nouveaux utilisateurs augmente la valeur de ce service par les utilisateurs historiques. Meilleur niveau de support ; intégration d’une multitude de features ; retour d’expérience en nombre; partenariats premiums… et c’est comme cela que l’on se retrouve dans des situations où certaines solutions américaines contrôlent la majorité du marché, au point de dicter les règles de celui-ci.

III. Défendre son modèle

Parler dans la langue de Shakespeare d’adtech/martech et défendre le made in France, c’est presque drôle si l’enjeu n’était pas majeur pour la souveraineté numérique du pays. Sur certaines verticales, il semble que nous ayons déjà baissé les bras : moteur de recherche (Qwant reste très minoritaire) ; OS ; réseaux sociaux ; IA (?)… Pourtant, on entend parler de French Tech à toutes les sauces, mais il ne suffit pas d’un like sur LinkedIn sur la dernière levée de fond de tel acteur tricolore pour constituer un vrai tissu économique capable de damer le pion aux acteurs étrangers du numérique.

Pire, certains ont compris toute la richesse de notre écosystème maison et ne se privent pas d’y faire leur marché. Rappelons-nous d'Adobe qui avait racheté Neolane en 2013 ;  AT Internet qui est passé sous le giron de Piano en 2021 ; Accengage  sous celui d’Airship…

Alors que faire, quand les capitaux et les dynamiques marché semblent être du côté des acteurs anglo-saxons ? Copier justement leur patriotisme économique. Au-delà de l’action politique, c’est à nous annonceurs d’envoyer un message clair à la French Tech en privilégiant, à niveaux de performances égales, les solutions françaises.

Par où commencer? Allez jeter un oeil sur l'initiative Solainn, le référentiel des solutions numériques tricolores.

C’est bon pour l’économie comme on dit, vos performances futures… et pis après tout, nous ne sommes pas si mauvais que cela en marketing (mercatique pardon) si j’en crois le succès de nos agences de publicité (Publicis, Havas..) à l’international.