Georges Mohammed-Chérif (Buzzman) "Certaines marques n'hésitent plus à dépenser un million d'euros pour financer une campagne digitale"

Le fondateur de Buzzman, spécialiste de la publicité virale, revient sur une année très riche pour l'agence. Il évoque les recettes d'un bon contenu viral et partage son sentiment sur l'évolution du digital en France.

JDN. Comment s'est passé 2011 pour Buzzman ?

Georges Mohammed-Chérif. Sans pouvoir vous donner de chiffres, 2011 a été une très bonne année pour nous et s'est soldée par une croissance à deux chiffres. Alors oui, nous réussissons à tirer notre épingle du jeu, en dépit ou grâce à la concurrence croissante. La publicité est un environnement au sein duquel compétition rime avec émulation. Par ailleurs, voir de nouveaux acteurs s'intéresser à un secteur que nous occupons depuis plus de cinq ans nous conforte dans notre sentiment que nous sommes dans le vrai.

Des rumeurs, que vous avez démenties, ont fait récemment part d'un rachat de Buzzman par Publicis. Avez-vous envisagé de vous adosser à un grand réseau, notamment pour vous développer à l'international ?

Nous sommes ouverts à toutes les opportunités mais nous ne ressentons pas le besoin de faire appel à un autre acteur, même pour contribuer à notre développement international. J'en veux pour preuve la campagne "Digital Love" pour Durex que nous avons menée au Moyen-Orient, depuis Paris, avec succès si j'en crois les ventes de préservatifs observées suite au lancement. Aussi longtemps que notre trésorerie sera bonne et que les banques seront derrière nous, je ne vois pas de raisons de nous inquiéter !

Qu'est-ce qui fait une bonne campagne virale ? Réaliser une une bonne vidéo suffit-il ?

Cela fait maintenant plusieurs années que l'on me pose cette question et ma réponse est toujours la même : il faut un beau contenu publicitaire qui se concrétise en termes de ventes ou de notoriété, selon l'objectif visé. Un message viral doit être à ce point réussi que les internautes ont envie d'en devenir le prescripteur, de le diffuser auprès de leur communauté. Sur Facebook on estime par exemple que chaque utilisateur a environ 250 "amis".

L'effet boule de neige doit permettre au message de circuler très rapidement depuis le réseau social et d'atteindre toutes les sphères d'Internet. Ceci étant, en cinq années de communication, nombreuses sont les marques qui ont réalisé des choses intéressantes et sortir du lot est aujourd'hui un véritable défi. D'autant plus que, contrairement au format publicitaire télévisuel classique, le contenu digital doit réussir à émerger dans un environnement extrêmement concurrentiel.

Toute actualité un tant soit peu amusante ou fracassante peut venir "cannibaliser" l'audience, il faut donc réussir à trouver la bonne fenêtre de tir. Pour l'anecdote, nous avions prévu de sortir la campagne "Digital Love", le 6 octobre 2011... Le lendemain du décès de Steve Jobs. Inutile de préciser que nous avons dû retarder le lancement d'une semaine, laps de temps durant lequel le public n'aurait de toute façon pas été réceptif à notre message.

À l'heure où les restrictions de budgets s'annoncent importantes chez les annonceurs, quelle évolution prévoyez-vous pour le digital en 2012 ? Le climat de défiance est-il une opportunité ou un motif d'inquiétude ?

L'année 2011 s'est effectivement déroulée sur fond de morosité publicitaire et 2012 ne s'annonce pour l'instant pas forcément plus réjouissante... sauf sur le digital pour lequel je sens une véritable attente de la part des annonceurs. Les marques ont enfin pris conscience des enjeux et des possibilités de communication que leur procure Internet.

Elles n'hésitent plus à y mettre les moyens, comme Seb qui a dépensé un million d'euros pour financer le développement de sa campagne digitale "Rowenta Silence Force Extreme". Un tel montant aurait été inconcevable il y a cinq ans, quand le ticket moyen était de 100 000 euros. Ce n'est pas encore la norme mais les mentalités progressent ! Vous savez, les marques ne dépensent pas de telles sommes par pure philanthropie. Si elles le font, c'est qu'elles ont bien mesuré les intérêts financiers en jeu. 

En 2012, nous allons accompagner le lancement du fer à repasser "Tefal et Calor" pour Seb à l'international et allons poursuivre le déploiement de Durex et Axe. Nous allons également orchestrer la communication digitale de 1664 tout au long de l'année et préparons le retour de Tipp-Ex, un retour qui je l'espère rencontrera le même succès que la campagne "A hunter shoots a bear" !

Après une longue expérience en agence chez CLM BBDO, BETC Euro RSCG, Australie, Young & Rubicam et Publicis Conseil, Georges Mohammed-Chérif décide de lancer en 2006 sa propre agence Buzzman, dédiée à la publicité virale et digitale.