le Deep Packet Inspection n'est pas le "gendarme" du Web

la vocation du DPI a été, à tord, perçue comme répressive. Or il est en fait le régulateur d’une véritable économie sur le Net, un indicateur de tendances, pour la satisfaction et l’intérêt du cyber-consommateur.

Avec "la toile", le mouvement de cybernétisation de nos activités s'est accentué de façon significative, contribuant à offrir un cadre "virtuel" à beaucoup de nos comportements réels. La toile grandit, la densité de ramifications ("la cyber-capillarité") augmente et les usages du Web ne cessent de se multiplier et de se diversifier, jetant ainsi les fondations d'une vraie économie.

Pour répondre aux cyber-consommateurs, fournisseurs d'accès, opérateurs de réseaux, constructeurs de terminaux et fournisseurs de contenus tentent d'élaborer des modèles économiques. Mais ils peinent à définir leurs rôles, leurs positionnement, trouver leur valeur ajoutée dans ce nouvel environnement.
Récemment, entre les débats Net-neutrality outre-Atlantique et la montée des offres "multiple play", s'est posée en filigrane la question de la viabilité, à long terme, de la Net économie.

Elle doit impérativement trouver sa logique économique et trouver les moyens d'investir, à la fois dans les infrastructures et dans le contenu. En effet, si l'infrastructure n'est pas performante, c'est l'accès à tout le contenu qui, devenant laborieux et inopérant, découragera le client et amputera d'autant le chiffre d'affaires. Si le contenu ne se renouvelle pas, n'est pas attractif, novateur, éducatif ... c'est l'abonné qui renoncera à le consommer. La demande existe, mais il faut s'assurer que l'offre demeure à la fois riche et accessible pour que le secteur croisse.

Comment peut-on analyser et modéliser la Net économie pour en comprendre les ressorts et activer les manettes d'un cercle vertueux : "meilleur contenu marchand + réseau performant + prix et marges ajustées au mieux =  satisfaction client, fidélisation et croissance" ?

L'économie du Net suit exactement la même logique que la grande distribution. Les fournisseurs de contenu ne peuvent atteindre un cyber-consommateur sans emprunter un réseau d'opérateurs et un opérateur ne peut envisager son futur sans offrir, en plus de l'accès Internet, du contenu attractif. Les fournisseurs de contenu sont les producteurs. Les opérateurs et dans certains cas les constructeurs de terminaux sont les distributeurs, c'est-à-dire ceux qui, au final, guident le client jusqu'à la marchandise.

Un réseau d'opérateurs performant, c'est comme un grand centre commercial qui met à disposition de larges parking, des grands espaces de circulation et un accès routier fluide. Des fournisseurs de contenus attractifs, ce sont des marques innovantes, reconnues et demandées par le consommateur et qui communiquent leur image. Sur le Net, beaucoup de marques réelles sont en ligne et de nouvelles marques émergent, comme YouTube, DailyMotion, Joost, Facebook, Skype, i-Tune, ... il s'agit de service ou de contenu, gratuit ou payant, que les opérateurs mettent à disposition des cyber-consommateurs comme le feraient des distributeurs.

Y-aura-t-il des exclusivités de distribution (iPhone-iTune) ? Y-aura-t-il des distributeurs haut de gamme (franchise) ou des hard-discounteurs à l'offre agressive mais limitée ? Y-aura-t-il des marques blanches (distributeurs) ? Ce marché, encore en friche, va se structurer et toutes ces stratégies commerciales vont s'y affronter. Comment ? Grâce aux statistiques comportementales, aux chiffres de fréquentation etc, qui vont permettre d'analyser la demande pour y répondre avec la bonne offre.

La technologie pour collecter et mettre en forme cette information existe, c'est le DPI (Deep Packet Inspection) ou inspection en profondeur et systématique du trafic. Application masquée, trafic chiffré, protocole usurpé, ... la plupart des cachoteries permises par le protocole IP est mise à nue grâce aux algorithmes de DPI.

Un fournisseur de contenu pourra déterminer la popularité, la saisonnalité des achats de son contenu. Un fournisseur d'accès pourra distinguer le trafic payant du trafic gratuit, identifier le trafic malveillant du trafic légal et constater aussi la popularité des fournisseurs de contenu auprès de ses abonnés. Les données volumétriques applicatives permettront de déterminer les tendances.

C'est en articulant toutes ces données entre elle que les acteurs pourront affiner leur modèle commercial, affiner les tarifs, commercialiser des espaces publicitaires ad-hoc, détecter le "vol à l'étalage" ...et au final protéger le cyber-consommateur.

Le DPI a souvent été présenté d'abord comme une technique de surveillance, un "big brother" du réseau. Cette approche, si elle est techniquement possible, est cependant difficile à mettre en oeuvre et bien souvent en porte-à-faux avec les contrats de service des abonnés.

Par ailleurs, le DPI ne dispose que d'une adresse IP pour identifier un internaute, ce qui dans 99 % des cas est inopérant puisque ces adresses sont allouées dynamiquement à chaque connexion. En revanche, toutes les informations sur la fréquentation des sites Web, sur la nature des téléchargements, sur la popularité des applications, sur les volumes et les durées des échanges, sont rendues disponibles par un système de collecte et de traitement utilisant le DPI. Le DPI, associé aux techniques de QoS et d'analyse comportementale, permet de protéger les flux de certains consommateurs vers certains contenus, de détecter les attitudes malveillantes pour protéger les autres consommateurs.

Le DPI est une technologie clée, un pivot à partir duquel fournisseurs et distributeurs peuvent définir et s'entendre sur les offres gagnantes de demain, pour mieux servir leurs clients. Même si dans sa genèse, le DPI a plus été vu comme un moyen de "nettoyer" le cybermonde des trafics malveillants ou illégaux, il a maintenant une finalité beaucoup plus économique, stratégique et régulatrice d'un marché en recherche de sa maturité. Fondamentalement, il défend les intérêts de la communauté des cyber-consommateurs.