Faut-il saluer l’avènement de la 5G ?

La 5G est-elle l’avenir des télécoms ? Sans aucun doute oui, tout comme elle le sera pour l’IoT et d’autres usages encore à inventer. Le sera-t-elle pour les individus ? Rien n’est moins sûr, en particulier pour ceux des territoires ruraux. Renforcement de la fracture numérique, déconnexion de fait, la 5G questionne la consommation des ressources, certainement au-delà des besoins quotidiens.

Du point de vue des utilisateurs, la 5G est synonyme d’un Internet plus rapide. Pour les opérateurs, c’est un sujet très particulier, à forts enjeux techniques et commerciaux. La technologie 5G repose sur les ondes millimétriques, les mêmes exploitées par nos satellites et l’imagerie médicale. A terme, cette 5ème génération de communication mobile est censée offrir les ressources nécessaires pour le développement des véhicules autonomes ou de la réalité augmentée. C’est dire les opportunités business susceptibles d’être dégagées.

A première vue, les progrès en la matière sont à l’unisson des ambitions notamment françaises de réduire une fracture numérique persistante, coûtant très cher à l’État. Outre un effort de formation à destination de près de 13 millions de français, le déploiement d’infrastructures visant à faciliter un accès de bonne qualité au réseau est inscrit dans le marbre de la stratégie nationale pour un numérique inclusif. Voilà sur le papier.

Les revers de l’abondance

Les ondes millimétriques étant de courte portée, il faut dix antennes 5G pour couvrir le territoire d’une seule antenne 4G. Qui peut prétendre sérieusement équiper de nouveaux réseaux l’ensemble des territoires ruraux et périurbains ? Si un espoir persistait, il fut récemment douché par l’annonce de Neville Ray, directeur technique de l’opérateur mondial de téléphonie mobile T-Mobile, qui affirme sans ambiguïté que la 5G se limitera à quelques poches urbaines denses.  

Beaucoup s’en féliciteront au titre de la préservation des paysages, du risque sanitaire et des coûts engendrés par une éventuelle couverture universelle. Très bien mais tenons-nous loin de toute naïveté, cela se fera au détriment, encore une fois, de l’égalité numérique. Car "Build it, we will fill it" disait Benedict Evans, le ponte américain de la stratégie mobile et media. Libérés des contraintes de réseaux poussifs, les développeurs sauront et voudront exploiter toute l’abondance offerte par la 5G.

Certes, chaque génération a son lot d’early adopters urbains et de laissés pour compte. Mais sur quel avenir numérique compter quand nos provinces, privées de ces infrastructures, seront déconnectées de fait de toutes les applications conçues pour fonctionner sur un spectre de fréquences élargi ? Ce que l'avenir promet, au mieux, aux zones de faible densité, c'est une 4G améliorée, une 4G+, dépourvue de la technologie des ondes millimétriques et bien incapable d'offrir un accès aux futurs services numériques.

La sobriété numérique en jeu

La 5G s’invite, malgré elle, au débat sur la sobriété numérique et sa traduction dans nos politiques nationales et transnationales.

La stratégie pour un numérique inclusif telle que définie en France passe le sujet de la sobriété sous silence, à croire que des infrastructures performantes et une formation adéquate replaceront automatiquement l’individu au centre de la question. Mais c’est certainement prendre le problème à l’envers. Tous les acteurs du numérique sont responsables de la prodigalité des technologies et du gaspillage des ressources énergétiques. Oui, la 5G a beaucoup à offrir. Mais au même titre qu’une nouvelle autoroute fait l’objet d’enquêtes publiques afin d’en déterminer la pertinence, les apports des nouveaux réseaux doivent être encadrés et évalués à l’aune du droit fondamental de l’accès à Internet et de la préservation des ressources. Dans le cas contraire, ce que d’aucuns nomment un bond technologique risque de n’être qu’un énième cimetière numérique.