Quelle riposte légale au développement des services illégaux d'IPTV ?

L'offre pour les IPTV illégales s'est considérablement développée ces dernières années, phénomène qui semble encore s'être accentué pendant le confinement. Concrètement, la technique de l'IPTV permet aux utilisateurs d'avoir accès à un ensemble de chaînes normalement payantes, de films et de séries à la demande, grâce à un logiciel ou à une application dédiée. Face à la popularité croissante des services d'IPTV illégaux, les ayants-droit sollicitent un renforcement de l'arsenal juridique. Quelle

Qu’est-ce que l’IPTV ?

L’IPTV (ou Internet Protocol TeleVision) désigne une technique qui permet d’accéder à des canaux de télévision par le biais d’Internet. Cette technique, qui offre la possibilité d’accéder à des contenus par le biais du web et de les regarder sur une télévision, un smartphone ou un ordinateur, n’est donc pas en elle-même illicite et de nombreuses offres d’IPTV légales très populaires sont d’ailleurs proposées sur le marché. On peut par exemple citer Netflix, MyCanal, Amazon Prime Vidéo, etc.

Son utilisation devient en revanche illicite dès lors que la technique de l’IPTV est utilisée par des pirates pour intercepter et détourner les flux télévisuels qui circulent sur Internet. La technique de l’IPTV permet alors, en tout illégalité, de donner accès à des "abonnés" à un grand nombre de chaînes de télévision, ainsi qu’à des contenus audiovisuels (film et séries) disponibles à la demande. Concrètement, l’accès à ces contenus se fait au moyen de logiciels ou d’applications dédiées, intégrés ou non à un boîtier branché au téléviseur.

L’IPTV, qui ne cesse de gagner en popularité, est ainsi devenue, en quelques années, le cauchemar des propriétaires des droits de retransmissions des compétitions sportives et autres titulaires de droits.

Quelles réponses légales ?

La Cour de justice de l’Union européenne a jugé en 2017 que "la vente d’un lecteur qui permet de regarder du streaming illégal sur un écran de télévision est constitutive d’une violation du droit d’auteur". Les utilisateurs s’exposent également à des peines pouvant aller jusqu’à 3 ans de prison et 300 000 euros d’amende.

L’arsenal juridique que l’on connaît aujourd’hui offre déjà des possibilités pour lutter contre les services illégaux d’IPTV. Sur ce point, il est intéressant de noter que plusieurs types d’acteurs interviennent pour rendre techniquement et financièrement possible les services illégaux d’IPTV. Or, le droit français permet notamment d’impliquer les intermédiaires techniques dans la lutte contre ces services pirates puisque l’article L. 336-2 du code de la propriété intellectuelle offre la possibilité au juge d’ordonner, de manière générale, toute mesure propre à prévenir ou faire cesser une atteinte au droit d’auteur à l’encontre de "toute personne susceptible de contribuer à y remédier". Il est dès lors par exemple possible de solliciter sur ce fondement le blocage par les fournisseurs d’accès Internet de l’accès aux services et sites contrefaisants, ou encore le déréférencement par les moteurs de recherche de ces sites pirates.

Quelques pistes pour renforcer encore la lutte contre l’IPTV sont néanmoins à l’étude ; l’objectif affiché étant de parvenir faire cesser les diffusions illicites en quelques minutes.

Au niveau français tout d’abord, le projet de loi audiovisuel, toutefois mis en sommeil depuis le premier confinement, ambitionnait de mettre en place un dispositif spécifique pour lutter contre le piratage sportif. Il prévoyait ainsi la possibilité de saisir le juge via une procédure d’urgence, afin de couper la diffusion illégale des compétitions sportives. Était également prévu un renforcement des obligations de coopération des fournisseurs d'accès à Internet.

L’agenda parlementaire s’est toutefois trouvé bousculé par la crise sanitaire et le gouvernement a finalement décidé de mener une réforme progressive, en traitant en priorité certains sujets urgents. S’agissant de la lutte contre le piratage, une nouvelle loi devrait voir le jour avant la fin du quinquennat, voire en 2021.

Grâce à cette loi, le gouvernement espère lutter efficacement contre les services d’IPTV afin d’endiguer ce phénomène, avant qu’il ne se répande davantage. A noter que ce n’est plus la Hadopi mais l’Arcom, issue de la fusion de la Hadopi et du CSA, qui, grâce à des pouvoirs étendus, prendra le relais sur ces questions.

Au niveau européen, le Digital Services Act (ou « loi sur les services numériques »), nouvelle législation sur laquelle travaille la Commission européenne, pourrait également être l’occasion de faire évoluer l’arsenal juridique pour lutter contre les services d’IPTV.

C’est dans ce contexte que l’association européenne Audiovisual Anti-Piracy Alliance (l’AAPA), organisation qui représente par exemple Canal+ et BeIN, a publié le 20 novembre dernier une note à l’attention de la Commission européenne synthétisant les mesures qui pourraient être mises en place pour renforcer des outils juridiques permettant de lutter contre les IPTV illégales. 

Parmi les mesures proposées par l’AAPA, celle-ci souhaite clarifier le régime de responsabilité applicable aux intermédiaires techniques et faciliter la notification à ces intermédiaires de contenus illicites, afin que ces derniers puissent réagir plus rapidement. L’AAPA attire notamment l’attention de la Commission sur la nécessité de favoriser l’interruption rapide des flux illégaux diffusés en direct, afin de pouvoir couper la diffusion illicite d’un programme dans les 30 minutes qui suivent son signalement.

Autre point d’attention : l’AAPA souligne la nécessité de faciliter le blocage de l’accès aux sites pirates et serveurs impliqués dans la fourniture de services illicites d’IPTV et insiste notamment sur le fait que les injonctions faites aux intermédiaires devraient être dynamiques (pour tenir compte des changements d'adresses web, ou "sites miroirs"), ainsi que transfrontalières. Les prochains mois s’annoncent donc décisifs pour la lutte contre les services illégaux d’IPTV.