Munic entre en Bourse pour passer de la vente de boîtiers à la banque de données

Munic entre en Bourse pour passer de la vente de boîtiers à la banque de données Cette entreprise française, qui souhaite lever 16 millions d'euros, développe un boîtier et une plateforme de données pour connecter les véhicules. Elle change de modèle pour démocratiser ses technologies.

Munic se connecte aux marchés boursiers. Cette société française, créée en 2002 sous le nom de Mobile devices ingénierie, souhaite lever environ 16 millions d'euros lors de son introduction en Bourse sur le marché Euronext Growth, programmée au 10 février. La période de souscription démarre ce 22 janvier, avec une fourchette indicative de prix située entre 6,76 et 9,14 euros par action. Elle a déjà engrangé 10 millions d'euros d'engagements de souscriptions, principalement de la part de deux fonds d'investissement : son actionnaire de référence Grandis-Lux (par compensation de créances) et Ostrum Asset Management (filiale de Natixis).

Munic s'occupe à la fois de la collecte, du tri et de l'interprétation des données issues des véhicules. Elle conçoit un boîtier qui se branche à la prise diagnostic (OBD) pour transformer une voiture classique en véhicule connecté capable de remonter toutes sortes d'informations sur son usage, son usure et son entretien (kilométrage, niveau d'huile et de carburant, état des freins et des pneus…). "Notre plateforme regroupe ces données, les trie et effectue même des corrections", explique Aaron Solomon, PDG et fondateur de Munic. Par exemple, le niveau de carburant du véhicule peut s'avérer faux à cause d'un capteur mal adapté à la géométrie du réservoir. La société affirme utiliser le machine learning pour affiner ces extrapolations lorsqu'un capteur est déficient comme dans le cas du niveau d'essence, ou inexistant comme sur les pneus et freins.

2 millions de véhicules connectés

Le chiffre d'affaires de l'entreprise, qui s'établit à 15,2 millions d'euros en 2018 (les résultats 2019 n'ont pas encore été audités), provient principalement de gestionnaires de flottes, de réseaux d'entretien et concessionnaires automobiles, ainsi que d'assurances et d'opérateurs télécom. Elle travaille par exemple avec le loueur Avis pour l'aider à calculer précisément la distance parcourue et l'essence consommée par ses clients ou l'assureur américain Metromile sur son assurance auto à la demande (facturée au kilomètre). Munic revendique 270 références clients, dont la plupart ne sont cependant pas divulguées, soit entre 1,5 et 2 millions de véhicules connectés et actifs.

Des chiffres encourageants, mais pas mirobolants pour une société créée il y a presque 20 ans. Munic n'échappe pas à une certaine déception qui traverse les entreprises travaillant sur la voiture connectée, dont les applications concrètes peinent à se démocratiser. Le secteur comptait sur les constructeurs auto pour massifier la pratique en installant ces technologies dès la conception des véhicules et sur les assureurs pour les monétiser en acquérant de précieuses données pour construire des produits d'assurance toujours plus précis.

De la vente à l'abonnement

Mais aujourd'hui, le parc de véhicules connectés demeure limité, et les assurances auto ont peu évolué, hormis l'apparition de produits d'assurance à la demande encore confidentiels. "Les assureurs ont abandonné l'assurance connectée, car entre le boîtier, le serveur de stockage adapté au RGPD, l'application mobile pour l'assuré et le SAV, les coûts, entre 100 et 200 euros sur trois ans, étaient trop élevés", explique Aaron Solomon.

Pour remédier à ces problèmes et augmenter le parc de véhicules équipés de ses boîtiers, Munic amorcera un changement de modèle économique au deuxième trimestre 2020, d'abord sur quelques marchés (France, Allemagne, Benelux). Au lieu de facturer le boîtier et des fonctionnalités prépayées pour un certain nombre d'années et de laisser le client gérer les données qui en découlent, Munic va financer elle-même ces investissements et fera seulement payer à ses clients l'accès aux données, via un abonnement annuel de 15 euros par véhicule. L'entreprise, qui se donne pour objectif d'atteindre les 100 millions d'euros de chiffre d'affaires en 2023, n'abandonne pas son ancien model pour autant : les boîtiers doivent continuer à représenter 75% des revenus dans trois ans, contre 25% pour la nouvelle offre centrée sur les données. De quoi permettre, espère Munic, de faire grimper sa marge brute à 44%, contre 22 aujourd'hui.

L'entreprise compte sur ses partenaires concessionnaires et garagistes pour proposer à leurs clients d'installer gratuitement ces boîtiers connectés. Ils auront accès à une application mobile présentant toutes les données remontées. En échange, ils autorisent la commercialisation de leurs données, qui permettront à Munic de fournir des leads aux réseaux d'entretien, par exemple en leur indiquant quels clients auront prochainement besoin de révisions.

Presque rentable

Avec ce coût réduit à 15 euros annuels, Munic espère aussi convaincre davantage d'assureurs. D'autant que Munic, qui aura le contrôle des données, pourra travailler avec des assureurs concurrents et permettre à d'autres acteurs d'y accéder.

La société n'a pas encore atteint la rentabilité : elle a perdu 600 000 euros en 2018. Les fonds levés en Bourse doivent permettre à Munic de financer ces investissements dans le hardware autrefois consentis par ses clients, mais aussi de préparer la diversification de son offre, par exemple vers les systèmes de communication pour véhicules connectés (V2X). Pourquoi passer par la Bourse pour un montant qui aurait pu être levé en capital-risque ? "Nous souhaitons faire entrer plusieurs investisseurs industriels à notre capital, ce qui est plus facile dans le cadre d'une introduction boursière", justifie Aaron Solomon. "Par ailleurs, nous sommes mieux valorisés en Bourse qu'avec un fonds de capital-risque qui demanderait une réduction plus importante." Le temps et les marchés diront si ce calcul était le bon.