Confiné mais pas résigné, le secteur auto s'organise pour vendre et livrer

Confiné mais pas résigné, le secteur auto s'organise pour vendre et livrer A l'aide du numérique, constructeurs, vendeurs d'occasions et concessionnaires mettent en place des processus de vente et livraison sans contact humain.

Le coronavirus et le confinement ont figé le circuit de distribution automobile, bloquant des voitures à différentes étapes de leur parcours de vente. Ainsi, des concessionnaires se retrouvent avec des véhicules déjà vendus, mais toujours chez eux, car les clients ne peuvent pas, ou ne veulent pas venir les chercher. "Chez d'autres concessionnaires, on sait qu'il y a un rush de véhicules neufs à venir, déjà vendus, et qui sont bloqués sur des parcs ou sur des camions porteurs. Ils se demandent comment ils vont réussir à gérer cet afflux, le jour où tout rouvrira et que les camions débarqueront", explique Eric Cerceau, fondateur de La Wroom Team, une entreprise de services à destination des professionnels de l'auto. Il a lancé après l'annonce du confinement un groupe Facebook sur lequel 180 professionnels du secteur -concessionnaires, réparateurs, carossiers, distributeurs... - réfléchissent à des manières d'affronter cette crise.

Les plateformes de vente de véhicules d'occasion entre particuliers comme CapCar et Carventura ont elles aussi rencontré un blocage du côté des vendeurs. "Le premier impact a été notre capacité à venir inspecter le véhicule d'un vendeur avant-même de le mettre en ligne sur notre site, puis à venir le chercher une fois qu'il a trouvé preneur", raconte Frédéric Lecroart, fondateur et président de Carventura, une filiale de PSA.  "De nombreux vendeurs ont aussi stoppé leur projet, alors qu'il y a toujours des acheteurs intéressés, qui ont aujourd'hui plus de temps, ce qui crée un déséquilibre entre l'offre et la demande", complète Guillaume-Henri Blanchet, directeur opérationnel de CapCar.

La paperasse dans une appli

Pour continuer à générer un peu de chiffre d'affaires, et donc de la trésorerie alors que leur activité est en forte baisse, les deux plateformes se sont tournées vers la start-up DriiveMe, une société à mi-chemin entre l'autopartage et le convoyage, qui assurait déjà certaines livraisons pour elles, afin de développer un processus de livraison sans contact adapté aux exigences sanitaires actuelles. "Lorsque nous venons chercher ou livrons les véhicules, tout est désormais dématérialisé via une application mobile que chaque partie utilise sur son téléphone. On peut signer électroniquement les papiers, le bon d'enlèvement du véhicule, prendre les photos pour l'inspection...", énumère Frédéric Lecroart.

Sur l'inspection, CapCar est allé encore plus loin, car une partie de ses employés sont au chômage partiel, tandis que certains vendeurs refusent de recevoir les inspecteurs, malgré la mise en place d'un éventail de gestes barrières et processus de désinfection, raconte Guillaume-Henri Blanchet. "Notre appli d'inspection peut désormais être contrôlée à distance avec un partage d'écran, qui permet à un téléopérateur de guider le vendeur pour qu'il prenne lui-même toutes les photos nécessaires à l'inspection, sans envoyer quelqu'un sur place."

"Notre appli d'inspection est contrôlable à distance avec un partage d'écran"

L'une des entreprises les plus en avance sur ces problématiques est Tesla, qui a adopté une stratégie de vente directement auprès de ses consommateurs, via son site Internet, sans passer par des concessions. L'entreprise dispose seulement de "centres de services" où des clients potentiels peuvent prendre des rendez-vous pour essayer les véhicules. Tesla réalisait déjà quelques livraisons directement chez le client en France pour ses véhicules de luxe (Model S et X), ou ponctuellement pour son véhicule électrique plus grand public, la Model 3, afin de libérer de la place dans ses entrepôts.

Depuis le confinement, Tesla a mis en place une procédure permettant aux clients de récupérer leur véhicule sans contact humain. "Le véhicule est garé sur le parking d'un de nos centres de service. Le client s'y rend et peut le dévérouiller avec son smartphone via l'appli Tesla. Il signe les documents papier, les dépose dans une boîte aux lettres et peut partir", explique l'entreprise au JDN. La carte-clé, moyen alternatif d'ouvrir le véhicule en cas de batterie à plat, se trouve dans le coffre, et les papiers dans la boîte à gants. Habituellement, un représentant de l'entreprise passe un moment avec le client pour lui présenter les différentes fonctionnalités du véhicule. Cette démonstration a été remplacée par un nouvel onglet dans la section vidéo de l'ordinateur embarqué, où le client trouvera des vidéos tutorielles.

Chacun son rythme

D'autres entreprises ont aussi annoncé la mise en place de livraisons à domicile en France, comme BMW ou le distributeur multi-marques Qarson. Ces adaptations sont-elles susceptibles de perdurer une fois le confinement passé, et d'être généralisées à des volumes massifs de ventes ? "Ce que nous vivons là n'est pas ponctuel, nous devons repenser le modèle pour que le client ait le moins de démarches à faire après avoir acheté son véhicule", estime Frédéric Lecroart de Carventura. 

Mais le secteur n'avancera probablement pas de manière homogène. Accaparés par les normes anti-pollution, la fin du diesel et la transition vers l'électrique et l'autonome, la plupart des constructeurs sont encore loin d'être prêts. Et les concessionnaires, un secteur très fragmenté avec beaucoup de petites et moyennes entreprises, auront aussi du mal à s'y mettre. "C'est une partie de la difficulté", reconnaît Eric Cerceau. "La profession est très hétérogène et a du mal à s'adapter. Les constructeurs imposent déjà beaucoup de normes et services aux concessionnaires. Tout ce qui n'entre pas dans ce panel n'est donc pas une priorité." Parenthèse ou tendance lourde, le coronavirus aura au moins eu le mérite d'accélérer les réflexions et expérimentations du secteur.