Après la musique, l'édition et l'éducation...consultants vous êtes les prochains !

De la digitalisation au Peer-to-Peer pour la musique. Des tablettes à la démocratisation de l'écriture pour l'édition. Des Mooc au Social Learning pour l'éducation... Le conseil sera-t-il le prochain secteur à connaitre une disruption ?

De la digitalisation au Peer-to-Peer, les ruptures qui ont mis à mal l'industrie du disque ont largement été documentées… Ces disruptions - si médiatisées soient-elles - n'étaient que les prémices de celles qui attendaient d'autres secteurs : les tablettes et la démocratisation de l'écriture pour l'édition, les Mooc et le Social Learning pour l'éducation. La liste pourrait être très longue…
Pourtant il y a un secteur qui semble encore résister à toute sorte de disruption. Un secteur que l'on peut évaluer entre 80 et 100 milliards d'Euros pour la France... celui du consulting. Pourquoi ce secteur ne connaitrait-il pas de rupture à son tour ?
Tous les ingrédients sont pourtant réunis :
  • la maturité des clients,
  • une certaine lassitude de l'opacité de certaines pratiques professionnelles,
  • les technologies,
  • et l'arrivée de nouveaux business économiques.
Pour ne citer que ceux-là…

1 - Est-ce que le conseil est à l'abri de toute disruption ?

Plusieurs raisons pourraient être avancées pour expliquer qu'aucune disruption ne viendra perturber le  secteur du conseil.
  • Il y a toujours pénurie de temps en entreprise et de compétence sur le marché.
Beaucoup d'entreprises ont donc besoin de consultants disposant d'une expertise de niche. Le corollaire qui semble se préciser est que le marché devient de moins en moins favorable au conseil généraliste.
  • Les consultants sont toujours les pollinisateurs de bonnes pratiques.
Ce qui évite au client de trop tâtonner dans la recherche d'une solution à un problème déjà rencontré par le consultant. En plus, en passant d'une entreprise à l'autre, les consultants identifient et préviennent des disruptions en cours tout en propageant de bonnes pratiques. En copiant-collant des pratiques diraient certains mais tout de même, surfer d'une disruption à l'autre est la "raison d'être" (en anglais dans le texte) des cabinets conseils de pointe.
  • L'aide extérieur est toujours utilisée en politique interne.
Si vous avez lu Andrew von Nordenflycht vous savez que les grandes marques du conseil peuvent être tranquilles pour différentes raisons :
- La preuve sociale. Avoir un Bain ou un Accenture à ses cotés fait de vous une grosse boite.
- La politique interne. Il est parfois très utile de laisser un consultant se planter pour prouver qu'un projet ne peut être mené à bien.
- Leur prix élevé. On en est encore là : la qualité ressentie dépend du prix. Et ça marche aussi pour les conférenciers et la formation.
Et il semble que les nouveaux entrants sur le marché du conseil utilisent les mêmes modèles économiques que leur concurrents établis pour rassurer leurs prospects en ne se différenciant que sur une agilité de plus en plus relative face aux grands cabinets et sur le prix (signe de mauvaise qualité selon le point précédent). Ce qui à première vue tue les disruptions qui pourraient venir des nouveaux arrivés !

2 - Et si les Disruptions de la musique, de l'édition et de l'éducation s'appliquaient au conseil ?

Dans ma recherche des disruptions qui pourraient toucher le secteur du conseil, je suis tombé sur un article de Harvard Business Review d'octobre 2013 intitulé Consulting on the cusp of disruption (Le Conseil à l'orée d'une disruption). Plutôt que de fournir une liste probable de ruptures à venir, l'article statut que "La disruption étant un process et pas un événement, il est trop tôt pour savoir ce qui va se passer" avant de conclure un peu plus loin que "nous ne connaissons pas les forces en œuvre donc les ténors du marché se feront surprendre".
Alors là je dis bravo des deux mains ! Si le HBR toujours aussi fort pour l'inspiration il l'est décidément beaucoup moins pour la mise en action.
Bref, si les Ruptures du conseil ne peuvent pas être identifiées aujourd'hui je vais donc me baser par celles qui ont été vécues par les secteurs de la musique, de l'édition et de l'éducation. Si ça ne marche pas, nous aurons au moins passé un bon moment :
  • Les Smartphones : des Applications - comme par exemple "CT" -  pourraient très bien démocratiser des méthodologies applicables (qui a dit 'bêtement' !?) par des consultants juniors ou des consultants internes. Des applications pourraient aussi être utilisées dans des buts de monitoring sur mobile, de moyen de concertation ou de liaison 24/24 entre client et consultant.
  • Les services d'abonnement. C'est le  "All you can eat" de Spotify ou Deezer. Un cabinet conseil pourrait proposer des forfaits annuels ou mensuels incluant différents services de conseil à la demande et l’accès à des outils de diagnostic. Comme par exemple "Compagnons de cordée", un spécialiste en réduction de coûts en com RH propose par exemple un forfait à 5 000 €/an comprenant un magazine de veille et un accès privilégié aux auteurs de cette veille.
  • La gratuité : comme Shazam. C'est le fameux concept du Freemium-Premium.
    Cette application vous permet d'identifier une musique avant de vous proposer de l'acheter sur l'Applestore. Sur ce modèle les consultants pourraient offrir des conférences/diagnostics à leurs clients ou prospects. Ce qui changera des tables-rondes qui ne sont jamais rondes et des petits déjeuners au jus d’orange chaud. Ce qui est disruptif ici c'est que le cabinet conseil mettra en valeur son savoir-faire auprès d’un seul prospect à la fois plutôt que de les réunir dans une salle éclairée au néon à pas d’heure le matin. Le prospect/client disposera ensuite de la possibilité de poursuivre ou pas, voire même de faire avec quelqu'un d'autre. 
  • L'absence de "DRM" : DRM pour Digital Rights Management ou GND en français. Les clients pourraient commencer à revendre les process qui ont été implémentés chez eux. Une certaine version du Recommerce si vous voulez. Ce qui compléterait le mouvement commencé par HR Valley, Disney institute, Wired Consulting ou Orange (avec Idclick) qui vendent leurs formations, outils ou process internes à d'autres entreprises avec un label de qualité et de fonctionnement opérationnel que certains consultants ne peuvent pas garantir…
  • L’échange marchandise : sur le modèle de Pandora, la radio en ligne financée par la pub.
    Des actions de conseils seront menées gratuitement pour un client en échange de sa base de données clients et prospects.  Ce qui est disruptif est que ce serait de grands cabinets qui proposeraient cette solution et pas des consultants débutants en quête de légitimité.
  • Le social Learning via Le In-House Consulting ou IHC. Cette pratique qui semble faire des émules (SNCF, Safran, La Poste, Air France, Natixis, la Société Générale, Cofidis...).
    Des équipes de consultant internes commencent à s'autorganiser en interne. Est-ce que le consultant interne sera préféré pour ses délais plus courts, des honoraires inférieurs, un réseau interne et une acculturation déjà établie ? Cette pratique pourrait être la première disruption visible : 2/3 du conseil s’effectuent en interne chez Renault.       
  • Les recommandations. A quand un tripadvisor officiel du conseil ?
  • L'Open consulting. A l'image des Open Universities qui proposent des formations de haut niveau à mi-temps. Des entreprises de secteurs différents se regroupent pour résoudre des problèmes communs en partageant des ressources humaines, techniques ou financières. Un nouveau type de coopétition comme 'Le lab' pour l'assurance. C'est aussi la base des organisations patronales centrées sur le développement personnel et professionnel des dirigeants avec les 4000 membres pour le CJD (Centre des Jeunes Dirigeants) et le parcours Copernic et plus de 6000 adhérents à l'APM (Association pour le Progrès du Management).

3 – A quoi peut-on voir que le secteur vit une disruption ?

Je vais vous faire perdre votre temps mais je vais m'inspirer des 4 implications prévisibles selon le Harvard Business Review d'octobre 2013 :
  • Une consolidation du haut de la liste des cabinets conseils. La différence précise l'article se fera selon la capacité de ces consultants à comprendre le plus rapidement les attentes de leur client. (J’aime beaucoup cette phrase).
  • Pour continuer à ouvrir des portes déjà ouvertes, l'article prévoit ensuite que les consultants se battront pour des parts de marché chez leurs clients les plus importants en laissant les petites entreprises "à la merci" de cabinet conseil de moindre taille (c'est la base et la limite de l'approche disruptive de Clayton Christensen ceci dit en passant).
  • Les frontières traditionnelles entre les services deviendront floues et un nouveau paysage ouvrira de nouvelles opportunités. En français : l'avenir appartient aux cabinets conseils qui sauront relier les services qu'ils proposent en solutions indissociables rendant plus difficile aux clients de saucissonner leurs achats de conseil entre plusieurs conseils. En bref : faites comme dans les télécoms version années 1990.
  • L'arrivée du Big Data va tout changer. Il faut bien reconnaître qu’un article de prospective qui ne termine pas avec du Big Data est aussi crédible qu'un article sur les sciences comportementales qui ne comporte pas une référence aux neurosciences !

En conclusion

Il me parait évident que l’avenir va se jouer sur deux terrains : celui des prix avec un décalage de plus en plus évident entre la facturation d’honoraires à la journée et l’approche solution proposée notamment par le modèle du SAVE qui semble prendre aussi fort que le modèle du "Business Model Canvas" et de "Lean startup".
Une initiative de Harvard « Hourlynerd » semble prendre ce chemin. Fondé en février 2013 comme un projet de classe, Hourlynerd qui se décrit comme « un conseil flexible en service financier et comptable facturé à l’heure » propose aux entreprises de mettre à leur service des MBA. Pour le moment 300 entreprises se sont enregistrées sur leur site et la communauté comprend 875 personnes.
Celui de la preuve d’efficacité : il y a une pression de plus en plus forte sur le consultant d’apporter la preuve de sa réussite a posteriori comme le monde de l’enseignement commence à le vivre avec des offres comme Woonoz.
Je pense et j’espère que l’on ne lira bientôt plus dans aucun magazine de renommés ce qui suit : « qu’il est très difficile de savoir a priori et a posteriori si une action de conseil à réussie ou échouée. En cas d’échec par exemple, il peut être difficile de tenir pour responsable le conseil car il y a beaucoup de variables. La qualité de l'exécution a-t-elle été soutenue en interne, les résistances au changement ont elles été désactivées, le temps passé a-t-il freiné la mise en œuvre, le management de transition a-t-il été irréprochable ».
Ce qui va demander aux cabinets conseil de se concentrer de plus en plus sur leur ROI et… de transparence !
Maintenant, si vous avez lu cet article jusqu’ici, je ne vous conseillerai qu’une seule chose : ne suivez pas les secteurs de la musique, de l’Édition ou du l’éducation qui se sont parfois arcboutés sur des modèles, processus ou représentation du monde qui était dépassés ou en simplifiant les ruptures à la technologie.
Reprenez les quelques pistes du point 2 et demandez-vous ce qu’il se passerait :

  • Si vous proposiez un abonnement à vos clients ? Quelle offre pourriez-vous construire ?
  • Si vous pouviez développer une app pour améliorer la relation entre vous et vos clients ?
    Que contiendrait-elle ?
  • Si vous offriez des missions de conseil ? Sur quels sujets et pour quelle durée ?
  • Si vos clients avaient déjà toutes les informations et de l’aide d’un ami chef d’entreprise pour mettre en place sans vous ? Quels services pourriez-vous lui proposer ?...
Dans le passé nous devions choisir des solutions, dans l'avenir nous devrons générer des options...
Je vous laisse méditer là-dessus.