Quelles incidences pour la Loi Hamon en matière de jeux et concours ?

La loi du 17 mars 2014 relative à la consommation (dite "Loi Hamon") contient une multitude de dispositions diverses et variées concernant tous types de sujets pouvant toucher de près (mais aussi de loin) à la consommation.

Modifiant le Code de la consommation sur plusieurs aspects tendant à la protection du consommateur, la loi Hamon est également venue apporter certaines nouvelles règles en ce qui concerne les pratiques commerciales de types jeux et concours.
Or la qualité du texte est tellement défaillante que d'aucuns se sont interrogés sur la portée des nouvelles dispositions législatives dans ce domaine.
En particulier, la Loi Hamon aurait-elle pour effet d'interdire, non pas les loteries commerciales, c'est-à-dire les jeux qui ne dépendent que du hasard, mais les concours, c'est-à-dire les jeux qui, eux, dépendent exclusivement des connaissances et de l'habileté des participants ? La question n'est pas neutre, car les opérateurs économiques recourent très fréquemment à ce que l'on appelle communément les "jeux et concours" à des fins d'animation commerciale, et notamment des jeux qui supposent de répondre correctement à des questions pour pouvoir remporter certains lots, en l'absence de hasard, c'est-à-dire de tirage au sort.
La difficulté ici est double : d'une part, comme indiqué ci-dessus, le texte adopté par le Parlement est rédigé de manière particulièrement bancale et obscure ; d'autre part, les débats parlementaires font plus ou moins l'impasse sur cette question, de sorte qu'il est plutôt ardu d'y voir clair.
Pour reprendre ce point de manière synthétique, rappelons qu'initialement, c'est-à-dire sous l'empire de la loi du 21 mai 1836, les loteries publicitaires n'étaient autorisées qu'à la condition qu'elles fussent gratuites. Cette règle est à l'origine de la célèbre formule "jeu gratuit et sans obligation d'achat", qui avait pour but d'asseoir le monopole de la Française des Jeux et du PMU en matière de loteries payantes. Ceci ne concernait toutefois pas les concours, qui eux étaient libres.
Puis, sous l'influence du droit communautaire, le Code de la consommation a été modifié par la loi du 17 mai 2011 pour prévoir que les loteries publicitaires pouvaient désormais être payantes, à la condition que le procédé ne soit pas "déloyal". En d'autres termes, les jeux avec "obligation d'achat" sont désormais possibles, sous réserve que le consommateur ait bien conscience des frais qu'il doit exposer.
La situation était à peu près claire (même si le principe de l'interdiction des loteries payantes était maladroitement maintenu), jusqu'à cette Loi Hamon.
A l'origine, le texte ne prévoyait aucune disposition sur le sujet. C'est la Commission des Finances qui a proposé d'introduire au sein du projet de loi neuf articles destinés à former "un véritable volet sur les jeux d'argent et de hasard".
L'intention première consistait à compléter la loi du 12 mai 2010 relative à l'ouverture à la concurrence et à la régulation du secteur des jeux d'argent et de hasard en ligne, c'est-à-dire, schématiquement, les paris en ligne. La Commission des Finances a en effet souhaité renforcer la protection du consommateur en la matière, notamment en clarifiant la définition des jeux d'argent et de hasard prohibés.
Il est assez évident qu'à ce stade, les concours n'étaient pas concernés par cette nouvelle définition, puisqu'il n'a jamais été question, au regard du rapport de la Commission des Finances, de modifier la législation les concernant. Toutefois, l'ambiguïté est née de l'ajout, à la liste des jeux prohibés au sens de l'article L. 322-2 du Code de la sécurité intérieure, des "jeux dont le fonctionnement reposerait sur le savoir-faire du joueur". En d'autres termes, les concours paraissaient désormais concernés.
Cela étant, la Commission des Finances proposait, parallèlement, le maintien en vigueur des exceptions traditionnelles, à savoir, notamment les "loteries publicitaires" visées aux articles L. 121-36 et suivants du Code de la consommation. Sachant que, traditionnellement, une loterie n'est pas un concours, l'on pouvait déjà se sentir perdu à la lecture de ce rapport.
C'est à la suite de ce rapport qu'un amendement n° 960 présenté par le député Razzy Hammadi, a été adopté et insère un article L. 322-2-1 au Code de la sécurité intérieure, prévoyant que l'interdiction des jeux "recouvre (sic) les jeux dont le fonctionnement repose sur le savoir-faire du joueur."
Il est intéressant de noter que l'exposé des motifs de cet amendement ne laisse en rien supposer que les concours publicitaires seraient désormais interdits, même si l'exception à l'interdiction de principe des jeux d'argent ne vise que les articles L. 121-36 et suivants du Code de la consommation qui, eux, ne concernent que les loteries.
A cet égard, les débats parlementaires du 13 septembre 2013, s'ils ne sont pas très éclairants, peuvent nous donner une indication de ce que le législateur entendait interdire. Lors de cette séance, les sénateurs ont débattu d'un amendement n° 373 visant à imposer le contrôle d'un huissier de justice au stade du tirage au sort (ce qui n'est pas obligatoire en l'état actuel de la législation).
Le but des parlementaires à l'origine de l'amendement consistait à davantage protéger les consommateurs en matière de "jeux et concours" (la formulation est d'importance), afin de faire en sorte que l'ensemble du mécanisme soit entouré de garanties suffisantes.
Selon le sénateur Capo-Canellas, "afin de ne pas compromettre l'organisation des différents jeux et concours, il serait souhaitable que ces dispositions [c'est-à-dire celles relatives à l'intervention d'un huissier, ndr] s'appliquent également lors de la phase du tirage au sort (…) notamment pour garantir la réalité de celui-ci et la régularité du tirage au sort."
Si l'amendement a finalement été rejeté, il convient de se référer aux propos du rapporteur du texte, selon lequel "la nécessité d'aller au-delà de ces dispositions [faisant obligation de déposer le règlement auprès d'un huissier, ndr] n'apparaît pas clairement s'agissant d'un simple jeu concours, d'autant plus que le tirage au sort n'est utilisé en général que pour départager ceux qui ont trouvé la bonne réponse." Ainsi, visiblement, le rapporteur du texte n'a pas entendu interdire les concours publicitaires.
En somme, s'il est exact que la législation relative aux jeux et concours est particulièrement confuse et mal rédigée (les articles L. 121-36 et suivants du Code de la consommation méritant franchement un bon toilettage), il n'apparaît avec aucune évidence que le législateur ait eu l'intention d'interdire les opérations commerciales supposant que les participants répondent à des questions pour pouvoir gagner un lot, étant entendu que la présence d'un tirage au sort, c'est-à-dire de l'intervention du hasard, exclut de toute façon le risque d'interdiction.
Mais, d'ailleurs, bien que les articles L. 122-36 et suivants du Code de la consommation ne visent que les "loteries commerciales", le nouvel article L. 122-36 vise de manière plus générale les "opérations commerciales" mises en œuvre "quelles que soient les modalités de tirage au sort ou d'intervention d'un élément aléatoire". Ainsi, en réalité, cet article paraît mettre fin purement et simplement à la distinction entre les loteries et les concours, puisqu'une opération commerciale qui supposerait de répondre à des questions pour gagner un lot, même sans intervention du hasard, devrait relever de ce régime.
La volonté du Parlement, illustrée lors des débats parlementaires par des références à des décisions de justice concernant, par exemple, la "Maison à 10 euros", consistait de manière assez nette à étendre l'interdiction des jeux illicites aux opérations réellement dangereuses et trompeuses pour les consommateurs.
Le vrai problème concerne plutôt le caractère gratuit ou payant de l'opération commerciale.
En effet, alors que la loi de 2011 avait pour but de permettre la mise en place d'opérations commerciales avec obligation d'achat, de telle sorte que le consommateur pouvait avoir à payer des frais d'envoi ou de connexion à internet, par exemple, dès lors que le procédé n'était pas déloyal, désormais la loi impose… la gratuité.
Ceci résulte d'une contradiction manifeste au sein de l'article L. 121-36-1 du Code de la consommation, qui prévoit certes que la participation à une opération commerciale puisse être payante, mais qui impose également la gratuité des frais d'envoi : "pour la participation aux opérations mentionnées à l'article L. 121-36, sont autorisés les frais d'affranchissement ainsi que les frais de communication ou de connexion non surtaxés, qui peuvent être mis à la charge des consommateurs, dès lors que la possibilité pour les participants d'en obtenir le remboursement est prévue par le règlement de l'opération et que ceux-ci en sont préalablement informés."
En d'autres termes, il s'opère désormais une distinction entre les frais de participation (qui doivent faire l'objet d'un remboursement s'il est demandé par le consommateur) et les frais d'achat (qui, eux, peuvent rester à la charge du consommateur). Voici finalement le changement principal en la matière.