Orange Bank : La relation client, élément clé de la banque de demain ?

Le secteur bancaire est-il réellement en train de se réinventer ? Les grands établissements français se sont adossés ces dernières années à des banques en ligne et le marché est prometteur avec près de 2,8 millions de clients que se partageaient les 6 acteurs français en 2015 (selon une étude de marché de Nextbanq.fr).

Orange a pris tout le monde de court en annonçant la création de sa banque mobile créant ainsi une rupture dans un paysage déjà établi. L’acquisition de 65% du capital de Groupama Banque lui a permis d’obtenir une licence bancaire et de créer Orange Bank qui devrait être disponible en France au premier semestre 2017. Mais avant tout, qu’entend ce nouveau challenger par une banque mobile ? Il proposera dès son lancement une application mobile permettant la gestion de compte courant, d’épargne, de crédit et de paiement, intégrée dans un écosystème tirant profit de leur positionnement sur les réseaux sociaux. Au-delà de son offre 100% digitale, ce nouvel entrant suscite d’ores et déjà des craintes chez ses futurs concurrents de par sa crédibilité dans un marché qui lui sera extrêmement favorable, par sa notoriété, son expertise financière, sa base client et la force de frappe de son réseau de distribution.

Orange est la première entreprise française dans le classement « Brand Finance Global », apparaissant en 2016 à la 54e place. Ce classement prend en compte plusieurs indicateurs dont la fidélité, la confiance accordée et la valeur financière de la marque. Avec une marque valorisée à 19,096 milliards d’euros, Orange possède déjà un réel atout pour s’immiscer dans un secteur ayant des acteurs déjà bien installés. D’autre part, le groupe a obtenu le statut EME (Etablissement de Monnaie Electronique) dans 4 pays cette année et bénéficie d’une expertise financière à l’international avec Orange Money, véritable succès dans les pays émergents avec 19 millions d’abonnés en juin 2016 et 120 000 points de vente en AMEA (Afrique, Moyen Orient, Asie). Ce service permet d’effectuer des transferts d’argent à l’international, de payer ses factures, verser les salaires, etc. Pour finir, la force de frappe du réseau de distribution du groupe et sa base client constituent une solide assise pour le déploiement d’Orange Bank. Avec 28,4 millions d’abonnés mobile et 10,7 millions de clients Internet haut débit à fin 2015, la société profite d’un vivier de prospects très confortable pour son offre bancaire surtout lorsque l’on sait que ING Direct, le leader du secteur des banques en ligne comptabilisait plus d’un million de clients en France en 2016.

Orange Bank bénéficiera également d’un contexte marché favorable pour son lancement. En premier lieu d’un point de vue réglementaire avec l’entrée en vigueur du dispositif d’aide à la mobilité bancaire le 6 février 2017. Cette réglementation permettra aux particuliers de changer plus facilement d’établissement financier, les démarches étant prises en charge par les banques elles-mêmes, avec un délai à respecter. Selon le cabinet Bain, le taux d’attrition mesurant la perte de clientèle dans ce secteur s’élevait à 4,3% entre mai 2015 et avril 2016, soit une augmentation de 0,5 point sur l’année précédente. La volatilité des consommateurs devrait mécaniquement augmenter avec la loi sur la mobilité, ce qui ajoute un contexte propice pour l’arrivée d’un nouvel acteur sur le marché. En second lieu, le positionnement d’Orange Bank coïncide avec le changement d’habitudes de consommation. Les études continuent de montrer le potentiel marché pour un établissement 100% mobile, quand on sait selon le sondage OpinionWay/La Société Générale mené en avril 2015, que 85% des contacts entre un client et sa banque se font à travers le numérique et que la consultation d’une application bancaire sur un terminal mobile fait partie du top 3 des applications consultées dès le matin pour 23% des sondés.

Orange est un nouvel acteur crédible et bénéficie d’un contexte marché qui joue en sa faveur. Le groupe souhaite appliquer le modèle des télécommunications à la banque avec la mise en place de forfaits. Stéphane Richard, PDG du groupe, va même plus loin en déclarant qu’il s’agit de « l’application du modèle Free à la banque ». Il s’agit là du risque le plus élevé inhérent à l’arrivée de ce concurrent sur le marché. L’entreprise est reconnue en France pour ses offres et services en télécommunications, mais il existe une différence entre souscrire à un forfait mobile et souscrire à un crédit immobilier ; et le groupe se doit de réduire au maximum cette différence aux yeux de ses prospects et réussir à changer l’image de la relation entre les clients et leur banquier. Le risque de défaut induit par une activité purement bancaire est également à prendre en compte. En effet, un crédit immobilier implique une relation de long terme plus imprévisible qu’un crédit à la consommation sur une offre mobile dont le montant et la durée sont aux antipodes d’un prêt immobilier. Attention également à ne pas dépasser les exigences bien particulières imposées par la réglementation financière. Orange devra donc s’assurer d’une séparation effective de ses différentes branches pour que l’utilisation des données personnelles obtenues dans le cadre de son activité télécom ne constitue pas un risque, tant d’un point de vue réglementaire que d’image. L’enjeu consiste à arbitrer entre son devoir de conseil et une démarche commerciale perçue comme étant trop intrusive suite à une analyse des données de sa clientèle.

Mais peut-être que la réelle innovation se situe sur la gestion de la relation, dans un secteur dans lequel il y a plus de détracteurs de leur banque que de consommateurs qui la recommandent à leurs proches (étude menée en 2013 par le cabinet Bain), le service client étant le principal facteur de divergences. Orange, fort de son activité première dans les télécommunications, jouit d’une forte expérience dans le domaine de la relation client et de la gestion des informations propres à ces derniers. L’enjeu pour Orange Bank consiste à bâtir un équilibre entre service digital et service client. L’étendue de son réseau de distribution pourra l’aider à maintenir une relation de proximité avec ses abonnés. Mais c’est surtout la gestion de sa base de données et l’élaboration d’une stratégie de Big Data centrée sur la relation client qui pourra l’aider à obtenir un véritable avantage concurrentiel et mettre en place une stratégie de marketing prédictif.