Succession d'IPO en demi-teinte, pourquoi il ne faut pas en faire un drame

Viadeo, Elior, Saga, Euronext, Coface, Worldline … Les introductions en bourse se suivent et se ressemblent. Si les sociétés se pressent à la cote, leurs premiers pas sont parfois timides, le prix des actions étant fixé en bas de fourchette.

Des "contreperformances" toutes relatives, qui poussent certains groupes à reporter leurs IPO. A raison ? Sans doute oui.
Tout porte à croire que ces résultats sont davantage imputables à une certaine atonie passagère des marchés qu'à un défaut d'attractivité des groupes cités plus haut.
Huit ans après l’avoir quittée, Elior a retrouvé la bourse le 11 juin 2014. Le numéro quatre mondial de la restauration collective, avec un chiffre d’affaires de 5,02 milliards d’euros, a été introduit en bas de fourchette au prix de référence de 14,75 euros. En tout, Elior a ainsi levé pour 785 millions d’euros, et placé pour 847 millions d’euros en comptant la cession de titres par certains actionnaires. De quoi lui permettre de poursuivre son développement international, qui s’est notamment traduit en 2013 par le rachat de TrustHouse Services, géant national de la restauration collective. De quoi, aussi, alléger le poids de sa dette.
Le groupe est en effet endetté à hauteur de 2,18 milliards d’euros, soit 4,9 fois son excédent brut d’exploitation pour l’exercice clos le 30 septembre 2013. Dans ces conditions, même a minima, sa valorisation boursière paraît élevée. En apparence seulement. C'est oublier un peu vite qu'Elior est une valeur de forte croissance. A titre indicatif, il n'est ainsi pas inutile de rappeler que sa marge opérationnelle courante est supérieure à celle de Sodexo, son principal concurrent. Pas anodin non plus de signaler que le groupe a promis de verser un dividende alléchant basé sur un ratio de distribution de 40 % du résultat net. Oui, tout compte fait, cette valorisation boursière semble presque un peu faible...
La même aventure est arrivée à Euronext, l'opérateur boursier paneuropéen dont l'annonce de l'IPO a fait grand bruit ces derniers temps dans la presse. L'introduction a été faite à 20 euros par action, alors que la fourchette se situait au départ entre 19 et 25 euros, et qu'elle avait été resserrée in extremis à 19-20 euros. Sa valorisation est ainsi établie à 1,4 milliard d'euros, et Euronext lève autour de 845 millions d'euros en tout, ce qui le place dans le sillage direct d'Elior pour le titre de la plus grosse opération de l'année à Paris.
Euronext peut s'estimer satisfait puisque, à en croire un spécialiste, "la plupart des grands institutionnels français ont répondu présents". A ces actionnaires de référence (BNP Paribas, Société générale, la Caisse des dépôts et consignation, Bpifrance...) s'étant engagés à acquérir 33,36 % du capital, sont venus se greffer des investisseurs "stratégiques" (GDF Suez, KBC) pour 2 %.
Ajoutons enfin qu'une SIPS (société d'investissement professionnelle spécialisée) a été créée, regroupant une poignée d'investisseurs français, parmi lesquels la Chambre de commerce et d'industrie de Paris IDF, Federis GA, Maif, Macif, etc. Un instrument qui a levé 45 millions d'euros. L’accueil de la place de Paris a en outre été très enthousiaste, et Michel Sapin s’est fendu de déclarations de soutien.
Des motifs de réjouissance, donc, puisqu'après un crochet par les États-Unis, Euronext a réussi à relocaliser une grande partie de son actionnariat en Europe. Mais quand-même on peut s'étonner que le prix de l'action n'ait pas été plus élevé. Le groupe est en effet promis à un bel avenir. En parvenant à constituer un bloc d'actionnaires locaux, il s'assure d'être rattaché aux régulateurs des pays dans lesquels il opère et devrait donc gagner la confiance d'un nombre croissant d'entreprises et actionnaires, et voir mécaniquement augmenter les volumes d'opérations qu'il traite.
Outre-Manche, on constate la même inadéquation entre les promesses portées par l'assureur Saga IPO-SAGA.L et la (très) relative modestie de son entrée en bourse. Si sa fourchette de prix était à l'origine de 185 à 245 pence par action, la société spécialisée dans les assurances pour les plus de 50 ans a préféré la baisse de 185 à 205 pence par action, pour une valorisation totale de 2,03 à 2,19 milliards de livres, contre potentiellement plus de 2,5 milliards de livres. Et ce, malgré la demande "exceptionnelle" que suscite cette IPO.

Devant ces introductions en bourse en demi-teinte, certains ont préféré reporter

C'est le cas du groupe de prêt-à-porter britannique Fat Face, mais aussi de la compagnie aérienne hongroise Wizzair. Ces mouvements de recul montrent qu’en cette fin de semestre, les investisseurs sont devenus plus sélectifs et que les entreprises préfèrent attendre pour obtenir un bon niveau de valorisation. Pourtant, ils ne doivent pas faire croire que les opérations mentionnées plus haut sont des échecs. On parle tout de même de transactions colossales, conclues dans les temps. Concernant Euronext, il s'agit de la plus importante IPO jamais réalisée par un opérateur boursier en Europe.
De quoi conserver son optimisme.