Le crowdfunding est-il trop cher ?

Le crowdfunding est devenu une source régulière de financement pour beaucoup d'entreprises ou d'associations en quête de fonds. Mais il a un coût parfois élevé et l’addition peut s’avérer salée.

Le crowdfunding, ou financement participatif, permet à un porteur de projet de se financer auprès des internautes au lieu de le faire auprès d’une banque. Pour y parvenir, il doit généralement s’inscrire et créer une page de collecte sur une plateforme de crowdfunding, c’est-à-dire un site web qui conserve les fonds jusqu’à la fin de l’opération. Recourir à ces plateformes a un coût souvent élevé... mais rarement justifié.

Une commission de 5 à 8 % (quasiment) généralisée

L’écrasante majorité des plateformes de crowdfunding se rémunère en prélevant une commission sur les fonds collectés par les porteurs de projet. Que ce soient les leaders du crowdfunding mondial (Kickstarter, Indiegogo, GoFundMe) ou du crowdfunding français (KissKissBankBank, Ulule), ils appliquent tous le même taux de commissionnement : 5 %.

Et, outre leurs tarifs, ces plateformes ont aussi en commun qu’elles ne recherchent pas (encore) la rentabilité mais juste la croissance. Le taux de commissionnement qu’elles appliquent ne correspond donc pas à ce que vaut réellement le service rendu. Elles se contentent simplement de s’aligner sur la concurrence...

Quant aux plateformes plus modestes, elles ne bénéficient ni de financements externes ni d’économies d’échelle et sont généralement contraintes d’appliquer des commissions plus élevées : parfois jusqu’à 15 % des fonds levés !

Or on sait que le rôle de la plateforme est celui d’un simple tiers de confiance et que le succès d’une campagne de crowdfunding dépend principalement du travail réalisé en amont par le porteur de projet. Ce dernier peut légitimement se demander si le coût est à la hauteur du service rendu et s’il n’est pas simplement en train de se faire déplumer...

Alors combien vaut réellement la prestation apportée par les plateformes de crowdfunding ?

Le modèle du pourboire riche en enseignements...

Lancée en 2013, le site HelloAsso a créé une véritable révolution dans le paysage du crowdfunding français. Et pour cause : la plateforme, spécialisée dans le don aux associations, ne prélève absolument aucune commission sur les fonds récoltés. Alors comment la plateforme arrive-t-elle à se rémunérer ?

Grâce à un système de pourboire : les internautes-financeurs peuvent laisser une petite somme à la plateforme afin de la remercier pour le service. Sans que ce soit pour autant obligatoire.

Ce système basé sur la bonne volonté fonctionne plutôt bien et 2/3 des utilisateurs laissent un pourboire équivalent à 4% de la transaction en moyenne.

Le modèle du pourboire pose une réelle question : si les internautes considèrent que le service rendu par une plateforme de crowdfunding mérite une rémunération de l’ordre de 4 %, alors est-ce que celles qui pratique un tarif plus élevé ne demandent tout simplement pas trop ? On peut donc penser que, pour les internautes, la réponse est oui.

Vers une gratuité généralisée

Et quid des projets marchands ? Le crowdfunding va-t-il devenir gratuit pour eux aussi ? En fait, et dans l’absolu, il l’est déjà : c’est très simple de mettre en place une solution de collecte sur son propre site web. On ne compte plus les campagnes réussies au travers d’un simple site réalisé sous Wordpress avec un plugin gratuit d'e-commerce (type WooCommerce).

Et il existe également de nombreuses solutions de plateformes de crowdfunding open-source : Selfstarter, GratiPay ou encore Catarse pour ne citer que les plus connues. Même le géant américain Kickstarter a récemment annoncé qu’il développait une solution de crowdfunding open-source destinée aux mobiles.

En réalité la gratuité est en train de s’imposer pour tous dans le monde du crowdfunding. Et les acteurs actuels comprennent doucement qu’ils vont être obligés de s’adapter... ou de disparaître !

La problématique du paiement en ligne

Reste une question épineuse : les frais de transactions... Prenons l’exemple de KissKissBankBank : comme mentionné plus haut, la plateforme vous facturera 5 % de commission sur les fonds levés en cas de réussite. Mais, pour vous verser de l’argent, vos futurs contributeurs auront utilisés des moyens de paiement divers : carte de crédit, virement, PayPal...

L’utilisation de ces moyens de paiement fait appel à des sociétés tierces qui facturent des frais supplémentaires : 3 % pour une carte de crédit ou encore 3,4% + 0,25 euro par transactions pour PayPal !

Or ces coûts échappent totalement à la bonne volonté des plateformes et restent dûs, même dans les solutions de crowdfunding dites gratuites.

C’est même un énorme problème pour les plus petites plateformes car, lorsqu’une collecte n’atteint pas ses objectifs et que les internautes sont remboursés, le site doit prendre en charge ces fameux coûts de transactions deux fois : sur les fonds versés et sur les fonds remboursés...

La multiplication de ces transactions "inutiles" contrarie les prestataires de paiements eux-mêmes, à tel point que le géant américain PayPal impose de nombreuses conditions aux porteurs de projets s’ils souhaitent proposer ce service à leurs futurs contributeurs.

Le crowdfunding est pourtant généralement très profitable pour les sociétés de paiement en ligne. LemonWay, start-up française spécialisées dans les solutions de paiement mobile et pour le crowdfunding, a par exemple annoncé viser une valorisation dépassant le milliard d’euros pour l’année prochaine.

Le crowdfunding gratuit deviendra une réalité lorsque des solutions de paiement elles-mêmes gratuites auront émergé.