Les très discrètes ambitions d'Amazon dans l'assurance

Les très discrètes ambitions d'Amazon dans l'assurance L'e-commerçant américain recrute des talents au Royaume-Uni pour se lancer dans le secteur. Il compte s'attaquer à plusieurs pays européens dont la France.

Elles auraient presque pu passer inaperçues. Plusieurs annonces de recrutement atypiques d'Amazon UK ont été publiées sur LinkedIn et le site spécialisé Where Women Work en septembre 2017. Atypiques car elles ne concernaient pas sa branche retail ou encore son activité dans le cloud, mais sa future branche assurance. C'est le cabinet d'études britannique GlobalData qui a fait cette découverte en novembre dernier. Le géant américain indiquait chercher des professionnels de l'assurance, qui seraient basés à Londres, pour attaquer ce nouveau secteur… en Europe. Du moins en Allemagne, en Espagne, en Italie, en France et au Royaume-Uni. Amazon n'a pour l'heure pas commenté cette information.

Cette annonce n'étonne pas les assurtech françaises. "On en entendait parler du côté des Etats-Unis depuis un petit moment. Amazon est une des plus grosses entreprises du monde, c'est donc normal qu'elle ait plein de projets", rappelle Jean-Charles Samuelian, CEO de l'assurance santé en ligne alan. "Les GAFA et l'assurance, c'est un peu notre serpent de mer. Google a échoué avec son comparateur d'assurances, maintenant c'est au tour d'Amazon d'essayer", renchérit Eric Mignot, CEO du courtier en ligne dédié aux professionnels +Simple. Même son de cloche du côté des acteurs traditionnels. Lors de son intervention au Web Summit 2017, l' ex-chief marketing et digital officier d'AXA Group, Amélie Oudéa-Castera, déclarait que "dans un an, Amazon sera devenu un acteur significatif dans l'industrie."

Le potentiel de l'assurance habitation

Les intentions du géant américain ne sont cependant pas encore connues. Dans ses offres d'emploi, il indique seulement vouloir "disrupter le secteur" et "créer une nouvelle palette de services". Impossible de savoir si l'e-commerçant s'attaquera à un type d'assurance en particulier. Dans son enquête annuelle sur l'assurance dommages pour 2017, GlobalData montre que 18% des clients interrogés seraient prêts à acheter leur assurance automobile ou habitation chez Amazon. La responsable assurance de GlobalData parierait quant à elle sur l'assurance habitation : "Au Royaume-Uni, Amazon propose beaucoup de services liés à la maison comme Amazon Prime, Amazon Fresh (le service de livraison de courses alimentaires, ndlr)…ainsi que des produits technologiques qui facilitent la vie à la maison comme Echo et Dot (les enceintes intelligentes d'Amazon, ndlr)", souligne Patricia Davies au JDN. "Le foyer semble donc être l'endroit logique par lequel commencer." Amazon Echo est également disponible en Allemagne mais pas encore en Espagne, ni en Italie, ni en France.

"Dans un an, Amazon sera devenu un acteur significatif dans l'industrie"

Les acteurs du secteur s'accordent à dire qu'Amazon proposera une expérience client différente de celle proposée par les institutions traditionnelles. "Avec son ADN d'e-commerçant, Amazon a les codes pour arriver à modifier l'expérience client et à rendre la souscription d'assurance plus simple et plus ergonomique que ce qui existe aujourd'hui", avance Eric Mignot. "Historiquement, Amazon est customer centric, il a un niveau de confiance très élevé de la part de ses clients. Il vous rembourse tout de suite si vous avez un problème avec vos articles. C'est une culture de la relation client assez exceptionnelle. De l'autre côté, le client est plutôt perçu comme un payeur chez l'assureur. On le voit une fois par an pour payer sa prime", note Salim Echoukry, président du cabinet spécialisé dans l'innovation Klein Blue Partners.

Un service existant d'Amazon peut donner un indice sur l'expérience client qu'il pourrait fournir dans l'assurance : Amazon Protect. Lancée en 2016 en Europe, ce service n'est autre qu'une assurance complémentaire contre les dommages accidentels, pannes et vols de certains produits électroniques achetés sur sa plateforme. Concrètement, elle s'ajoute à la garantie du fabricant qui se termine généralement au bout de deux ans après l'achat. "Si vous achetez un bien de consommation sur Amazon, en deux clics vous l'assurez", résume Eric Mignot. Une fois la commande validée, le client reçoit un e-mail automatique indiquant les détails de l'assurance et vous confirmant votre achat.

Avec ou sans partenaire

Une autre question se pose. Amazon va-t-il se de se lancer seul dans ce business comme il l'a fait avec son offre de crédit aux PME Amazon Lending ? Ou va-t-il s'associer à un acteur du secteur comme pour son offre Amazon Protect (il est partenaire du groupe d'assurance américain The Warranty Group) ? Encore une fois, difficile de répondre. "Comme Amazon veut souvent avoir beaucoup de contrôle, un partenariat paraît difficile à envisager", considère Jean-Charles Samuelian. "Il est peu probable qu'Amazon porte le risque mais il peut être un canal d'affinité clé", pense de son côté Patricia Davies.

Cette question stratégique est également liée au statut pour lequel optera Amazon : un agrément d'assureur ou un statut de courtier. S'il choisit un statut de courtier, il devra alors travailler main dans la main avec les gros acteurs. "Le plus long pour un nouveau entrant n'est pas d'obtenir le statut de courtier, qui est d'environ trois mois, mais de convaincre les assureurs de distribuer leurs offres", explique Eric Mignot. En France, alan est la seule assurtech à avoir obtenu un agrément, les autres sont des courtiers. "Amazon pourrait être un courtier car cela se rapproche de son ADN de distributeur. En plus, il est plus simple d'obtenir un agrément de courtier qu'un agrément type ACPR. Cela signifie qu'on peut arriver sur le marché plus rapidement", plussoie Salim Echouckry. "Le statut de courtier peut aussi être une première étape pour Amazon. Si son business marche, alors il pourra demander un agrément", conclut-il.