L’open banking, bien plus que la directive DSP2

La nouvelle directive européenne DSP2 pousse les banque vers un nouveau mode : l'open banking. Certains acteurs voient dans cette évolution un coût ou une menace et d'autres une réelle opportunité.

Le 13 janvier est entrée en vigueur une nouvelle mesure législative européenne : la directive sur lesservices de paiement (DSP2). Elle oblige les banques à autoriser une société tierce à mettre au point des logiciels permettant à leurs clients d’accéder à leurs comptes et d’effectuer des paiements. En d’autres termes, les banques sont à présent tenues d’ouvrir leurs données à des tiers. 

La mise en œuvre de DSP2 a donné lieu à de nombreuses discussions autour de l’open banking, mais un véritable modèle d’open bank demande bien plus qu’une simple conformité avec cette directive.

 

Depuis la naissance du premier projet de DSP2 en 2015, l’opinion du secteur est partagée sur l’initiative.

 

Certaines banques considèrent l’open banking au mieux comme un coût et, au pire, comme une menace. Elles craignent d’abord de devoir développer la lourde infrastructure informatique supplémentaire requise pour supporter des applications tierces. Elles craignent ensuite de perdre le contrôle d’une grande partie de l’interface utilisateur. Dans le monde numérique actuel, la relation avec l’utilisateur final est essentielle pour les banques. Il est donc possible que les acteurs du secteur soient réticents à transmettre les interfaces exigées par DSP2, et qu’ils tentent dans le même temps d’investir davantage dans leurs propres portails bancaires.

 

D’autres banques adoptent une attitude différente en imaginant les opportunités de développement dans l’open banking. Elles sont persuadées que cette ouverture augmentera la concurrence et stimulera l’innovation pour finir par améliorer l’expérience utilisateur. En ouvrant et en recherchant des perspectives de collaboration, elles peuvent apporter cette valeur ajoutée sans générer de dépenses informatiques supplémentaires significatives et améliorer ainsi l’accompagnement de différents segments de clientèle.

 

Il est après tout très rare, dans n’importe quel secteur, que le fabricant d’un produit exerce un contrôle exclusif sur sa distribution au détail. En se développant sur certains secteurs géographiques et certains segments de clientèle, on réalise rapidement le besoin d’établir des partenariats locaux. Les commerces de détail en sont un bon exemple. Une chemise Hugo Boss peut être achetée dans une boutique Hugo Boss mais également aux Galeries Lafayette à Paris, à Saks sur la Cinquième avenue à New York ou sur Amazon. Alors pourquoi faire exception avec le secteur bancaire ?

 

Il est facile de comprendre le scepticisme de certaines banques face à l’open banking. La plupart des solutions d’open banking inspirées de la directive DSP2 ont une fonctionnalité très limitée.

 

Actuellement, la seule chose que fait une application tierce DSP2 est :

-       d’obtenir une liste de comptes, notamment des transactions et soldes

-       d’émettre un paiement

 

Les banques les plus innovantes auront déjà choisi une stratégie proposant des fonctionnalités bien plus larges, sans attendre DSP2

 

Même si un client particulier peut apprécier de bénéficier d’un meilleur aperçu des transactions et de paiements facilités, ce facteur ne suffit pas nécessairement pour décider d’évoluer vers un modèle de revenus qui bénéficiera à la fois au développeur d’application et à la banque.

 

Dans ce sens, DSP2 est une étape importante vers le "véritable" open banking même si elle n’est pas la seule solution possible. Ceux qui ont travaillé avec la communauté start-up/fintech connaissent déjà le concept de Produit Minimum Viable (PMV) - le produit le plus petit que vous pouvez mettre sur le marché dans le but d’apprendre. Au lieu de travailler pendant des années sur son modèle économique, il suffit de concevoir le PMV que l’on souhaite placer sur le marché pour obtenir un retour rapide. Á cet égard, DSP2 ressemble probablement plus à un PMV qu’à un produit à part entière.

 

DSP2 est souvent considérée comme synonyme d’open banking, alors que l’open banking offre beaucoup plus de possibilités. Les véritables opportunités de l’open banking et les gains réels sur le résultat ne se matérialiseront très probablement que si les promoteurs actuels de l’open banking commencent à penser au-delà de DSP2. Oui, les clients doivent effectuer des paiements et une application plus performante leur permettra sûrement de le faire de manière plus rapide et plus économique. Mais les clients ont également besoin d’avoir accès à des solutions complètes, intuitives, économiques et transparentes afin d’investir, négocier et gérer leur patrimoine. Une véritable initiative en open banking doit répondre à ces besoins.


Fabien Keryel - Directeur Général de Saxo Banque, filiale française de Saxo Bank