Festivals : une partition compliquée pour les pros du cashless

Festivals : une partition compliquée pour les pros du cashless Seulement trois acteurs se partagent le marché français. Mais entre guerre des prix et coûts élevés, difficile de tenir le rythme.

Ils y sont tous passés. Tout à tour, les grands festivals de musique français ont finalement opté pour des systèmes de paiement cashless (bracelets et cartes NFC, smartphone…). Dernier de la liste : les Eurockéennes de Belfort qui se lancent cette année. Pour les festivaliers, le paiement dématérialisé permet notamment de réduire les queues aux caisses des différents stands (restauration, merchandising…) ou encore de pouvoir recharger du crédit directement depuis son smartphone. Pour les organisateurs, cela signifie moins de cash à gérer, moins de vols et de pertes de caisse et des déclarations comptables plus rapides. 

Derrière ces systèmes cashless se trouvent trois acteurs qui se disputent le marché français : Weezevent (dont Veepee est actionnaire), la start-up française PayinTech et le belge PlayPass. Le leader du secteur est sans conteste Weezevent, qui revendique une part de marché avoisinant les 90-95% puisqu'il travaille pour presque tous les gros festivals (exceptés Garorock et Electrobeach, seuls clients français du canadien Intellitix).

"Weezevent a massacré les prix. Ce n'est même pas rentable pour certains nouveaux entrants"

Une position dominante somme toute logique : avant de se lancer dans le paiement cashless en 2015, Weezevent gérait une billetterie en ligne depuis 7 ans. De quoi se constituer une importante base de clients parmi les festivals. L'acteur français s'est aussi imposé grâce à une politique tarifaire agressive selon son concurrent. "Weezevent a massacré les prix. Ce n'est même pas rentable pour certains nouveaux entrants", lance Bertrand Sylvestre-Boncheval, président de PayinTech. Le britannique Glownet n'a toujours pas réussi à mettre un pied dans l'Hexagone par exemple. "On est présent dans presque tous les pays européens sauf la France. C'est pourtant un super marché mais la concurrence est rude", confirme Scott Witters, CEO de Glownet.

Le géant français du cashless facture la transaction entre 1 et 2 euros HT ainsi que des frais d'activation du moyen de paiement. Les deux autres acteurs ont opté pour des forfaits ou licences d'utilisation au nombre de points de vente, en plus des frais d'activation. Difficile donc de savoir qui est le moins cher... D'un autre côté, Weezevent assure être rentable depuis trois ans.

Des coûts de mise en place élevés

Être opérateur cashless coûte cher. Entre autres dépenses : envoyer les bracelets ou cartes NFC sur le lieu de l'événement, équiper les points de vente de terminaux spécifiques ou smartphones professionnels car aucun festival n'en possède, intégrer les applications aux logiciels de caisse... Il faut aussi dépêcher des collaborateurs pour former les vendeurs aux outils et en laisser quelques-uns sur place le jour J en cas de problème technique. "Pour un gros festival, nous avons besoin d'environ 15 personnes : une ou deux personnes de chez nous et des intérimaires", illustre le patron de PayinTech. "Sur des gros déploiements, nous mettons 300 à 400 terminaux à disposition et formons environ 1 200 barmans qui se relaient toutes les 3 heures", ajoute de son côté, Pierre-Henri Deballon, directeur de Weezevent, qui stocke en permanence entre 4 000 et 5 000 smartphones dans ses locaux. Pour un petit acteur, stocker autant de matériel peut vite devenir encombrant… "A partir de mai, il y a des cartons partout dans le bureau, ce n'est pas agréable", atteste Bertrand Sylvestre-Boncheval.     

Les petits opérateurs sont également dans un rapport de force déséquilibré avec les organisateurs de festival. "Ils vous disent que travailler avec eux est une belle référence pour vous donc que vous devez rogner vos marges. Ou qu'ils ont de moins en moins de subventions publiques donc que vous devez leur faire un geste commercial", raconte le dirigeant de PayinTech. Lyf Pay, application de paiement mobile, doit aussi mettre la main au porte-monnaie. "Nous faisons de la politique acquisition du type une bière achetée = une bière offerte", illustre Frédéric Leclef, COO de Lyf Pay, dont les actionnaires sont notamment BNP Paribas et Crédit Mutuel-CIC.

Petits et moyens festivals

Pour grignoter des parts de marché, le belge PlayPass a racheté fin 2018 un petit acteur français, Yuflow. "On avait besoin d'un acteur fort pour concurrencer Weezevent", justifie Martin Rigot-Muller, ancien CEO de Yuflow devenu DG France de PlayPass.

De son côté, PayinTech, pourtant un des premiers arrivés sur le secteur en 2012 et qui avait signé avec le Hellfest (un des plus gros festivals du monde en termes de volume de consommation avec 300 à 400 000 hectolitres de bières), a délaissé en 2015 les gros festivals pour se pencher sur des petits et moyens événements (musicaux, sportifs, culturels...). "A partir du 50ème festival en termes de taille", précise le CEO de la jeune pousse qui indique qu'il existe plus de 1 800 festivals en France. La start-up a créé MyBeeBox, une solution de paiement cashless standardisée. Concrètement, un organisateur reçoit une boîte contenant des terminaux, des cartes, des bracelets et configure lui-même son back office. Une équipe de PayinTech peut être dépêchée sur place mais c'est en option.

"Weezevent regarde les petits acteurs étrangers qui ont des contrats dans les pays où il a des bureaux"

 

La fintech a aussi développé une stratégie de vente indirecte à l'international. Aujourd'hui, onze distributeurs ont recours à la technologie de Payintech dans leurs événements. Par exemple, une billetterie en ligne brésilienne l'utilise pour ses festivals. "On fait chaque mois 3 ou 4 gros festivals au Brésil", précise Bertrand Sylvestre-Boncheval, qui facture une commission en nombre de transactions ou en pourcentage de flux. La société a aussi opté pour une diversification dans le tourisme et équipe désormais des campings, stades, stations de ski ou encore parcs d'attraction en France et en dehors. Elle a ouvert début 2019 un bureau en Espagne.

PlayPass s'est aussi étendu en Europe et compte aujourd'hui 500 événements dans une 20 pays. Weezevent, qui a des bureaux à Lausanne, Montréal, Londres et Madrid, réalise 20% de son chiffre d'affaires à l'étranger. Mais compte bien augmenter cette part. "On regarde les petits acteurs étrangers qui ont des contrats dans les pays où on possède des bureaux", confie le CEO de Weezevent. "Je pense qu'on se dirige vers une consolidation du secteur en Europe", conclue-t-il.  

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