Rebecca Loevenguth (Western Union) "Nous n'avons vu aucune efficacité notable du Ripple comparé à nos processus"

La vice-présidente transformation du géant du transfert d'argent à l'international dévoile sa stratégie de BtoBtoC et sa vision de la blockchain.

JDN. Il y a un an, vous avez signé un partenariat avec Amazon pour permettre à ses clients de payer leurs achats en espèces dans vos agences. Quel bilan tirez-vous ?

Rebecca Loevenguth, vice présidente en charge de la transformation chez Western Union. © Western Union

Rebecca Loevenguth. Ce service est maintenant disponible dans 20 pays comme la Thaïlande, les Philippines, l'Indonésie ou encore le Kenya. Et nous avons lancé les Etats-Unis mi-septembre. Nous ne communiquons pas de chiffres sur l'utilisation du service. En revanche, je peux vous dire que beaucoup de clients qui l'utilisent ont des cartes de crédit mais ne sont pas à l'aise avec le paiement en ligne. Surtout quand il s'agit de faire une transaction sur un site étranger. Ce n'est donc pas seulement un service pour ceux qui n'ont pas de compte bancaire ou de carte de crédit. Maintenant, nous espérons faire profiter de ce type de service à d'autres partenaires pour qu'ils fassent croître eux aussi leurs business à l'international.

Avec quel type d'entreprises pensez-vous ?

A toute entreprise qui souhaite collecter et transférer de l'argent à travers le monde. C'est très compliqué de faire du commerce transfrontalier, entre la gestion des taux de change, les réglementations locales et les risques liés aux besoins de trésorerie. Nous pensons que le cash dans l'e-commerce a un gros potentiel mais on voit aussi du potentiel dans le voyage, peut-être aussi dans l'assurance pour collecter les primes. Et bien sûr la banque. Les possibilités sont infinies.

Pourquoi les banques s'allieraient-elles avec vous alors qu'elles permettent déjà de réaliser des transactions à  l'international ?

Beaucoup de clients de banques recourent au service d'un acteur du transfert d'argent à l'international. C'est compréhensible car la majorité des banques proposent seulement des virements bancaires internationaux qui sont chers, lents et pas transparents. Ces virements sont complexes pour les banques car elles doivent passer par un réseau de banques correspondantes (une banque doit avoir un compte dans une banque étrangère pour réaliser des opérations dans une devise locale, ndlr). Western Union a déjà plusieurs partenaires bancaires qui offrent des services de transfert d'argent via notre plateforme. Soit c'est un service brandé soit notre nom n'apparaît pas.

Ce service en BtoBtoC a-t-il vocation à générer autant de business que votre activité historique ?

Nous n'avons pas fait de prévisions spécifiques en termes de revenus. L'activité CtoC restera toujours très importante. Nous continuons à améliorer notre plateforme, notre technologie, notre moteur de règles de conformité, nos coûts d'opérations…

Même si vous investissez dans votre technologie, n'avez-vous pas peur de vous faire dépasser  par la blockchain ?

"On ne voit pas de disruption significative dans notre secteur avec la blockchain"

Il y a dix ans, il y avait deux grandes prévisions : que les services mobiles de transfert d'argent (comme Transferwise, ndlr) et la blockchain allaient mettre les acteurs du transfert d'argent à l'international en faillite. Elles ne sont jamais devenues réalité. Chez Western Union, le transfert d'argent via le mobile est désormais possible dans 70 pays et croît de 20% par an en termes de revenus. Et la technologie blockchain n'a pas désintermédié notre business. Western Union, comme beaucoup d'entreprises, est très intéressé par ce type de technologie. Nous avons d'ailleurs plusieurs proofs of concept actifs liés à la blockchain. Mais on ne voit pas de disruption significative dans notre secteur avec la blockchain.

Pourquoi ?

N'importe quelle implémentation de la blockchain dans le secteur du transfert d'argent à l'international demanderait beaucoup de changements. Nous évoluons dans un écosystème qui comprend 500 000 agences, des centaines de banques, des douzaines de plateformes technologiques et nous faisons transiter des millions et millions de transactions chaque année. Les questions qu'on doit se poser sont : quel problème résout-on avec la technologie blockchain ? Comment pourrait-elle nous apporter plus d'efficacité ? Comment apporterait-elle plus de valeur au client ? On ne le sait pas encore.

La blockchain n'améliore donc pas la rapidité de vos transactions...

Du moins, pas encore. Nous avons fait un pilote sur Ripple l'année dernière et nous avons appris beaucoup de choses intéressantes. Nous avons beaucoup de respect pour leur travail mais Western Union n'a vu aucune efficacité notable comparé à nos processus actuels. Mais leur technologie évolue sans cesse, comme dans toute l'industrie. 

Allez-vous accepter les crypto-monnaies ?

Nous faisons ce que le client veut et force est de constater que nos clients ne réclament pas une option pour payer ou envoyer de l'argent en crypto-monnaies. Cela ne veut pas dire qu'ils ne le demanderont pas dans le futur. Il y a un gros challenge sur les crypto-monnaies et qui ne va pas vous surprendre : le manque de réglementation unifiée dans le monde, l'absence de réglementation dans certains pays voire l'interdiction des crypto-monnaies. Western Union, s'assure toujours d'être conforme aux réglementations de toutes les juridictions dans lequel il opère. 

Dans son whitepaper, libra vise clairement les populations qui n'ont pas accès aux services financiers, autrement dit votre cible. Êtes-vous inquiet ?

Je pense qu'on peut davantage parler de synergies avec libra que de concurrence. Ceux qui n'ont pas accès aux services financiers n'ont pas forcément confiance dans des offres digitales. Comme je vous le disais, nos clients dans les pays émergents qui ont des cartes de crédit ne veulent même pas les utiliser en ligne. Et même si une monnaie digitale devient populaire, vous aurez toujours besoin de faire rentrer ou sortir du cash pour l'utiliser. 

Rebecca Loevenguth est vice-présidente en charge de la transformation chez Western Union. depuis juillet 2016. Pendant 14 ans, elle a occupé plusieurs postes au sein du géant du transfert d'argent à l'international, de la relation client à l'offre mobile en passant par les partenariats.