L'assurance smartphone se modernise mais ne casse pas son modèle

L'assurance smartphone se modernise mais ne casse pas son modèle Plusieurs assurtech sont récemment arrivées sur le marché du mobile avec des prix cassés par rapport aux acteurs historiques. Mais leur modèle en BtoC les empêche de croître vite.

Pas de chance. Vous avez acheté votre nouveau smartphone le mois dernier et l'écran est déjà cassé. Si vous avez souscrit à une assurance, vous pouvez demander une indemnisation qui vous permettra de réparer ou remplacer votre téléphone... Ou pas. "Quand vous avez un sinistre, un assureur classique vous demande un tas de justificatifs et refuse en grande majorité de vous indemniser à cause des petites lignes écrites sur votre contrat", pointe Hugo Saias, fondateur de Coverd, start-up spécialisée dans l'assurance mobile. Créée en avril 2019, cette assurtech, qui a banni les petites lignes, propose un abonnement mensuel compris entre 4,90 euros et 9,90 euros. Avec une mise à jour du prix une fois par an à la baisse "puisque le téléphone perd de sa valeur au fil du temps", précise le dirigeant. L'abonnement de Coverd comprend aussi un volet protection. "Tous les trimestres nous envoyons à nos clients des accessoires, des coques, des écrans de protection, pour ne pas qu'ils cassent leur smartphone et qu'ils ne se désengagent pas", explique le patron de Coverd, dont l'offre est sans durée d'engagement. La start-up, agréée par Apple, Huawei et Samsung, propose aussi un service de réparation. 

Coverd n'est pas la seule à s'être récemment lancée sur cette niche. D'autres assurtech françaises comme Leocare et Lovys ont développé des produits similaires. La première, 100% mobile et spécialisée sur l'auto et l'habitation, permet à ses clients d'assurer leur téléphone pour quelques euros de plus par mois. Le prix dépend du nombre de contrats actifs chez Leocare, de la prime et du modèle du téléphone. "50% des personnes qui voient l'offre sur notre application testent leur éligibilité et 13% vont jusqu'au bout et signent", indique Christophe Dandois, CEO de Leocare, qui prévoit de lancer une offre smartphone à part entière d'ici fin 2019. Lovys a, elle, commencé par une assurance smartphone début 2019 avant de rajouter une offre habitation. 

Comparatif des tarifs d'assurance smartphone pour un iPhone 7
Assurance Prix mensuel Franchise Coût sur deux ans (durée moyenne de possession d'un smartphone) Spécificité
Coverd 5,90 euros (7,90 euros avec l'option vol) 30 euros  141,60 euros (189,60 euros avec l'option vol) Envoi trimestriel d'accessoires de protection (compris dans l'abonnement)
Leocare 3,09 euros  0 euro 74,16 euros Il faut déjà être client Leocare (habitation ou auto) pour souscrire à l'assurance smartphone
Lovys 6,49 euros  50 euros 155,76 euros Une réparation en moins d'une heure
Sfam* De 8,90 à 22,98 euros (1 mois offert) Franchise variable 204,70 euros à 528,54 euros  Assurance contre la perte incluse 
SPB** De 6,,99 à 14,99 euros 0 euro 167,76 à 359,76 euros Une réparation en moins d'une heure

*Le prix varie en fonction des options choisies **SPB ne précise pas le prix en fonction du modèle    

Ces trois jeunes poussent ont en commun des parcours entièrement en ligne, dans un monde où le papier et le téléphone règnent encore en maîtres. Elles ont aussi toutes choisi un modèle BtoC dans une industrie historiquement en BtoBtoC. Les deux grands acteurs français du secteur, SFAM et SPB, fournissent des solutions d'assurance à des grands distributeurs (opérateurs télécoms, hypermarchés…). Chacun a ses flagships : SFAM avec les Darty franchisés et Géant Casino et SPB avec Orange et Cdiscount. Un modèle qui assure des volumes importants. "Un des facteurs clé de ce business est de trouver des partenaires qui ont des larges bases de clientèle sinon le coût d'acquisition est élevé", estime Salim Echoukry, fondateur du cabinet de conseil en innovation dans la banque et l'assurance. 

SPB enregistre la moitié de son chiffre d'affaires, soit 150 millions d'euros en 2018, sur l'assurance mobile. SFAM de son côté revendique 470 millions de revenus en 2018 (assurance mobile, multimédia et objets connectés). Face à l'arrivée de nouveaux entrants et les nombreuses déceptions de consommateurs (la SFAM a par ailleurs été condamnée en juin dernier à une lourde amende pour "pratiques commerciales trompeuses"), les deux entreprises digitalisent leurs parcours (déclaration de sinistre, réclamation…), investissent dans des réseaux de réparation et élargissent leurs cibles de clientèle. SPB a par exemple lancé à la rentrée 2019 une plateforme de distribution d'assurance pour les PME. "Il y a encore quelques années, le marché de la vente de téléphone était très concentré par les opérateurs télécoms. Aujourd'hui, avec la vente sur Internet, il s'ouvre à de plus petits acteurs comme des sites de vente de produits d'occasion", souligne Jean-Marie Guian, président du directoire du groupe SPB. Le courtier est actuellement en train de plugger une vingtaine de distributeurs.  

Mais les start-up envisagent tout de même de développer une activité BtoBtoC, à l'exception de Lovys. "Les consommateurs ont conscience que les grands acteurs pratiquent des tarifs élevés. Nous sommes confiants et pensons qu'ils se tourneront vers nous pour cette raison", assène Joao Cardoso, son fondateur. "Transferwise a bien réussi en proposant un produit moins cher et meilleur que les banques", ajoute-t-il. Coverd a de son côté noué quelques partenariats en juillet dernier. Elle a notamment installé une borne tactile dans un magasin parisien de high tech. "C'est difficile de gérer un gros volume de clients. C'est pourquoi on vérifie pour l'instant que tout soit fonctionnel avec quelques partenaires. Après le BtoC sera une vitrine", confie Hugo Saias, qui assure qu'il a déjà des demandes de distributeurs. 

Le défi de la fraude 

Les acteurs historiques et les nouveaux entrants doivent tous moderniser un autre aspect de leur métier : la lutte contre la fraude. Fausse déclaration de vol, souscription alors que le téléphone est déjà cassé… il y en a pour tous les goûts. L'assurtech Luko ne souhaite d'ailleurs pas aller sur ce segment de l'assurance pour cette raison. "Il y a beaucoup trop de fraudes sur le smartphone. Ce n'est pas un marché de confiance", indique Léa Joussaume, responsable de la marque. En la matière, le modèle en direct a montré ses limites. Valoo, qui proposait une assurance à la demande de toutes sortes d'objets dont les smartphones, a été placé en liquidation judiciaire en juin dernier. "La technologie derrière était bonne mais beaucoup de personnes s'abonnaient le lundi et déclaraient un sinistre le mercredi", analyse Salim Echoukry. L'américain Trov, spécialisé sur l'assurance d'objets à la demande, a pivoté vers le BtoB cette année. 

Coverd a  investi dans un outil de lutte anti-fraude à distance. Elle demande notamment au consommateur de prendre des photos du smartphone devant un miroir afin de prouver qu'il détient bien l'appareil. Coverd récolte les métas informations et remonte le numéro IMEI pour voir si le téléphone a déjà été déclaré perdu ou volé. Leocare a également recours à la prise de photo et Lovys pratique de la visio. Cette dernière a racheté courant octobre 2019 Ockert, une start-up qui exécute plus de 50 algorithmes anti-fraude pour la tarification et le traitement des sinistres. "D'ici la fin de l'année, le consommateur passera son doigt sur l'écran du smartphone et si l'écran ne le capte pas à un endroit cela voudra dire qu'il est bien cassé", dévoile Joao Cardoso.  

De leurs côtés, les assureurs traditionnels n'ont pas réalisé de grandes avancées technologiques. SPB mise plutôt sur de la détection de fraude manuelle. "Nous avons mis en place des formations pour nos gestionnaires afin qu'ils détectent des documents frauduleux et des déclarations suspectes. Cela nous permet de remonter les cas douteux. Nous avons également un groupe d'experts en intelligence artificielle qui passe en revue nos bases et permet de détecter les fraudeurs en série", explique Jean-Marie Guian. "Il restera toujours un niveau de fraude résiduel qui passera en dessous des radars", complète-t-il. Chaque année, SPB parvient à déceler entre 1 et 1,5 million de sinistres au titre de la fraude. SFAM est encore moins axé sur la lutte contre la fraude que son grand concurrent. "On se prémunit automatiquement de la fraude avec tout ce qu'on couvre, dont la perte et la négligence. On est dans une relation de confiance avec le client", assure Oliver Cotte, directeur commercial de SFAM. "Nous devons certainement avoir des cas de fraude", nuance-t-il tout de même, sans grande inquiétude.