Francis Barel (PayPal) "PayPal a déployé le QR code en 8 jours au lieu de 8 mois"

Le JDN poursuit ses interviews de dirigeant face au coronavirus. Le patron de PayPal en France exprime son enthousiasme quant à l'avenir du e-commerce.

Francis Barel, directeur général de PayPal France. © PayPal

JDN. Quelles ont été les impacts du confinement sur l'activité de PayPal en France ?

Francis Barel. Nous avons connu une première vague négative. En effet, nous travaillons avec AirFrance, BlaBlaCar, Disney Paris, la Sncf… des entreprises qui ont été extrêmement touchées dès la mi-mars, ce qui a donc eu un gros impact pour nous. Puis, il y a eu une deuxième vague positive. De nombreux marchands ont eu besoin de PayPal pour survivre et d'autres pour absorber leurs pics d'activité. Par exemple, ManoMano, avec qui nous travaillons, a été du jour au lendemain le seul service français disponible dans le bricolage, son activité a explosé. Toutes les enseignes de bricolage présentes en France avaient fermé. Plus globalement, PayPal a enregistré de bons résultats au premier trimestre 2020. En avril, nous avons connu une croissance assez extraordinaire qui s'est traduite par un nombre très élevé de nouveaux clients. Nous avons onboardé plus de 7,4 millions de clients dans le monde seulement  en avril. Un chiffre que nous obtenons plutôt en un trimestre. Aujourd'hui, PayPal a 325 millions de clients dans 202 pays, dont 10 millions en France.

Est-ce que ces bons résultats et cette hausse du nombre de clients ont aussi eu lieu en France ?

Nous ne partageons pas les données pays par pays mais la tendance est aussi forte en France. De nouveaux artisans ont commencé à travailler avec nous dans le cadre de "Sauve ton Commerce" afin de préparer leur réouverture et arriver à payer leurs loyers. Nous avons observé deux nouveaux mouvements. Le premier est la livraison à domicile pour les commerces de bouche qui avaient besoin de survivre. Pour ce faire, ils ont dû mettre en place une boutique en ligne en quelques minutes et se sont tournés vers des plateformes comme Prestashop avec qui nous avons un partenariat.

"De nombreux marchands ont eu besoin de PayPal pour survivre et d'autres pour absorber leurs pics d'activité"

L'autre mouvement concerne la disparition des espèces. De nombreux commerces de bouche et d'acheteurs n'étaient plus à l'aise avec les billets de banque et les pièces de monnaie. Mettre sa carte dans un TPE (terminal de paiement, ndlr) était même anxiogène pour certains.

Quelle réponse avez-vous apporté pour éviter les paiements avec contact en magasin ?

Nous proposons déjà PayPal.Me, un système de paiement qui permet à un commerçant d'envoyer un lien par SMS à son client mais cela ne suffisait pas. Nous avons donc accéléré notre projet de QR code, qui était uniquement en phase pilote aux Etats-Unis, pour le lancer dans 28 pays, dont la France. Nous avons rapetissé la phase de déploiement de 8 mois à 8 jours. Ce système permet à des commerçants de mettre un QR code sur la devanture de leur boutique ou sur une plaque de plexiglas afin que leurs clients le scannent et paient sans aucun contact. Certains commerces se le sont bien appropriés. Des hôtels veulent même mettre le QR code dans leurs chambres pour que leurs clients puissent payer leurs consommations de minibar sans se présenter à l'accueil. Nous avons décidé de rendre ce service de QR code gratuit jusque mi-septembre. Après, le prix sera proche d'une transaction de carte bancaire française (environ moins de 0,015% par transaction, ndlr), moins cher que ce que nous facturons sur Internet.

Le QR code existe depuis longtemps mais n'a jamais pris en France. De plus, le plafond du paiement sans contact a été remonté à 50 euros à la fin du confinement. Pourquoi avoir misé sur ce système de paiement ? 

En France, le QR code s'adressait surtout aux consommateurs asiatiques. Mais dans le monde de l'innovation, il faut parfois prendre en compte le contexte. Et durant le confinement, les commerçants voulaient éliminer les espèces et les chèques, et même le paiement sans contact car il faut rapprocher sa carte bancaire du TPE.

"Nous avons décidé de rendre le service QR Code gratuit jusque mi-septembre"

Même chose pour le paiement par mobile, il faut rapprocher son téléphone du TPE. Certains ne sont plus à l'aise avec ces gestes car il faut nettoyer ses appareils. Le paiement par QR code est une expérience déployable facilement et qui permet de faire du paiement sans contact intégral.

Pensez-vous que la forte progression du e-commerce dû au confinement va se poursuivre ou que les consommateurs retourneront finalement en magasin ?

Je pense que cette situation va se poursuivre. Les espèces se digitalisent, le taux d'équipement mobile, surtout en smartphone, continue d'exploser. Même quand vous prenez un transport, un VTC ou un ticket de métro, il y a une digitalisation des achats. Les commerçants vont devoir de plus en plus proposer à leurs clients des fonctionnalités pratiques comme la livraison en une heure en magasin. S'ils ne le font pas, leur client ira voir ailleurs.  

Où en est l'intégration des terminaux de paiement d'iZettle en France, la fintech que vous avez racheté en 2018 ? A-t-elle été repoussée avec le confinement ?

Les équipes d'iZettle ont bien été intégrées à celle de PayPal. L'audience d'iZettle englobe les tous petits commerçants, des artisans en déplacement comme les plombiers, électriciens… Avec le confinement, leurs magasins étaient fermés et ils ne pouvaient pas recevoir leurs TPE. Pour combler ce problème, iZettle a donc noué un partenariat avec Stuart, qui appartient à La Poste, ce qui a permis à des commerçants de livrer leurs marchandises en sans contact et se faire encaisser via l'application d'iZettle (le client reçoit un SMS avec un lien de paiement, ndlr).  

Francis Barel est directeur de PayPal France depuis décembre 2019.  Il a rejoint le géant du paiement en 2013 en tant que responsable commercial pour le Moyen-Orient et l'Afrique du Nord. Avant cela, il a passé trois ans chez Wight consulting, cabinet de conseil spécialisé sur le web, et quatre ans chez ElectrifAi (ex-Opera Solutions). 

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