PayPal accepte les bitcoins : qu'est-ce que ça change ?

Dès début 2021, les utilisateurs de PayPal pourront utiliser des cryptomonnaies pour réaliser leurs achats en ligne. Quelles sont les conséquences pour le secteur ? La réponse la plus évidente est sans conteste : une ouverture monumentale à un marché considérable.

Dès le début de l’année 2021, les utilisateurs de PayPal pourront utiliser des bitcoins, mais également des bitcoin cash, du litecoin et de l’Ethereum pour réaliser leurs achats en ligne.

Dans la foulée, Bloomberg a annoncé que PayPal était actuellement en discussion pour racheter BitGo, une plateforme de stockage lancée en 2013 et backée par Goldman Sachs.

C’est bien simple, PayPal comptait au deuxième semestre 2020, plus de 346 millions de comptes actifs à travers le monde. Même si les fonctionnalités liées aux cryptomonnaies ne seront, dans un premier temps, accessibles qu’aux résidents américains, le marché qui s’ouvre est de première importance : plus de 43% des utilisateurs de PayPal sont aux États-Unis et 87% des millenials Américains utilisent PayPal pour recevoir et envoyer de l’argent. Au lancement, c’est donc environ 150 millions de personnes qui pourront acheter, vendre et dépenser des cryptomonnaies dans l’environnement familier que constitue leur portefeuille PayPal.

Pour de nombreux observateurs, ce moment historique arrive à point nommé. Les cours des cryptomonnaies après une remontée intéressante avant l’été commençaient à s’enliser à nouveau. Cette hausse est donc la bienvenue.

Jason Deane, analyste chez Quantum Economics a expliqué : "il s’agit d’une initiative extrêmement importante qui va favoriser l’adoption du bitcoin et étendre sa portée à un niveau encore jamais connu. Le développement de nouveaux services va également être accéléré et pourra servir de point de départ au concept de cryptocarte. L’arrivée de PayPal sur ce secteur devrait également pousser les institutions à s’impliquer davantage". Il a ajouté : "c’est un jour crucial dans l’histoire du bitcoin."

PayPal redistribue les cartes dans le secteur des crypto

PayPal vient, par ailleurs concurrencer frontalement un certain nombre d’acteurs qui jusqu’à présent cohabitaient plutôt à l’abri des appétits monopolistiques des Gafa. Ces acteurs historiques ne se sont pas privés de commenter l’événement et sans surprise… ils se sont montrés plus mitigés.

Certains ont souligné les limites des fonctionnalités proposées par PayPal. Danny Scott, fondateur de CoinCorner (plateforme qui elle permet d’acheter des cryptomonnaie) à partager son analyse : "PayPal ne propose ce service — très basique — qu’aux États-Unis. Il s’agit d’un système en vase close, c’est-à-dire que vous ne pourrez pas retirer votre bitcoin, les utiliser ailleurs, ou les envoyer hors de PayPal et de son système". Impossible de stacker ses bitcoins sur un wallet dédié… Dans un premier temps.

Il tempère néanmoins, pour lui, l’annonce reste cependant une excellente nouvelle. Elle montre une avancée positive pour l’industrie, et apporte encore plus de crédibilité à bitcoin et à son avenir. Pour preuve, le prix de bitcoin a déjà dépassé 12 400 dollars pour la première fois depuis juillet 2019. Une hausse qui tombe à pic alors que le cours commençait à peiner aux prises avec la volatilité de Wall Street et la situation sanitaire.

D’après Bloomberg, BitGo ne serait que l’une des cibles de PayPal qui se préparerait à réaliser d’autres acquisitions. En effet, il ne faut sans doute pas s’attendre à ce que PayPal s’en tienne à un soutien désintéressé. L’entreprise arrive avec un esprit de conquête propre à la Silicon Valley.

Ainsi, la résistance s’organise…

D’autres acteurs gardent leur réserve et émettent des réserves plus idéologiques.

SatoshiLabs, le créateur du porte-monnaie électronique Trezor, a ainsi déconseillé le recours à PayPal et à ses services pour l’usage et l’utilisation des bitcoins. "Lorsqu’une entreprise grand public comme PayPal commence à vendre de l’argent, ce n’est probablement pas pour encourager une adoption saine des cryptomonnaies", peut-on lire dans un article de son blog.

Il poursuit : "Si vous ne souhaitez pas utiliser vos bitcoins au quotidien, alors l’unique raison d’en posséder est l’investissement sur le long terme. Une idée dangereuse si vos fonds sont détenus par un tiers sans que vous ne puissiez les récupérer. L’autre raison d’en posséder serait de vouloir spéculer sur les prix, ce qui, une fois encore, ferait prendre des risques à une population qui, pour la grande majorité, ne comprend pas les mécanismes financiers à l’œuvre lorsqu’il est question de cryptomonnaie." Un avis qui se défend et qui trouve d’autres supporters.

Ainsi, si le CEO de la cryptomonnaie Ripple, Brad Garlinghouse, a admis qu’il est "formidable de voir un pionnier du paiement en ligne se pencher sur la question des cryptomonnaies. Il a également noté qu’il était "décevant que certains principes fondamentaux soient ignorés". Selon lui, la prudence de PayPal est à mettre sur le dos de l’incertitude actuelle quand à une éventuelle évolution réglementaire des crypto aux États-Unis ? Pour rappel, les dirigeants de Ripple ont déclaré qu’ils seraient prêts à envisager la délocalisation de leur entreprise si les conditions réglementaires et législatives devenaient défavorables.

10 ans d’observation, de réflexion et de rétropédalage

Comment expliquer que PayPal, première fintech de l’histoire, ait mis tant de temps à investir le champ des cryptomonnaies ? L’histoire débute en 2013, avec l’acquisition de Braintree, une entreprise basée à Chicago. Bill Read, CEO de Braintree avait alors annoncé à TechCrunch "PayPal se prépare à adopter le bitcoin".

Et l’histoire semblait lui donner raison lorsqu’un an plus tard, PayPal annonçait son partenariat avec trois grandes plateformes : BitPay, Coinbase et GoCoin. En 2015, premier pas en arrière, les conditions d’utilisation changent. Le bitcoin devient illégal chez PayPal. Ainsi, les premiers doutes apparaissent ainsi les que les premières scissions au sein du conseil d’administration.

Si les opportunités font rêver les dirigeants de PayPal, la volatilité du cours et l’évolution incertaine de la législation notamment aux États-Unis les effraient. Bizarrement, plus le cours du bitcoin grimpe (notamment en 2018) et plus PayPal recule. Wences Casares, membre du conseil d’administration de PayPal décrit le bitcoin comme un pari. "Il y a 50% de chance pour que ça fonctionne et si ça fonctionne, le bitcoin pourrait prendre beaucoup de valeur."

En octobre 2019, l’intérêt de PayPal pour les crypto est au plus bas. Elle est la première de plusieurs entreprises à se retirer du projet Libra mené par Facebook. Trop d’incertitude et trop d’hostilité de la part des autorités gouvernementales font craindre un échec.

Alors, qu’est-ce qui a convaincu PayPal ces dernières semaines ?

Il se pourrait que ce soit son partenariat avec Paxos en juin 2020. Cette collaboration semble avoir rassuré PayPal et dénouer un certain nombre de problèmes critiques, le plus important étant les risques liés à la volatilité du cours pour les commerçants et les utilisateurs.

Le système mis au point par le duo permet pour atténuer ces problèmes et ces risques. Les paiements seront réglés en utilisant des devises traditionnelles et c’est PayPal gérera le risque de fluctuation des prix. L’affaire est pliée.

D’autres facteurs ont pu influencer la décision du géant des paiements, notamment l’obtention de sa BitLicense. PayPal est la première entreprise à se voir accorder une licence BitLicense conditionnelle, un nouveau type de licence qui se veut une étape sur la voie d’une licence complète. De quoi rassurer durablement le conseil d’administration.