Lydia lève 72 millions d'euros pour devenir une super app financière

Lydia lève 72 millions d'euros pour devenir une super app financière L'application mobile accueille le fonds Accel à son capital. Après s'être focalisée sur le paiement et le crédit, elle compte se lancer dans l'épargne et l'investissement.

Lydia finit l'année comme elle l'a commencée : avec une levée de fonds. Seulement 11 mois après son tour de table de 40 millions d'euros, la fintech française annonce une nouvelle levée de 72 millions. En un an, la start-up a donc amassé 112 millions d'euros, portant à 135 millions le montant total récolté depuis sa création en 2013. 

Ce nouveau financement est marqué par l'arrivée du fonds d'investissement américain Accel, qui a mené ce tour. Le partner qui a investi n'est autre qu'Amit Jhawar, l'ancien patron de Venmo, équivalent de Lydia outre-Atlantique et propriété de PayPal, qui a quitté ses fonctions fin juin 2020 pour rejoindre Accel. "Quand il est devenu partner, il a fait un benchmark du secteur et la première entreprise dans laquelle il a voulu investir c'est Lydia", se félicite Cyril Chiche, cofondateur et CEO de l'application. Certains investisseurs historiques de Lydia ont remis au pot comme Tencent (maison-mère de WeChat Pay), et, selon nos informations, le discret fonds britannique Hedosophia. Xange n'a en revanche pas suivi. "Entre WeChat Pay et Venmo, Lydia a toutes les compétences mondiales sur le sujet autour de sa table", se réjouit Cyril Chiche. 

"Nous avons significativement augmenté la valorisation de l'entreprise"

Ces 72 millions n'étaient pourtant pas à l'agenda de la fintech française, qui avait encore du cash. "C'est de l'opportunisme", lâche Cyril Chiche. "C'est la première fois que nous n'avons pas eu besoin d'aller voir les fonds. Et les conditions économiques étaient bonnes. Nous avons significativement augmenté la valorisation de l'entreprise", ajoute le dirigeant. Selon nos informations, sa valorisation s'élève à 285 millions d'euros. 

L'année 2020 a été en dents de scie pour Lydia. Le mois de janvier a évidemment été marqué par la levée de fonds. Puis le confinement est arrivée mi-mars, mettant un coup d'arrêt à l'activité de la start-up française, puisque ses utilisateurs n'avaient plus besoin de se rembourser. Une fois le déconfinement sonné, les transactions sont reparties en trombe. Et de nouveaux utilisateurs ont rejoint l'application. A ce jour, Lydia revendique 4,3 millions d'utilisateurs contre 3 millions en début d'année. Environ 150 000 personnes s'inscrivent sur l'application par mois. Selon la fintech, le taux de pénétration de Lydia chez les 18-30 ans s'élève à 30%. Rien d'étonnant puisqu'elle a commencé par cibler les étudiants.

Le volume de transactions réalisée sur l'application a doublé sur l'année, pour passer de 1,5 à 3 milliards d'euros. Difficile de comparer ces données avec ses concurrents Paylib et LyfPay, avares en chiffres. De son côté, Pumpkin ne communique pas son volume de transactions mais revendique 1,3 million d'utilisateurs, quelques semaines après s'être transformée en néobanque.

Du crédit, de l'épargne et de l'investissement

Les applications de paiement mobile cherchent de plus en plus à devenir des "super app" financières à l'image des géants chinois WeChat (1,2 milliard d'utilisateurs mensuels) et Alipay (1 milliard), mais aussi Venmo et Square Cash aux Etats-Unis. "Ces superapp sont de nouvelles banques sans être des banques. Elles distribuent des produits bancaires et détiennent la relation client", souligne Cyril Chiche. Depuis sa création, Lydia ajoute régulièrement des fonctionnalités autour du paiement au quotidien (cagnotte, compte commun, partage d'addition…), dont les dernières sont les virements instantanés vers les banques, les alertes sur comptes et un historique agrégé de tous ses comptes (Lydia et comptes bancaires externes). Et elle sortira dans quelques jours les prélèvements.

La fintech française s'est aussi risquée au crédit avec un mini-prêt instantané élaboré avec Floa (ex-Banque Casino) et récemment un crédit conso avec Younited Credit. Depuis 2018, elle enrichit progressivement "Le marché", sorte de marketplaces de services financiers, avec ses propres produits ou ceux de partenaires comme l'assurance habitation de Luko ou la gestion de contrats de Papernest. Des services d'épargne et investissement viendront compléter cette panoplie dans les mois à venir, grâce à des partenariats. La levée de fonds permettra aussi à Lydia d'investir dans le service client. "C'est un point maltraité par les institutions financières. Je pense qu'on peut faire un écart monstrueux sur ce terrain, comme on l'a fait avec le reste", estime Cyril Chiche, qui évoque un mix entre la tech et l'humain.

"C'est un crève-cœur de ne pas nous lancer au Royaume-Uni"

Comme pour toute levée de fonds conséquente, une partie de l'argent servira à l'expansion internationale. Depuis 2017, Lydia teste son modèle dans plusieurs pays européens : l'Espagne, l'Irlande, le Portugal et le Royaume-Uni. C'est au Portugal que l'application a le mieux marché, d'après Cyril Chiche. La fintech a donc créé un Lydia similaire au produit français en faisant quelques adaptations, grâce à une équipe sur place. Le prochain pays sur la liste pour un lancement définitif sera soit la Belgique, soit l'Espagne, soit l'Italie. Le Royaume-Uni a été exclu en raison du Brexit. Lydia aurait besoin d'un agrément spécifique puisque le passeport européen ne s'appliquera plus outre-Manche. "C'était pourtant le deuxième pays qui avait le mieux répondu à la demande, après le Portugal. C'est un crève-cœur de ne pas pouvoir y aller", regrette le CEO.

Avec 72 millions, Lydia a de quoi poursuivre sereinement ses différents chantiers et recruter entre 80 et 100 salariés en 2021 (elle compte 120 salariés aujourd'hui). Mais la start-up ne gagne presque pas d'argent, le transfert d'argent entre amis étant gratuit. Plusieurs sources de revenus existent mais aucune ne se détache vraiment. Le patron de Lydia mise sur ses deux offres payantes (4,90 et 7,90 euros par mois), qui donnent accès à davantage de fonctionnalités, dont un compte courant et une carte bancaire physique, et sur les revenus réalisés via ses partenariats, qui permettent de générer "quelques dizaines de milliers d'euros par mois", confie Cyril Chiche. Une situation comparable à celle d'autres fintech BtoC comme les néobanques N26 et Revolut, qui peinent à monétiser leurs millions d'utilisateurs malgré leurs offres payantes. Les deux banques mobiles viennent d'ailleurs de sortir des formules intermédiaires, respectivement à 4,90 et 2,99 euros par mois.