La blockchain est un nouvel Internet : saisissons cette opportunité !

Après internet, c'est désormais la blockchain qui concentre l'attention, avec son lot de louanges et de réserves. Contrairement aux idées reçues, ses applications dépassent largement les cryptomonnaies.

À la fin des années 1990, l’économiste Paul Krugman affirmait à tort qu’Internet n’aurait pas plus d’impact que le fax, ou que les réseaux sociaux n’auraient aucun succès car "la plupart des gens n’ont rien à se dire"...

Après Internet, c’est désormais la blockchain qui concentre l’attention, avec son lot de louanges et de réserves. Cette technologie annonce pourtant une révolution économique, sociale, politique, aussi puissante qu’Internet. Contrairement aux idées reçues, ses applications dépassent largement les cryptomonnaies. Elle promet de transformer l’échange de flux financiers, d’énergies, de biens, de données... et de participer à la transition d’une économie verticale et rigide vers une économie horizontale et collaborative.

La France et l’Europe doivent s’emparer d’une révolution technologique qui a déjà débuté et qui ne cessera de s’amplifier dans le monde entier. La qualité des ingénieurs francais et européens et l’intérêt marqué des grandes entreprises industrielles pour la blockchain sont autant d’atouts pour faire de la France et de l’Europe la place forte de cette technologie .

Pourquoi la blockchain est la "seconde révolution d’Internet" ?

La capacité d’Internet à transférer de l’information instantanément en a fait un instrument révolutionnaire. Mais pourquoi considérer la blockchain comme aussi révolutionnaire qu’Internet ? Parce qu’elle introduit une notion inédite : la rareté numérique. Sur Internet, un document partagé, ou un e-mail transféré, n’est qu’une copie qui peut être dupliquée à l’infini, alors que la blockchain permet d’effectuer une transaction (monnaies, actions, matières premières...) sans qu’elle soit dupliquée. Cette technologie certifie que A envoie une donnée à B, que B l’a reçu et que A ne l’a plus, et tout cela sans intermédiaire.

La blockchain conserve la rareté numérique d’une donnée, et donc sa valeur, par essence non duplicable. Elle est à la donnée ce qu’internet est à l’information.

Une technologie qui ouvre de vastes champs de possibilités pour la France et l’Europe.

Toutes les industries sont concernées par cet "Internet de la valeur". Il permet de transférer des actifs numériques en pair-à-pair (monnaies, titres, votes, actions, matières premières...), de tracer des données (produits, biens, actifs financiers...) et de gérer automatiquement des contrats de toutes sortes (assurances, paiements programmables...). Ses effets se déploieront à travers les secteurs, du monde de la finance à l’industrie, les énergies renouvelables, et même l’État.

Pour les entreprises, la blockchain modifie en profondeur la façon dont elles échangent, exploitent et partagent leurs données. Pour les usagers, elle offre la maîtrise de leur données et remet en cause le modèle d’un Internet dominé par des géants numériques qui monétisent nos données personnelles et captent une part significative des profits. La blockchain affronte cette logique, redonne à Internet sa philosophie initiale, horizontale et collaborative, où les utilisateurs contrôlent leurs données et les partagent librement.

En France comme en Europe, deux défis persistent : les investissements et la réglementation.

Les récentes initiatives de grandes entreprises comme Thales, LVMH, Renault, Carrefour, la Société Générale... illustrent que la prise de conscience des atouts de la blockchain ne fait que commencer. Un euro numérique pourrait également être lancé par la BCE dans les deux prochaines années, avec un impact potentiellement positif sur l’économie de la zone euro. La blockchain est non seulement un nouvel instrument technologique, mais aussi un outil en faveur de la souveraineté numérique et financière européenne.

Cependant, deux défis persistent qu’il convient d’adresser très rapidement.

Le premier défi est d’ordre financier. La France et l’Europe affichent un retard excessif comparé aux États-Unis. Les fonds de capital-risque blockchain ont 20 fois moins d’actifs en Europe qu’Outre-Atlantique. Il y aurait au moins 2 milliards de dollars d’actifs sous gestion aux États-Unis, et autour de 100 millions de dollars en Europe. Les start-ups blockchain européennes ont du mal à se financer, et même celles qui réussissent reçoivent en moyenne 4 fois moins de capital en Europe qu’aux États-Unis.

Le deuxième défi est d’ordre politique. L’État français doit continuer à appuyer les initiatives qui montrent que cette technologie est un instrument en faveur de notre compétitivité industrielle, de notre attractivité économique et de notre souveraineté numérique et financière. De tels signes inciteront les entrepreneurs à prendre des risques et les investisseurs à porter plus d’attention à un secteur d’avenir.

La France et l’Europe ne peuvent se permettre de passer à côté d’une révolution technologique qui sera le socle de la "data economy". Nos territoires doivent devenir des terreaux fertiles où les futures licornes de la blockchain se développeront sans contraintes. C’est une chance pour adapter notre économie au monde numérique qui s’annonce.

Nous sommes passés à côté de la première révolution d’internet. Rien ne nous prédispose à passer à côté de la seconde.  

Tribune coécrite par Jean-Marc Puel, co-fondateur de LeadBlock Partners et Jean-Michel Mis, député de la Loire-Saint-Etienne et membre du Conseil national du numérique.