PGE, crédit conso... Comment les banques peuvent gérer la future vague d'impayés

PGE, crédit conso... Comment les banques peuvent gérer la future vague d'impayés Pour mettre en place une stratégie de recouvrement efficace, les établissements financiers doivent changer leurs méthodes. L'open banking est l'une des solutions.

L'économie est sous perfusion. Grâce aux différentes aides mises en place par l'Etat, la majorité des particuliers et entreprises tiennent bon pour le moment face à la crise liée au Covid-19. La situation n'est évidemment pas éternelle. Les entreprises devront finalement rembourser leurs PGE et les particuliers être en règle sur leurs échéances de crédits à la consommation. "Sur les PGE, on s'attend à une vague de non-paiement relativement importante à partir de l'été 2021", prévient Fabien Oliveira, chef de produit spécialisé en finance chez Sopra Banking Software. Entre 4 et 7% des prêts garantis par l'Etat (PGE) accordés aux entreprises risquent de ne pas être remboursés, a indiqué de son côté le directeur général de Bpifrance le 20 janvier dernier. Soit entre 5,2 et 9,1 milliards d'euros et donc entre 500 et 900 millions de pertes pour les banques (10% du montant des PGE sont garantis par les banques). Depuis fin 2020, Sopra Banking Software, qui fournit des outils technologiques aux banques, a commencé à leur parler de l'après, à savoir comment recouvrir leurs créances.  

Les établissements bancaires se retrouvent face à des dossiers très variés, qu'elles ne maîtrisent pas forcément. "Comme ce ne sont pas leurs clients habituels, elles ne savent pas toujours comment les noter. Mêmes pour leurs clients habituels, ce qui sert à faire la notation risque d'être désuet", explique Fabien Oliveira. "Le score des sociétés est à 90% basé sur les données financières. Est-ce que les comptes de résultat de 2020 ont du sens dans la situation actuelle ?", s'interroge-t-il. Les banques devront donc se renouveler dans la manière de gérer le risque et améliorer leurs systèmes de notation. "Il va falloir définir préalablement une stratégie en fonction du type d'acteurs. En fait, il faut faire du clustering avec des groupes d'acteurs qui se ressemblent", estime Fabien Oliveira.

"Il va falloir passer d'un modèle d'analyse de risque à partir de données historiques à des données nouvelles, voire à du prédictif"

Le clustering, sous domaine du machine learning, sépare les données en groupes homogènes ayant des caractéristiques communes. Pour maximiser les résultats, il est conseillé d'exploiter les bonnes données. "Il va falloir passer d'un modèle d'analyse de risque à partir de données historiques et de scores bien définis à des données nouvelles, voire à du prédictif", souligne Fabien Oliveira. Par données nouvelles, comprendre les données disponibles en temps réel. Pour y accéder, il suffit d'aller se connecter aux comptes bancaires des entreprises, soit en allant les chercher manuellement ou via des API. La DSP2, directive sur les données de paiements, permet à un acteur tiers de se connecter en toute sécurité à un compte de paiement via des API (avec le consentement de l'utilisateur final). Plutôt utilisée dans des services BtoC (agrégation de comptes par exemple), ce qui est appelé open banking s'immisce peu à peu dans le BtoB, notamment via le scoring de crédit.     

L'inévitable open banking

L'open banking est l'un des outils les plus performants pour recouvrir des créances auprès des consommateurs. Aujourd'hui, les vieilles méthodes sont encore majoritaires. "Les établissements de crédit ont des scores plutôt bons, mais qui pourraient être meilleurs s'ils n'intégraient pas des faux déclaratifs dans leurs méthodes", fait remarquer Laurent Kocinski, CEO de Meelo, solution de sécurisation des transactions. "Aujourd'hui, un conseiller bancaire n'a aucune information sur une personne à part ce qu'elle peut dire au téléphone", renchérit Michaël Diguet, CEO d'Algoan.

Cette fintech, qui propose à l'origine un score de crédit basé sur l'open banking, a accéléré ses plans avec l'arrivée du Covid-19. "Nous avons adapté nos technologies pour améliorer le recouvrement car la crise du Covid va donner lieu à une crise de risque qui va ressembler à celle de 2008-2009. On va se retrouver avec des vagues d'impayés. A ce moment-là, les banques basculeront leurs efforts d'octroi de crédit vers le recouvrement", analyse Michaël Diguet. 

"Nous proposons des outils qui permettent par exemple de préconiser une pause d'échéance"

Créée en 2017, Algoan met à disposition des établissements de crédit une plateforme dans laquelle un conseiller a une synthèse de la situation de son client. Il peut mettre les widgets qu'il souhaite : le nombre d'incidents de paiement sur le crédit, le nombre de crédits en cours, le moment où le revenu arrive, les prélèvements à venir…. "Nous proposons aussi des outils plus sophistiqués qui permettent par exemple de préconiser une pause d'échéance ou une mensualité réduite de 30% pendant un temps", illustre le dirigeant. "C'est mieux que de perdre complètement un client. Au final, notre objectif est que le conseilleur trouve la meilleure solution de recouvrement de crédit", ajoute-t-il. Les plateformes d'open banking, que sont Bridge (marque BtoB de Bankin'), Budget Insight, Linxo ou encore Tink, peuvent aussi développer des solutions de recouvrement, même si pour l'instant elles se concentrent davantage sur l'octroi de crédit. Algoan intègre d'ailleurs la technologie de Budget Insight pour sa nouvelle plateforme.  

Il existe en revanche des limites à ce type de solution : il faut le consentement du détenteur du compte bancaire. Aujourd'hui, entre 25 et 30% des détenteurs chez Algoan le donnent. "Ce n'est pas autant que sur l'octroi de crédit mais je pensais que ce serait beaucoup moins, car on parle d'accéder à des comptes en surendettement", souligne Michaël Diguet, qui vient tout juste de commercialiser sa solution. L'autre limite se trouve chez les établissements de crédit eux-mêmes, qui ne prennent pas tous le sujet à bras le corps. "Le recouvrement est un peu le parent pauvre de ces activités. Entre les crises, ça ne changent pas trop, il n'y a pas d'innovation. Ce n'est que quand on y arrive que les établissements décident de se focaliser dessus", regrette Michaël Diguet, qui lui sera prêt le moment venu.