Informatique quantique : quel impact sur la finance ?

Informatisation des comptes clients dès 1959, instauration du distributeur automatique en 1967, recours aux premiers logiciels de gestion à partir de 1979… L'informatique a joué un rôle majeur dans la finance. Voici comment et pourquoi sa révolution quantique l'impactera.

Dans une étude de 2020 passée quasiment inaperçue en raison du confinement, le cabinet de conseil McKinsey a mis en avant les avantages considérables que l’ordinateur quantique pourrait apporter au secteur financier. Ce rapport envisageait une application possible dès 2030, pour un marché global atteignant une valeur de 1 000 milliard de dollars en 2035 !

Le principe de l’ordinateur quantique

Pour pouvoir pleinement estimer l’impact de la révolution quantique sur le monde de la finance, il est essentiel de comprendre en quoi cette technologie constitue un bond de géant. Aujourd’hui, un ordinateur traditionnel utilise des bits d’information selon un rythme binaire (0 ou 1). Un appareil quantique fonctionne quant à lui avec des quantum bits (ou qubits) qui permettent de réaliser une superposition simultanée de ces deux états, pour des capacités de calcul sans commune mesure. Celles-ci peuvent être mises au service de nombreux domaines pour répondre à des problématiques d’optimisation. D’après McKinsey, les premiers ordinateurs utilisant cette technologie devraient être opérationnels entre l’année prochaine et 2026. 

La finance, un secteur stratégique

Pour l’heure, plusieurs pays comme les États-Unis, la Chine, le Royaume-Uni et le Canada ont déjà réalisé des investissements massifs pour mettre au point des modèles viables. Des sociétés comme IBM ou Google possèdent dès à présent des ordinateurs pseudo-quantiques, fonctionnels mais ne dépassant pas encore suffisamment en puissance les ordinateurs classiques les plus perfectionnés. Les applications commerciales et industrielles de cette technologie sont attendues pour 2025 au plus tôt par les experts interrogés. Une véritable course est lancée entre les grands acteurs de la tech à travers le monde. La France ne doit pas être à la traîne car un tel marché pourrait bien bouleverser le monde des services financiers et bancaires au cours de la décennie actuelle.

Des applications concrètes dans le secteur de la finance

Parmi les terrains d’expérimentation les plus intéressants pour le calcul quantique, la finance est aujourd’hui en première ligne. Aux États-Unis, la société JPMorgan Chase fait partie des plus à la pointe quant au recours prochain aux calculateurs quantiques. Cette technologie permettrait notamment d’accélérer de manière notable le traitement des données sur les actifs financiers. L’optimisation d’actifs est l’application la plus évidente qui pourrait être faite dans le domaine de la finance.

Différentes études, menées, par exemple, par la banque BBVA ou la société Multiverse Computing, ont également mis en lumière des utilisations telles que l’amélioration de la notation du crédit ou la détection des fraudes. Quant aux traders des banques, les algorithmes quantiques pourraient multiplier par quatre leur rendement en contribuant à prévoir le cours des actions cotées en Bourse. Avec les quantités de données manipulées par les banques, pouvoir s’appuyer sur des outils beaucoup plus performants pour trier et analyser l’information constituerait une plus-value inestimable. De nombreux pans de leurs activités seraient en mesure d’utiliser efficacement des solutions d’optimisation du risque issues du calcul quantique.

Les premiers calculateurs disponibles avant 2030 ?

L’étude de McKinsey avance que le monde pourrait compter entre 2 000 et 5 000 ordinateurs quantiques d’ici 2030. Pour autant, ces progrès techniques ne sauraient révolutionner à eux seuls le secteur financier sans un accompagnement humain et matériel adapté à plusieurs échelles. Le cabinet évoque le besoin de former des informaticiens à même d’utiliser cette technologie, tout comme l’importance des acteurs de support pouvant contribuer à la fabrication et au bon fonctionnement de ces ordinateurs d’un nouveau genre. Riche en promesses et en applications dans des domaines divers, l’ordinateur quantique pourrait très bientôt devenir une réalité dans notre quotidien.

Des projets déjà menés en France

Pour développer la technologie quantique, les connaissances de physiciens, de mathématiciens et d’informaticiens sont indispensables. Dans l’Hexagone, environ une centaine de spécialistes travaillent en ce moment dans ce domaine, pour un investissement global estimé à près de 200 millions d’euros par an. S’il s’agit d’initiatives allant dans le bon sens, elles représentent peu par rapport aux programmes de recherche lancés depuis plusieurs années déjà par les gouvernements américains et chinois. Les jeunes pousses françaises ne manquent cependant pas de dynamisme puisque, sur les 90 start-up européennes répertoriées travaillant sur les calculateurs quantiques, 16 sont françaises (pour 20 britanniques notamment).

La technologie quantique pourrait être développée plus fortement à la faveur du lancement de nouveaux fonds spécialisés. Aujourd’hui, seul le fonds Quantonation, fondé en décembre 2018 par Charles Beigbeder, Christophe Jurczak et Olivier Tonneau, s’est déjà positionné sur cette question en France. Des sociétés comme Thales, Atos, Total, EDF ou bien Airbus pourraient s’allier à des acteurs financiers de premier plan et la BPI afin de favoriser les travaux autour des innovations quantiques. Les grands groupes mondiaux sont proches quant à eux de réussir à stabiliser leurs prototypes. En 2019, Google a pu ainsi utiliser un ordinateur de 53 qubits pour effectuer des tâches qu’un supercalculateur classique aurait mis plusieurs siècles à réaliser...