Pierre Noizat (Paymium) "Il faudra attendre deux ou trois ans pour voir des innovations sur l'écosystème bitcoin"

Pionnière du bitcoin en France, Paymium compte désormais 220 000 clients dans l'Hexagone et a obtenu le PSAN en 2021. Echange avec son fondateur, qui voit l'avenir du bitcoin d'un œil serein.

Pierre Noizat, fondateur de Paymium. © Paymium

JDN. Quelles sont les perspectives de marché des cryptos en 2022, sachant que l'année démarre avec une chute des bourses traditionnelles ?

Pierre Noizat. Il est intéressant de voir que la chute du cours du bitcoin correspond souvent à des facteurs exogènes comme les variations de taux. Les quantitatives easing (rachats de dettes publiques par les banques, ndlr) commencent à ralentir et la crise du Covid diminue elle aussi. Nous entrons dans une zone de turbulences des marchés mais selon moi, tout devrait reprendre assez vite dans le courant de l'année. Pour un investisseur, le bitcoin reste un bon placement sur trois ans, car jusqu'à présent, même si vous aviez acheté au mauvais moment, vous n'avez rien perdu sur cette période et dans le meilleur des cas, vous avez fait une belle plus-value (+500% en trois ans). Depuis dix ans, le prix moyen du bitcoin augmente de 200% à 300% par an. 

Quoi de neuf avec la technologie bitcoin, avec notamment l'implantation de Taproot ?

Taproot est une avancée technologique importante, une mise à jour qui permet une plus grande confidentialité des transactions. Le langage de script est enrichi pour faire des smart contracts. Cela rend les transactions plus difficiles à retracer, ce qui nous rapproche du cash électronique, c'est -à -dire une valeur non confiscable. Il faudra attendre deux ou trois ans pour voir les innovations sur l'écosystème bitcoin. Les performances de la blockchain bitcoin sont aussi améliorées par Lightning, qui permet un nombre important de transactions par secondes, chose impossible avant.

"Si Paymium propose un jour des NFT, nous serons sélectifs dans nos listings"

En 2022, Paymium ne proposera pas de services de finance décentralisée, pourtant à la mode sur les plateformes d'exchange. Y a-t-il une chance que Paymium offre ce genre de services un jour ?

Chez Paymium, nous avons un focus grand public et notre mission est d'aider les gens à accéder aux cryptos, le bitcoin en particulier. Notre focus est de pouvoir offrir du bitcoin à un maximum de gens. Nous n'avons pas souhaité rentrer dans ces complications car le lending et le staking sont des opérations risquées, surtout si le cours d'une monnaie dévisse. Les NFT, par exemple, me semblent plus intéressants, même si aujourd'hui certains projets semblent encore farfelus, ce que nous avons constaté depuis le bull run de la fin de 2021. Si Paymium propose un jour des NFT, nous serons sélectifs dans nos listings, et nous restons attentifs aux nouveaux cas d'usages, notamment la propriété intellectuelle dans la musique avec les NFT. Les tokens suscitent aussi l'intérêt de Paymium et notamment les jetons ERC-20 de la blockchain Ethereum.

Les géants des exchanges cryptos comme Binance se heurtent à de gros problèmes de régulation et de compliance. 2022 sera-t-elle l'année de la régulation pour les crypto-monnaies ?

Plus les crypto-monnaies sont adoptées, plus on progresse et plus le domaine entre dans le radar du régulateur. L'intérêt des cryptos reste quand même qu'elles sont décentralisées, et elles doivent rester non confiscables. Pendant la crise de la Covid, nous avons pu observer que certaines administrations mondiales sont devenues hors de contrôle et que nos libertés, notamment monétaires, peuvent être confisquées à tout moment. Reste que la régulation des plateformes est inéluctable. Paymium, par exemple, dispose de la certification PSAN, un sésame indispensable pour être légitime sur le marché français depuis 2021.

Pensez-vous que la présidentielle française aura un impact sur le domaine des crypto-monnaies en France ?

Malheureusement, le domaine des crypto-monnaies n'est pas exploitable pour se faire élire, et c'est pourquoi les politiques n'évoquent pas du tout le sujet. Les candidats auraient pu comprendre que le financement de leur campagne aurait pu se faire par le biais de tokens mais ils restent dans un système de financement traditionnel, où l'on s'endette pour sa campagne en espérant faire plus de 5% des votes. Ce système de financement avantage grandement les grands partis et les élections ne se prêtent pas du tout au débat du pluralisme monétaire.