Romain Rouphael (LN Markets) "Le Lightning Network est un réseau encore très jeune"

Faire du bitcoin une monnaie du quotidien, c'est le rôle du Lightning Network. Depuis 2021, le volume de transactions sur ce réseau layer 2 a augmenté de 400%. Le JDN s'est entretenu avec Romain Rouphael, cofondateur de la plateforme de trading LN Markets.

JDN. Lors de la dernière Bitcoin Conference de Miami, Robinhood a annoncé l'intégration du Lightning Network sur sa plateforme de trading, pourriez vous rappeler en quoi consiste ce système de paiement ?

Romain Rouphael est cofondateur de Lightning Network © Lightning Network

Romain Rouphael. Dans le protocole Bitcoin, il y a une limite qui est vite apparue sur la taille des blocs, à savoir que chaque bloc est limité à un mégaoctet. Cela correspond environ à trois mille transactions par bloc, sachant qu'un bloc est généré toutes les dix minutes. Au début, les blocs n'étaient pas complètement remplis, mais à partir de 2014, la communauté Bitcoin s'est posé des questions sur la meilleure stratégie de développement à adopter. A savoir qu'à l'époque, Bitcoin permettait environ 7 transactions par seconde, contre 50 000 pour des réseaux comme Visa. Il fallait donc trouver une solution pour faire de Bitcoin un vrai système de paiement sur Internet. Ça a donné lieux à des débats assez vifs entre les mineurs, les développeurs et les grandes sociétés comme Coinbase et la communauté d'utilisateurs. Deux factions étaient opposées, l'une voulait accélérer la scalabilité du réseau en augmentant la capacité des blocs autour de 2, 8 ou 32 mégaoctets pour gérer davantage de volumes.

Ces bigblockers ont créé leur propre fork de Bitcoin, à savoir le Bitcoin Cash. L'autre camp voulait s'appuyer sur un papier rédigé en 2015 par des cryptographes, et qui suggérait d'ajouter une nouvelle couche au réseau Bitcoin, c'est ce qu'on a appelé le Lightning Network, le réseau éclair. L'idée est de s'appuyer sur le réseau Bitcoin pour permettre des transferts instantanés avec des frais de transaction très faibles et sur des volumes importants. Vers 2018, trois équipes, dont deux américaines et une française, ont développé leur implémentation du Lightning Network.

Comment fonctionne le Lightning Network ?

Si je vais dans un bar et que je compte consommer généreusement, je vais demander au barman de m'ouvrir une note, je vais donc payer une seule fois, à la fin de ma soirée. C'est le même principe pour le Lightning Network. Le problème de scalabilité de Bitcoin était surtout dû aux transactions on-chain, soumises à la vérification des nœuds, aux délais de confirmation, aux frais et à l'énergie consommée. L'ajout d'un layer 2 permet de fluidifier les canaux de paiements pair-à-pair, c'est-à-dire que les transactions sont réalisées off-chain, sur le Lightning, et que seul l'ouverture et la fermeture du canal se feront on-chain, directement sur le réseau Bitcoin. Pour cela il faut simplement s'équiper d'un wallet Lightning compatible comme Breez ou Simple Bitcoin Wallet. Il y a aussi le wallet Phoenix développé par l'entreprise française Acinq, financée notamment par BPI France.

Quels sont les exemples concrets de ce que permet le réseau Lightning ?

Le Lightning Network est un réseau encore très jeune, mais il permet déjà plusieurs formes d'utilisation à grande échelle. L'exemple du Salvador est assez frappant dans la mesure où le pays à légalisé le bitcoin en tant que monnaie (Le pays étant endetté à hauteur de 800 millions de dollars, une nouvelle baisse du bitcoin pourrait aboutir à une cessation de paiement, avec un risque de faillite important, ndlr). Les wallets s'appuient donc sur le Lightning Network pour réaliser des paiements en direct pour tous les citoyens du pays qui peuvent payer leurs McDo, leurs Starbucks ou même leur cartes sim en bitcoin. J'ai eu la chance d'aller visiter un volcan avec un guide, au milieu de nulle part, il n'acceptait que les paiements en Bitcoin, refusant même le dollar.

Les manques de bancarisation dans le monde donnent également de bonnes perspectives à l'évolution du réseau Lightning. Au lieu d'aller dans des 7-Eleven ou une épicerie pour payer des factures en liquide, les consommateurs peuvent payer instantanément en bitcoins. C'est une vraie application concrète du Lightning, d'autant plus quand on sait qu'un cinquième du PIB Salvadorien provient d'envois de fonds depuis l'étranger. Western Union avait d'ailleurs évoqué un risque de perte de chiffre d'affaires de 400 millions de dollars par an, cela représente 400 millions de dollars de pouvoir d'achat en plus pour les Salvadoriens.

Sur Twitter, le Lightning Network a aussi permis l'apparition des pourboires en bitcoins. Un autre exemple en date est celui de la dernière Bitcoin Conference à Miami à l'occasion de laquelle plusieurs grands noms tels que CashApp, Stripe ou Robinhood ont annoncé l'intégration du paiement en Lightning via leurs plateformes.

Le récent partenariat entre Strike, Shopify, NCR et Blackhawk Network va permettre à 400 000 enseignes américaines d'intégrer le paiement en bitcoin. Quels sont les secteurs qui pourraient bénéficier de ce mode de transactions ?

Dans le trading par exemple, le Lightning Network permet de transférer de grosses sommes, rapidement et sans risque puisqu'il y a la possibilité de conserver ses fonds sur un wallet jusqu'au dernier moment avant de rentrer dans une position.  Les activités de paiements et paiements internationaux, qui comprennent des frais de transfert très élevés, ont également intérêt à passer sur ce mode transaction. C'est également valable pour les marketplaces, les entreprises du gaming ou même les néo-banques. Plusieurs travaux en cours tentent même d'intégrer des stablecoins sur le Lightning pour échanger des tokens adossés au dollar, à l'euro ou à toute autre devise.