Bourse : Conserver nos futurs géants technologiques à Paris ? Une question de volonté stratégique

Un bilan du paysage boursier pour pousser une véritable French Tech cotée, crédible face aux autres places financières qui multiplient également les efforts contre la puissance américaine.

En avril 2015, Euronext lance le label Tech 40 afin d’attirer les investisseurs étrangers et favoriser l’émergence de géants européens de la technologie. Sept ans après, le bilan reste mitigé : le paysage boursier français et européen demeure un peu faible et les acteurs peinent à franchir le cap de l’international grâce à lui. Qui plus est, les entreprises technologiques européennes qui peuvent prétendre à un statut mondial préfèrent multiplier les levées de fonds auprès des sociétés de capital-risque, souvent américaines. Lorsqu’elles font le choix de la bourse, elles privilégient le plus souvent New-York et le Nasdaq, car ils offrent aux actionnaires fondateurs et investisseurs historiques de meilleures valorisations, plus de liquidité et un accès à un large spectre d’investisseurs. Le français Dataiku par exemple, qui a déjà levé 100 millions de dollars en private equity, envisage plutôt son IPO à New-York qu’en Europe. 

Des initiatives encore insuffisantes des acteurs de la place

De nombreuses initiatives ou labels se sont multipliés, tels que Tech Leaders, Agri20 ou encore plus récemment chez Euronext, qui ont en commun le souhait de donner de la visibilité aux entreprises technologiques et soutenir l’émergence de géants européens. Comparé au Tech 40, le Tech Leaders comporte cependant des caractéristiques améliorées : il propose notamment un accompagnement spécifique avant et après l’introduction en bourse ainsi qu’une meilleure visibilité auprès des investisseurs internationaux C’est une bonne nouvelle car les processus sont semés d’embûches et peuvent réserver de mauvaises surprises jusqu’au dernier moment comme en témoigne l’introduction de Believe sur Euronext en juin 2021 

Mais tous ces efforts ne suffiront pas. La solution ne peut-être que systémique et accompagnée d’un recours à une série de mesures bien coordonnée. 

Un engagement collectif, systémique et stratégique des acteurs de la Place de Paris est indispensable

Toutes les places financières, conscientes de la puissance américaine, cherchent à s’adapter et multiplient les initiatives. Londres y compris, qui espère devenir post-Brexit, un nouvel Hong-Kong aux portes de l’Europe grâce à une série de réformes très attendues.

A Paris, le constat d’une trop faible masse critique des acteurs et de l’insuffisante attractivité globale de l’éco-sytème boursier est largement partagé à la fois par les responsables politiques, les investisseurs et tous les acteurs de la place de Paris qu’EuroPlace fédère. Si un large consensus existe, l’action collective reste symbolique, largement insuffisante et l’affaire d’experts. 

Pour accompagner les efforts d’Euronext et créer un véritable compartiment Tech en bourse qui permette d’espérer faire de l’ombre au Nasdaq et être crédible face aux autres places financières, un engagement collectif et stratégique des acteurs de la place Française et fédérateur des places Européennes est indispensable. Si cette volonté se met réellement en marche alors nous trouverons les solutions car les actions concrètes ont maintes fois été étudiées et discutées.

Une palette d’actions concrètes sont disponibles pour réussir à créer un mouvement de fond

Dans le contexte de la consultation européenne en cours sur le listing Act Européen, si nous voulons créer une véritable French Tech cotée, les orientations suivantes sont à mettre en cohérence avec un soutien indispensable de l’Etat et des régulateurs français :

  •  Elaborer une approche européenne concertée afin de créer un marché de la Tech intégré et attractif au niveau européen ;
  •  Faciliter une culture de l’investissement en actions d’entreprises technologiques à travers notamment des incitations fiscales propres à créer un véritable marché des particuliers en France en liaison avec les objectifs de la finance durable ; 
  •  Développer un pôle investisseurs en equity fort avec une vision européenne notamment au niveau institutionnel et assurer un continuum de la demande de financement pour prendre le relais des sociétés de capital risque ou de private equity dont certains représentants pourraient passer à l’échelle mondiale ;
  •  Créer des grand fonds relais abondés à la fois par de l’argent public et des capitaux privés qui investissent dans les entreprises technologiques au moment de leur introduction en bourse afin de pallier le manque de capitaux long terme investis en actions ;
  •  Renforcer la compétitivité réglementaire du droit français, ( actions à droit de vote multiples, souplesse des augmentations de capital, etc…). 
  •  Favoriser et renforcer les rencontres et évènements pour rendre visible nos pépites technologiques avec une vision européenne et accompagner les fondateurs des sociétés non cotées. 

Pour réussir et faire de Paris la place leader en Europe, nous devons donc être plus ambitieux. Cela ne se décrète pas. Chacun des acteurs devra investir, collaborer et prendre sa part pour créer un écosystème attractif, puissant et adapté à notre temps. C’est seulement à cette condition que nous pourrons espérer jouer à armes égales avec New York, Londres et l’Asie.