Cryptos : comment (et combien) se rémunèrent les influenceurs

Cryptos : comment (et combien) se rémunèrent les influenceurs Affiliation, monétisation de vidéos, parrainage, sponsoring : ces quatre moyens de rémunération permettent aux crypto influenceurs de gagner des milliers de dollars par mois, non sans difficultés.

Le 19 juillet dernier, la plateforme d'échanges de crypto-monnaies Coinbase a fait bien des malheureux. Et pour une fois il ne s'agissait pas des détenteurs de cryptos, déjà largement mis à mal par la chute des cours entamée en mai. Non, cette fois-ci les victimes sont les influenceurs cryptos. Coinbase leur annonce qu'elle suspend l'octroi de commissions qu'elle leur délivre aux Etats-Unis. Et ce pour au moins le reste de l'année selon Business Insider. Les crypto influenceurs qui jusqu'alors touchaient de l'argent en partageant à leur communauté leurs liens affiliés sont privés d'une source de revenus parfois considérable. Heureusement pour eux, Coinbase n'est pas le seul acteur du monde des cryptos à proposer un programme d'affiliation, et l'affiliation n'est pas le seul moyen pour eux de monnayer leur influence. Le JDN a interviewé quatre d'entre eux qui ont bien voulu lever le voile sur un sujet généralement tabou (10 autres influenceurs ont refusé de répondre à nos questions).

Monétisation de vidéos

Youtube rémunère ses créateurs de contenu en fonction du nombre de vues que génèrent leurs vidéos. Yann-Loïc Chort, alias Yann Darwin avec 254 000 abonnés, estime qu'il s'agit de la "plus petite source de revenus" des influenceurs crypto. Entre juillet 2021 et juillet 2022, pour 11 millions de vues générées, il a gagné 44 000 euros brut, soit 0,004 euro par vue. Ce moyen de rémunération n'est pas fixe puisqu'il dépend de l'intérêt porté aux vidéos publiées : Yann-Loïc Chort génère donc entre 4 et 10 000 euros brut par mois. En juin 2022, il a gagné 2 900 euros brut. "Cela peut paraître beaucoup mais cet argent est réinvesti dans du matériel", indique-t-il. Et oui, le tournage de vidéos comporte aussi son lot de charges.

Sponsoring

Le sponsoring est un "acte commercial rémunéré" d'après BusinessDynamite, dont la communauté Youtube s'élève à 53 700 membres. Un contrat est établi généralement entre une entreprise de NFT ou une plateforme crypto avec un influenceur afin qu'il fasse la promotion sur un réseau social d'un produit en échange de rémunération. Yann-Loïc Chort explique recevoir des propositions de partenariats deux à trois fois par jour pour des montants compris entre 5 000 et 30 000 euros. "On me propose régulièrement des placements de produit à hauteur de 15 000 à 20 000 euros", ajoute-t-il. De son côté, Monsieur TK, youtubeur crypto qui cumule 67 100 abonnés, est sollicité une dizaine de fois par jour pour du sponsoring. Tim Camads, suivi par près de 237 900 personnes sur Tiktok, est obligé de faire appel à une agence d'influence qui présélectionne les projets crypto intéressants tant les demandes de sponsorisation affluent.

Parrainage

Un code de parrainage peut être généré par tous les utilisateurs d'une plateforme crypto. Il suffit qu'un client le partage à un nouvel utilisateur et que celui-ci l'utilise lors de son inscription pour que les deux bénéficient d'avantages : 10 dollars de BTC offert, réduction de 20% des frais etc. Les crypto influenceurs gagnent de l'argent en incitant leur communauté, qui peut atteindre des centaines de milliers de membres, à utiliser massivement leurs codes de parrainage. D'après Monsieur TK, "le système est win-win" : les protocoles crypto attirent de nouveaux utilisateurs, les nouveaux clients et ceux existants obtiennent des récompenses. Il gagne en moyenne 1 000 dollars en bitcoins par mois grâce au parrainage.

Affiliation

BusinessDynamite définit l'affiliation comme une forme de "parrainage pour les professionnels car il faut un statut d'entreprise pour être rémunéré". Certaines plateformes crypto, comme Crypto.com ou Nexo, lancent des programmes d'affiliation sélectifs qui s'adressent uniquement aux influenceurs, aux bloggeurs ou encore aux websites crypto, à l'inverse des codes de parrainage accessibles à tous. Le volume de trafic généré, la taille de l'audience, la qualité du contenu sont des exemples de critères que doivent remplir les crypto-influenceurs pour en faire partie. Après avoir été approuvés, ils obtiennent une commission, plus ou moins avantageuse selon le projet, sur l'ensemble des échanges réalisés par les membres de leur communauté qui ont utilisé le lien d'affiliation. BusinessDynamite, qui cumule 10 000 parrainés et affiliés, juge que "l'affiliation est plus avantageuse que les codes de parrainage, utilisables seulement lors de l'inscription". Grâce à elle, il peut gagner jusqu'à 9 000 euros par mois. Tim Camads a intégré trois programmes d'affiliation qui lui permettent d'obtenir 500 euros de revenus supplémentaires par mois.

Fluctuations & réputation

Ces chiffres peuvent faire rêver mais attention : l'utilisation des liens de parrainage ou d'affiliation dépend de l'état du marché des cryptos. Lorsqu'il est morose, la rémunération des crypto-influenceurs peut diminuer fortement. Monsieur TK n'a gagné que 25 dollars de bitcoin au cours du mois de juin grâce au parrainage, soit une division par 40 de ses revenus habituels. Pas simple donc d'assurer des revenus constants. BusinessDynamite observe qu'il y a des "cycles d'affiliation" : "c'est le top de septembre à février, puis vient la phase aléatoire jusqu'à juin, suivie de la période des vacances, beaucoup plus calme". Au cours du mois de juin, l'affiliation n'a rapporté que 1 200 dollars à BusinessDynamite, 7,5 fois moins qu'en temps normal.

En juin, l'affiliation n'a rapporté que 1 200 dollars à BusinessDynamite, 7,5 fois moins qu'en temps normal

Yann-Loïc Chort déplore un manque de transparence de certains crypo influenceurs qui promeuvent des produits crypto sans préciser qu'ils sont liés avec l'entreprise par un contrat. "En tant qu'influenceurs, nous sommes moralement tenus de préciser lorsque nous sommes affiliés à une plateforme", approuve BusinessDynamite. Sur Youtube, les plus honnêtes peuvent cocher la case "inclut une communication commerciale" ou le préciser dans la description des vidéos. Malgré cette précaution, Yann-Loïc Chort estime que" les youtubeurs perdent toute crédibilité lorsqu'ils sont payés pour vendre un produit". Il est difficile pour le public de distinguer une "analyse objective d'une publicité" remarque-t-il, d'autant que les demandes de partenariats ne sont pas toujours formulées par les projets crypto les plus réglos.

"Le risque est de tomber dans l'appât du gain facile"

Monsieur TK observe qu'"une bonne réputation prend du temps à construire mais 2 minutes à détruire, il faut mettre en avant des plateformes sûres quitte à gagner moins". Selon lui, certains protocoles fonctionnent uniquement grâce à l'affiliation et au sponsoring. Les crypto influenceurs doivent se renseigner précisément sur le projet avant d'en faire la promotion, au risque que ce soit une arnaque. "Beaucoup de projets sont des scams", confirme BusinessDynamite. "La plupart des entreprises qui contactent les influenceurs crypto sont des projets inconnus qui font du sponsoring afin de combler un manque de liquidités à leur lancement", ajoute Yann-Loïc Chort. "Il y a beaucoup de NFT", précise-t-il. L'inexpérience de l'équipe à l'initiative du projet, l'absence de coordonnées, la jeunesse du projet sont souvent les signes annonciateurs d'une escroquerie. "Le risque est de tomber dans l'appât du gain facile", prévient Monsieur TK.