Blockchain et assurance, des échecs mais pas que…

Blockchain et assurance, des échecs mais pas que… Exécution automatique des contrats et des pénalités, immuabilité et véracité des données, gain de temps et d'argent… En apparence, la blockchain semble avoir été inventée pour l'assurance mais tout n'est pas à prendre.

Traçabilité des flux intercos

En 2021, l'assureur Français AXA via sa filiale AXA Partners s'est associée avec le développeur de solution SaaS Stratumn autour du projet BlockCo avec la double ambition d'améliorer la collaboration interne et d'optimiser la gestion du cash. Dans l'assurance, les flux intercos correspondent à la circulation d'une facture entre deux entités d'une même organisation. Dans le cas d'une structure internationale il faut s'assurer que le taux de TVA soit le bon pour chaque facture, mais aussi jongler entre les différents systèmes d'information comme Excel, Oracle, Sharepoint…En 2020, AXA a mené une étude en interne qui révélait que 66% des collaborateurs trouvaient le processus de facturation long et pénible. Le projet BlockCo s'appuie sur la combinaison d'une solution robotique basée sur de l'automatisation, couplée à la technologie blockchain et implémentée sur le système de gestion de l'assureur.

Pourquoi ça a marché ? La solution fait le bonheur des filiales AXA Partners Holding, AXA Partners France et AXA Partners Belgique en automatisant 83% du processus de gestion des flux intercos et en réduisant de 70% le temps consacré à ces tâches. Environ 3000 factures et 400 millions d'euros sont traités annuellement via cet outil.

Supply Chain

Fluidifier le parcours des conteneurs de leur prise en charge au stockage en passant par la validation des douanes…Voilà le défi auquel l'éditeur de logiciel IBM et le transporteur danois Maersk ont décidé de se confronter. Leur arme ? Tradelens. La blockchain privée développée par IBM permet de proposer des API composées de module de stockage d'information et d'un système de validation électronique. Les assureurs étant branchés directement au réseau, ces derniers peuvent auditer n'importe quelle information en temps réel. "Quand on parle de fraude à l'assurance, on fait référence à une information qui a mal circulé, a été mal collectée ou qui est volontairement incorrecte", précise Vincent Fournier, blockchain leader chez IBM. La circulation d'une donnée instantanément vérifiable est en cela un bon moyen de pallier à un déclaratif erroné.

Pourquoi ça a marché ? Fort d'un réseau de plus de 300 membres parmi lesquels MSC, Seaboard ou encore CMA CGM, Tradelens facilite le traçage de 65% du trafic maritime mondial. Un succès qui appelle d'autres usages. En mars 2022, la plateforme a acté sa collaboration avec Bolero, entreprise BaaS spécialisée dans la numérisation des transactions. L'objectif est de relier banques et assurances au sein d'un même réseau pour davantage de maîtrise des flux financiers.

Réassurance

Allianz, Munich Re, Deustche Rück, Generali…Au total ils étaient 15 assureurs et réassureurs à se réunir autour du projet B3i au mois d'octobre 2016 avant d'être rejoint par une dizaine d'autres poids lourds parmi lesquels le Français Covéa. En mars 2018, le consortium vira société. Le projet ? Bâtir une plateforme de partage de données directement sur la blockchain, en se concentrant dans un premier temps sur les contrats liés aux catastrophes naturelles et l'assurance maritime. Le réseau privé avait pour but de répertorier les différents acteurs en jeu, de faciliter le quotidien des courtiers et de favoriser une interopérabilité sans faille entre tous les métiers de l'assurance. En avril 2022, Allianz et le réassureur Swiss Re ont par exemple signé le premier contrat de réassurance XS d'excédent de sinistre sur la plateforme.

Pourquoi ça n'a pas marché ? Après une première levée de 6,3 millions de dollars au moment de sa création en mars 2018, la société rebaptisée B3i Services a conclu un second tour de table au mois de février 2019. Et puis plus rien…Le 28 juillet 2022, l'entreprise a annoncé qu'elle déposait le bilan à la suite d'incapacité à lever de nouveaux fonds. Le directeur financier de Swiss Re a complété cette réponse par la difficulté d'aboutir à une formule rentable.

Achat et vente d'OPC

En 2017, la loi Sapin 2 introduisait la possibilité de réaliser des transactions de parts de fonds directement sur la blockchain. Une opportunité saisie par une poignée de sociétés de gestion françaises, à savoir OFI AM, Groupama AM, La Financière de l'Echiquier, Arkéa Investment Services, Lyxor, Generali et La Banque Postale. En mars 2019, la blockchain IZNES, développée par la fintech SaaS Stratumn vît le jour. Une avancée qui charrie avec elle la possibilité d'acheter et de vendre des parts de fonds en s'affranchissant de l'infrastructure traditionnelle chapotée par Euroclear, l'un des deux dépositaires de titre avec Clearstream.

Pourquoi ça a marché ? En cour circuitant le schéma post-trade qui regroupe les agents de transfert, les banques et les dépositaires de fonds, la blockchain IZNES a permis de créer une connexion directe entre acheteurs et vendeurs de fonds. Des transactions plus rapides et moins onéreuses, voilà en substance les retombées pour les utilisateurs de la solution. Une douzaine de sociétés sont actives sur la plateforme qui totalise 10 milliards d'euros d'actifs sous registre, référencés et détenus sur la blockchain privée hébergée par AWS, AZURE et OVH.

Indemnisation paramétrique

Au mois de septembre 2017, AXA était fière de présenter sa plateforme Fizzy qu'elle vendait comme étant la première assurance bâtie sur la blockchain à être lancée par un fleuron du secteur. Ce produit disponible sur web et mobile permettait aux passagers d'un vol retardé d'être automatiquement et instantanément dédommagés. Concrètement, le smart contract collectait les informations de chaque vol en temps réel via un oracle, ces protocoles qui alimentent chaque blockchain en données off chain. L'assuré n'avait pas besoin de transmettre de justificatif à sa compagnie, et cette dernière n'avait donc aucune ressource (temps comme argent) à consacrer à la vérification et au calcul des indemnités.

Pourquoi ça n'a pas marché ? Deux ans après son lancement, le projet fût avorté. Selon AXA, deux éléments sont à l'origine de l'insuccès : le manque d'appétit du marché pour ce genre d'offres et la difficulté à trouver les bons canaux de distribution. L'assureur a précisé que Fizzy n'a pas atteint ses objectifs commerciaux et que la plateforme avait enregistré 11 000 polices et procédé à l'indemnisation d'une centaine de voyageurs.

Résiliation des contrats

Entrée en vigueur au 1er janvier 2015, la loi Hamon donnait la possibilité à tout assuré engagé depuis plus d'un an de changer de contrat d'assurance auto ou habitation. Deux ans plus tard, 14 compagnies d'assurances accompagnées de la start-up Stratumn et du cabinet de conseil Deloitte se sont lancées dans une initiative blockchain inter-assureurs, pilotée par la société de services numériques Sopra Steria. L'objectif de base était de fluidifier les envois et réceptions des notifications de résiliation à travers un registre décentralisé et régie par l'exécution de smart contracts. Une rupture technologique qui était censée moderniser les mécanismes d'horodatage et pallier aux processus de résiliation traditionnels chronophages.

Pourquoi ça n'a pas marché ? La raison principale de cet échec réside dans son cas d'usage. Un projet, même fonctionnel, qui pousse le client à aller chez la concurrence ne peut aspirer qu'à un court avenir.

Indemnités chômage

Déclarer sa situation, fournir les documents justificatifs, s'actualiser, mettre à jour son expérience, fournir les documents justificatifs et s'actualiser…La routine mensuelle des demandeurs d'emplois n'est pas une sinécure. En avril 2020, AXA Partners et Stratumn se sont associé au service public suédois Arbetsförmedligen autour du projet Blockchain for unemployment. L'ambition affichée était de fournir une infrastructure basée sur la technologie blockchain pour fluidifier et automatiser les versements d'indemnités chômage d'environ 400 000 suédois.

Pourquoi ça a marché ? Déclarations simplifiées, réduction des risques d'erreurs de saisie, allègement de la charge bureaucratique… Des bienfaits qui contraignent cependant les demandeurs d'emplois à autoriser leur service public à récolter et utiliser leurs données. Au-delà d'une amélioration du NPS (net promoteur score, ndlr) c'est une nouvelle vision de l'indemnisation qui séduit les intéressés.