Initiation de paiement : à quand le sursaut européen ?

A la fois réponse aux nouveaux usages et progrès en matière de sécurité, l'initiation de paiement est aussi un projet européen, fondamental pour le développement de l'Europe des paiements.

Face au poids des réseaux de cartes internationaux et à l’arrivée de nouveaux acteurs, de l’Internet notamment, sur le marché des services financiers, l’Europe s’est engagée, depuis plusieurs années déjà, dans la structuration d’un cadre réglementaire européen harmonisé. Étape majeure de cet engagement, l’application de la deuxième directive européenne sur les services de paiement (DSP2) a imposé aux banques d’ouvrir leur système informatique créant ainsi de nouveaux usages et opportunités pour faciliter les transferts d’argent.

Parmi ceux-ci, l’initiation de paiement est apparue comme LE nouveau moyen de paiement paneuropéen, pouvant à la fois répondre parfaitement aux nouveaux modes de consommation et constituer un véritable progrès en matière de sécurité.

Et c’est le cas… du moins sur le papier, car dans les faits, encore faudrait-il pouvoir l’implémenter correctement auprès des banques européennes !

La promesse vs la réalité

Revenons déjà sur la promesse de l’initiation de paiement.

L’initiation de paiement permet à un commerçant via un prestataire agréé, d’initier à distance et de façon dématérialisée, une demande de virement SEPA (instantané ou standard) auprès de la banque de l’acheteur. Les échanges et les transactions se réalisent en direct entre le prestataire de paiement et la banque. Ils ne passent donc pas par les réseaux de cartes bancaires classiques (CB, Mastercard ou Visa,…).

Pour les acheteurs, les bénéfices sont multiples : rapidité du paiement, simplicité d’utilisation, plafond de paiement et une sécurité accrue.

Pour les marchands également : garantie de paiement, réception des fonds quasi en temps réel (pour les virements instantanés), plafond de paiement plus important que la carte, et un moyen de paiement européen.

Ajoutez à cela des possibilités d’usages plus en adéquation avec les habitudes actuelles de consommation (Instantanéité et digital), et vous obtenez en théorie, un moyen de paiement potentiellement incontournable en Europe.

Mais sur le terrain, on est bien loin de la promesse !

Pas de normalisation des parcours ni des protocoles d’échanges, pas de cohérence ni d’unité européenne …

Et ce n’est que la partie visible de l’iceberg, car dans les coulisses, l’intégration de ce moyen de paiement ressemble plus à un escape game grandeur nature. Pour chaque banque, dans chaque pays européen, il faut être capable de comprendre la logique, les protocoles, les restrictions, résoudre les problèmes techniques, faire corriger les bugs,… et donc investir massivement en développement pour arriver, un jour peut-être, à offrir une expérience de paiement unifiée pour le marchand et fluide pour l’acheteur, quelle que soit sa banque.

Un travail de fourmi, laborieux qui nécessite en plus de se battre pour se faire entendre et obtenir des informations de la part des principaux acteurs.

Comment en est-on arrivé là ?

Les banques européennes ont pris des engagements, dans le cadre de la DSP2, pour répondre aux obligations réglementaires. D’ailleurs, elles les ont bien respectées en mettant leurs APIs à disposition des fintechs. Mais le périmètre de ces APIs n’étant pas clairement précisé à la base, les banques ont défini un spectre d’utilisation extrêmement variable selon les pays, et parfois même très limitant.

Pourquoi imposer à l’acheteur de saisir son IBAN sur la page de paiement alors qu’il doit dans tous les cas s’authentifier en se connectant à sa banque pour valider le virement ? C’est une étape supplémentaire fastidieuse qui allonge inutilement le parcours client. Et pourtant, c'est le choix de presque toutes les banques allemandes - pays où le screen scraping, ancêtre de l’initiation de paiement, condamné par les textes de la DSP2 - reste roi, et de toutes les banques luxembourgeoises.

Et comme il n’existe aucune autorité de certification ou de contrôle, la qualité des APIs des banques n’est ni évaluée ni validée.

Alors que le virement bancaire instantané pourrait devenir « Le » moyen de paiement européen, les banques n’ont pas su jouer collectif, voire pour certaines, elles ont joué contre le projet. Les exemples sont malheureusement nombreux. Sans rentrer dans des détails trop techniques, on a même constaté que certaines banques ne donnent pas à l’acheteur les éléments de réassurance nécessaires au sein de son espace bancaire lorsqu’il valide son virement ! Si le paiement semble opaque, s’il y a un manque de garantie, comment voulez-vous que les consommateurs adhèrent à un tel moyen de paiement ?

Pour trouver des solutions, et essayer de faire en sorte que cela fonctionne sans dégrader les conditions de sécurité, les prestataires de services de paiement (PSP) sont en première ligne.

Mais des PSP indépendants comme nous le sommes, avec une liberté de ton et d’action pour pointer les défaillances, faire avancer les sujets et arrêter de subir des choix non collectifs, force est de constater qu’il y en a peu aujourd’hui…

Et maintenant ?

Il faut donc dès maintenant tirer des leçons de ces dérives, parce qu’au-delà d’un projet fondamental pour le développement d’une Europe des paiements, il est aussi question de notre souveraineté européenne dans le domaine des paiements. L’Europe doit montrer sa volonté de ne pas dépendre d’autres puissances ni d’en être tributaire !

Pour que l’initiation de paiement existe réellement en Europe et coexiste aussi avec les moyens de paiement de chaque pays de l’UE, il faut une marque européenne forte, identifiable par les consommateurs et s’appuyant sur une promotion paneuropéenne, donc il faut un projet et une vision collectifs.

Notre objectif est bien de faire de ce projet un succès, mais nous n’y arriverons pas sans l’implication des établissements bancaires européens, et des prestataires de paiement dès le début des réflexions et des travaux… Aujourd’hui, nous montons au créneau pour ne pas gâcher des innovations européennes qui pourraient être des exemples de réussites pour le monde entier. Car déjà, la DSP3 se dessine avec de grandes ambitions.